Lire un extrait «Voilà des mois que ces bougres n'en finissent pas de nous empoisonner! Pour ceux-ci, je ne vois rien à dire; ils sont tout à fait en règle.» Sur cette conclusion, dont chaque mot lui échappait, le cocher reprit possession des passeports sans sourciller; seule Mme de Gurson, qui entendait un peu l'allemand, vit là une façon bien décevante d'être accueillie en terre d'Empire. Le ton de ce fonctionnaire lui rappelait fâcheusement Paris. Elle n'en dit rien à sa belle-sur et contempla les poteaux noirs et jaunes surmontés d'aigles qui, eux, étaient rassurants.
Au bord de la route, son neveu triomphait avec l'assurance de son âge: ainsi qu'il l'avait affirmé plus d'une fois, on pouvait bel et bien sortir de France sans encombre. Pour sa part il se sentait prêt à continuer des jours entiers un aussi plaisant voyage. Pourquoi ne pousserait-on pas sur-le-champ aussi loin que possible vers la Moselle? Le vieil Antoine, rendu à son humeur à la fois grognonne et goguenarde, parla de ses chevaux puis renvoya Jean à sa tante, «le chancelier», comme il disait non sans d'excellents et fort anciens motifs. On s'en remit cependant de bonne grâce à l'idée du jeune homme, qui, satisfait, remonta dans la berline. Manifestement neuve, des mieux agencées, celle-ci n'avait contre elle que sa méchante couleur sombre, «un vert à dégoûter l'espérance elle-même», avait décrété Mme de Vaudrey.
Table des matières Préface: un roman historique stendhalien, par Paul Delsemme
Portrait, par Jean Mogin et Lucienne Desnoues
Les Routes du Nord