Paix sur les champs

RÉSUMÉ

La campagne flamande, début du XXe siècle. Cinq familles aux destins entrelacés cherchent à s’affranchir des traditions et des erreurs du passé. Dans les paysages balayés par le vent, deux jeunes gens se rencontrent. Mais les réminiscences des péchés d’autrefois autant que les superstitions opposent les deux familles et empêchent les épousailles. Les haines sont-elles héréditaires ? Faudra-t-il toujours que les morts pèsent sur les vivants ?

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À PROPOS DE L'AUTRICE
Marie Gevers

Autrice de Paix sur les champs

C'est à Edegem, près d'Anvers, au bord de l'Escaut, que Marie Gevers voit le jour le 30 décembre 1883, dans le domaine de Missembourg, vaste paradis de verdure devenu mythique dans l'histoire de notre littérature. Marie est la dernière enfant d'une famille dans laquelle cinq frères l'ont précédée. Son père est retiré des affaires (il a fait prospérer la raffinerie paternelle), il s'adonne à la météorologie, à la chasse et à la lecture. L'enfant n'ira jamais à l'école, excepté pour suivre les cours de catéchisme, qui se donnent en flamand. Elle reçoit des cours particuliers de sa mère qui l'initie à l'histoire, à la géographie et à la littérature. Les dictées quotidiennes tirées du Télémaque de Fénelon servent à l'apprentissage de la langue française; un instituteur est chargé des leçons de calcul. Le domaine de Missembourg, sa grande maison, son étang (la présence de l'eau dans son œuvre est un thème fréquent), son jardin bercent le cadre d'une enfance émerveillée. Marie est passionnée de lecture; à l'âge de cinq ans, elle découvre la poésie de Lamartine grâce à son frère Charles. Elle dévore tous les ouvrages qui lui tombent sous la main, de la comtesse de Ségur à l'astronomie, des récits du Magasin pittoresque à la botanique, de Montaigne à Maeterlinck, dont les Serres chaudes la plongent avec ravissement dans l'atmosphère feutrée d'une poésie ouverte au mystère et au rêve. En 1900, elle tombe gravement malade (une fièvre typhoïde). Après une longue convalescence, elle effectue son premier séjour à l'étranger : la descente du Rhin. Marie Gevers écrit des vers, rencontre Verhaeren, qui l'encourage et la conseille; elle fait de nombreux séjours dans la demeure du poète à Saint-Cloud. En 1904, elle fait la connaissance de Frans Willems qui, après des études de droit, travaille à Anvers dans une lustrerie. Elle l'épouse en 1907 et le couple s'installe à Missembourg. Trois enfants naîtront de cette union; parmi eux, le futur écrivain Paul Willems. La jeune femme s'adonne à l'écriture et après quelques pièces lyriques parues dans Durendal, cinq poèmes, Chansons pour mon merveilleux petit enfant, sont publiés par le Mercure de France en 1913. Pendant la première guerre mondiale, son mari est appelé dans un service sanitaire en Angleterre; la séparation est douloureuse. Grâce à l'aide de Max Elskamp auquel elle rend visite régulièrement à Anvers et qui l'introduit chez son propre éditeur, elle publie son premier recueil de poèmes, orné d'un bois d'Elskamp. Il porte tout naturellement le titre de Missembourg (1917). Avant son décès accidentel, Verhaeren avait lu ces textes et les avaient appréciés. Pour rendre compte de l'œuvre de Marie Gevers, deux approches sont possibles. L'une, chronologique, se révèle aride pour une lecture qui doit avant tout être sensible; la seconde doit tenir compte des thèmes fondamentaux qui traversent un monde où l'éblouissement face à la nature et aux êtres est constant. Marie Gevers est une femme dont l'instinct est de vivre en harmonie avec elle-même et avec la vie. Bien qu'elle n'ait presque jamais quitté Missembourg, en dehors de quelques voyages au Ruanda et au Congo belge pour rendre visite à sa fille – elle racontera ses impressions dans Des mille collines aux neuf volcans (1953) et dans Plaisir des parallèles (1958) –, elle est en connivence avec le temps et avec l'espace. Elle s'efforcera toujours de transcender sa vérité personnelle pour aller à la rencontre des Paravérités (titre d'un ouvrage paru en 1968) qui donnent accès à l'onirisme ou à l'intimité des objets et des hommes. L'harmonie et la sérénité qui se dégagent de sa production sont à l'image de sa personnalité, accueillante et généreuse. Une grande part autobiographique est décelable dans les livres de Marie Gevers. Épouse et mère, elle se voue entièrement à sa famille. Pour les poèmes d'Antoinette dédiés à sa fille (1925), elle reçoit le prix Eugène Schmitz de l'Académie. Mais la poésie la tente de moins en moins. Elle a près de quarante ans lorsqu'elle publie son premier recueil de récits traversés de souvenirs d'enfance, Ceux qui reviennent (1922); elle approche de la cinquantaine quand parait son premier roman, La Comtesse des digues (1931), dans lequel elle exalte l'Escaut et son amour de l'eau. Introduite dans les réunions littéraires, Marie Gevers fascine par ses qualités de cœur. Avant la première guerre mondiale, elle écrit Madame Orpha ou la Sérénade de mai (1933), où elle raconte les sensations d'une petite fille qui découvre la nature, Guldentop, histoire d'un fantôme (Prix populiste 1934), roman qui retouche les récits de 1922 et met en évidence le cycle des saisons, Plaisir des météores (1938), qui amplifie le même thème. Elle collabore à plusieurs journaux et revues, elle traduit des ouvrages flamands avec l'aide de son mari. La seconde guerre mondiale est une période douloureuse pour Marie Gevers : l'un de ses fils, médecin, est tué dans le bombardement de Malines en 1944; quelques mois plus tard, en janvier 1945, Frans Willems meurt. C'est toutefois pendant les hostilités qu'elle publie Paix sur les champs (1941), ouvrage qui dévoile un autre aspect de son œuvre, déjà esquissé dans La Ligne de vie (1937); elle se penche ici sur les paysans de la Campine dans un récit plein de passions contrastées, dont les héros sont si proches de la terre qu'ils font corps avec elle. Le reste de l'existence de Marie Gevers est voué à Missembourg, aux siens et à l'écriture. Elle publie régulièrement. Ses livres sont centrés sur des intérêts sans cesse renouvelés : l'enfance, la perte des êtres proches, l'amour, l'eau, le rythme des saisons, les plantes et les fleurs. De Château de l'Ouest (1948) à Vie et mort d'un étang (1961), considéré comme son chef-d'œuvre – il contient à lui seul tous les thèmes qui lui sont chers – comme dans Parabotanique (1964), son inspiration oscille entre sa poésie intime et celle qu'elle rencontre dans tous les moments de la vie. Le Prix quinquennal de littérature lui est octroyé en 1960. Comblée d'honneurs, respectée de tous, elle meurt dans son sommeil le 9 mars 1975. Elle avait été élue à l'Académie le 9 avril 1938.

