Méduse prend enfin la parole. Remontant le fleuve du souvenir à la recherche des êtres aimés, elle retrouve sa geôle souterraine où croupissent les psuchès. Dans cet espace vaporeux, la voix qui surgit est indocile, irisée et brisée. Tremblante mais tenace, elle parle au nom de toutes celles qu’on a voulu déposséder : ce recueil est son chant de reprise. Dans son errance, Méduse croise des figures troubles et ambivalentes, telles que Tirésias ou Circé, qui tentent de l’initier, de la ramener à elle-même :
« Après sa danse,
La sorcière n’a plus ouvert la bouche.
Pourtant je l’ai entendue, quand
De sa voix claire et silencieuse elle me disait :
-Tu as peur de moi
Comme d’un reflet qui te blesse.
Mais je t’ai toujours admirée.
Tu ne redouterais pas autant
Ce que tu vois chez moi,
Si ce n’était un morceau
Que tu avais étouffé en toi.
Un jour, tu cesseras
De me détester…
… peut-on éternellement fuir
Devant son ombre ?
Dis-moi, Méduse, oseras-tu enfin me croire ? »
Auteur de Les métamorphoses de Méduse
Quand Méduse s’empare de la parole, rompt le silence dans lequel le mythe, les humains, les dieux l’ont plongée, elle arrive sous une forme duelle, comme un agencement d’énonciation et de corps rompu à l’exercice de la métamorphose, des devenirs. À la première métamorphose punitive, à la transformation de la jeune fille Méduse en Gorgone, l’autrice belgo-libanaise Racha Mounaged ajoute un nouvel avatar, le dédoublement de Méduse, sa diffraction en deux voix, une voix ancestrale, errante, et une voix contemporaine, celle de Méduse 2.0. Conçu initialement sous la forme d’un roman écopoétique, le personnage mythologique a fait dévier le projet, l’a mené sur le rivage d’un monologue poétique bâti sur l’hiatus entre les deux incarnations d’une divinité…