Poudrière et autres poèmes

RÉSUMÉ

Il y a chez Jacques Izoard, comme chez Du Bellay, Apollinaire et Max Jacob, une tendance irrépressible à la facétie accompagnant même le désir et l’amour. De cette tendance, naît chez le lecteur la conviction qu’il est convoqué dans un jeu, dans une complicité des sentiments, dans un certain esprit de passion badine. Aucun désabusement, aucune amertume, aucun sarcasme dans cet humour. La passion y est maintenue, mais avec une sorte de désinvolture joyeuse.
Jacques Izoard a enseigné toute sa vie. Le monde de l’enfance était son monde. Il tournait le dos à celui des adultes, dont il n’avait pas la moindre envie de faire partie, sous quelque forme que ce soit. Il a enseigné pour permettre à des jeunes gens non pas de se former et d’être initiés à un monde social actif, mais de maintenir en eux leur innocence d’enfants, tout en étant armés par une culture et une conscience.

DOCUMENT(S) ASSOCIÉ(S)
Lire un extrait I. Gavés de velours, le grain, le train, le sein. Toujours la ville et ceux qui vivaient là, ceux qui disaient « muscat », « coups pleuvent », « courants d’air ». La marche endort le laitier. Les hardes et les vignes croissent, croissent aussi les pluies le long du corps, les pluies dont les veines protègent la moelle ou le sureau. Qui vive ? Sac, je t’enterre. Sac, je te perce : jaillissent les grains de sang carlates, les pilés fémurs, les bris d’oeufs. Dansait l’arbre à l’envers, corps déjà vêtu d’eau claire, clémence illustre. La ville est. Exténue. II. Enfants fourrés et sourds, je vous tiens, vous couvre de crachats-feux, de crachats- jeux, de crachats-pieux, de — Un troucher aussi fin que celui des aveu- gles. Puis, le sang, l’émeute, le train-train. Ce qui apparaîtra possible sera bleu. Voix du papier déchire l’ouïe, quand le glas casse le sang, quand le langage natal avoue. Vêtu légèrement, vêtu de papier, je rejette la mer, je commence à/ Le loup maigre, l’élève. Bourre de tissu la jambe, tire la sève, aime crusoé sarcastique. III. Coquille que rien ne suce. Coquille dans laquelle tu loges avec tes chevaux, tes galops sans compas. Va vers cette maison, va vers le grenier du cygne, le citron du fourreau. Les bons villageois dressent potence, patience. Derrière le mot « métier », tu meurs coupé.
Table des matières Avant-lire, par René de Ceccatty Ce manteau de pauvreté Les sources de feu brûlent le feu contraire Aveuglément, Orphée Des lierres des neiges des chats Un chemin de sel pur Le papier, l’aveugle Voix, vêtements saccages Inédit La patrie empaillée La chambre d’Iris Vêtu, dévêtu, libre Inédit Le corps et l’image Sommeil d’encre Corps, maisons, tumultes Sulphur Le corps dans le corps Le bleu et la poussière Hocheporte Pièges d’air Dormir sept ans Tout mot tu, tout est dit Thorax Lieux épars
À PROPOS DE L'AUTEUR
Jacques Izoard

Auteur de Poudrière et autres poèmes

Avec opiniâtreté, Jacques Izoard – pseudonyme de Jacques Delmotte (1936 – 2008) – a poursuivi de 1962 jusqu’à sa mort l’élaboration de son œuvre poétique qui compte à ce jour une quarantaine de recueils (Ce manteau de pauvreté, 1962; La Patrie empaillée, 1973; Vêtu, dévêtu, libre, 1978) et contribue, à travers divers groupes, manifestations et revues (dont Odradek), à la diffusion de la poésie. Ses textes concis, en vers ou en prose, sont modernes par leur façon de rompre sans cesse la continuité sémantique et accessibles par leur sens du concret. Fruits d’une observation mobile et minutieuse, ils fragmentent les objets de l’environnement proche (et en particulier, le corps) auxquels ils confèrent une dimension parfois hallucinée.

AVIS D'UTILISATEURS

FIRST:corps pluies monde - "Poudrière et autres poèmes"
stdClass Object ( [audiences] => [domains] => Array ( [0] => 9176 ) )

Ceci pourrait également vous intéresser...

Extraction de la peur

Tout au long des cinq parties qui composent son dernier recueil, Véronique Daine se garde bien de reprendre son souffle. Ici, aucun signe de ponctuation permettant au lecteur de lever la tête. L’écriture cursive, parfois acérée, coule et se déverse telle une fugue de Bach jouée en staccato. Un débit verbal qui irrigue, comme le flux sanguin, tous les recoins du corps. C’est que les mots de l’auteure s’infiltrent justement dans ces zones d’ombre pour traquer nos angoisses les plus profondes. Celles tapies dans les replis d’une chair flétrie ou dans la pénombre d’une (veine) cave. Ces peurs viscérales qui nous rappellent que les tripes sont bien logées au cœur du ventre, quand la boule d’angoisse fait chavirer l’âme. Allitérative, métaphorique, souvent hallucinée, la langue est percutante, dit le monde et les êtres tels qu’ils sont, c’est-à-dire souvent terrifiants. Les images dès lors s’entrechoquent, font craquer le reste de vernis lyrique auquel on pensait pouvoir se raccrocher.   deux nuits de petite pluie pour emporter le merveilleux grand bel été sans fin d’une vie dans les zones     du corps sans exception deux pluies de petite nuit pour que la nigredo le règne nègre le craillement     aigre s’installe à cran d’arrêt dans le cloud des jardins cois deux nuits deux pluies petites petites petites  pour la peur prospère paradant comme toujours depuis l’os ancien accepté jusqu’à la veine cave et   retour à l’iliaque sans y croire plus que ça Consciente que le poème habite ce monde, Véronique Daine ne perd pas de vue la réalité qui s’offre nue au langage et que celui-ci se doit en quelque sorte de faire rendre gorge. Faits divers sordides par exemple que l’auteure épingle pour questionner, interpeller notre sournoise attirance vers la faille que le quotidien ne cesse de dévoiler. On le sait, l’histoire, la petite comme la grande, n’est pas avare de ces entreprises de dévastation des corps, corps brisés, anéantis par l’autre ou simplement par soi-même.Si le constat lucide semble plutôt sombre, une lueur subsiste néanmoins qui est peut-être à chercher dans l’acte créateur, dans sa capacité à renouveler sans cesse le questionnement métaphysique. Témoins les notes qu’égraine, en fin de volume, l’auteure renvoyant à ces références culturelles qui balisent le texte comme autant de moments d’échappement. Ce sont peut-être celles-là, un extrait de Bach, une image du film Tango libre de Frédéric Fonteyne, un poème de Darwich chanté par Bashung, qui remplacent en quelque sorte la ponctuation manquante – virgules d’espoir – et qui permettront à terme d’extirper du corps, cette peur ancestrale, cette arythmie séculaire. Quant aux peintures à l’encre ou à l’huile d’Alain Dulac qui épousent à merveille le texte, elles agissent comme les traits d’union entre les différentes parties du livre.Récitatif contre la peur, le recueil de Véronique Daine se lit d’une traite car pour devancer la peur aux trousses, il est préférable de ne pas s’arrêter! Rony DEMAESENEER…