AVIS D'UTILISATEURS


Julien Noel

J’ai été un rien déçu par ce roman du terroir, dans lequel je n’ai pas trouvé l’élan poétique qui me plait tant chez Gevers. Il met en scène un drame interfamilial dans le décor de la Campine (qui s’y prête bien : pensons à La Maison du canal de Simenon). Louis Vanasche veut épouser Lodia Deryck, or il ignore que son père Stanne tua jadis la sœur de celle-ci, également appelée Lodia et sur le modèle de laquelle la Mère Deryck, folle de chagrin, tente à tout prix de modeler sa fille cadette, en guise de palliatif. Stanne fut poussé à ce crime par atavisme : sa propre mère était une mauvaise sorcière qui, à sa mort et contre son gré, lui a transmis ses pouvoirs, comme une malédiction. Sa fiancée Lodia voulut pour cela le quitter ; il répondit par une pulsion meurtrière proprement démoniaque.

À présent, l’amour de leurs enfants force le Père Vanasche et la Mère Deryck à faire face à un passé qu’ils ont longtemps fui. En sus, le guérisseur Aloysius les a convoqués au chevet de son lit de mort pour les prévenir : à moins qu’ils ne trouvent la force de se demander et de s’offrir le pardon, tous deux seront damnés. Une telle chose ne peut se faire en un jour or, plus le temps passe, plus Stanne se sent acculé par sa malédiction, sujet à des souffrances surnaturelles tant physiques que psychiques. Craignant de trépasser, il urge Johanna Deryck de le pardonner. Pendant ce temps, Louis Vanasche est également tenaillé par sa conscience car il a fait un enfant à une seconde jeune fille, qu’il refuse d’épouser. Les déboires de celle-ci et le soutien qu’elle trouve auprès de parents éloignés constituent une intrigue secondaire du roman.

Ce livre est une réussite, eu égard à la psychologie qui le sous-tend, qu’elle soit individuelle ou collective (puisque, chez cette autrice, même les paysages ont une psychologie). Malheureusement, il manque un peu de rythme et je n’y ai pas trouvé la chaleur qui me fait tant aimer les récits autobiographiques de Gevers.


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