L’enfant Do


RÉSUMÉ

Et puis, il y a eu l’été qui a déchiré notre quotidien. Je ne pourrai jamais oublier le jour de juin où Lupe, la nourrice qui s’occupait d’Esther depuis ses trois mois, nous a fait part de ses craintes et de ce qu’elle avait remarqué d’inhabituel. Elle gardait des enfants depuis plus de trente ans et elle voyait chez Esther des comportements bizarres qu’elle n’avait pas vus chez les autres et qui devenaient de plus en plus clairs, de moins en moins faciles à ignorer. Esther ne la regardait presque plus. Esther se mettait à pleurer, d’un coup, sans raison. Esther n’allait pas vers les autres enfants. Esther évitait toute forme de conversation avec elle. Je me souviens du jour où Lupe nous a dit tout ça. Je me souviens qu’il faisait chaud, qu’Esther était à côté de nous et qu’elle portait une petite robe jaune. Je me souviens de son cou si fin dans la robe d’été, de ses cheveux courts, de sa chair de bébé et qu’elle était curieusement silencieuse. Et je me souviens aussi que, sous le choc, mes jambes se sont dérobées. Parce qu’à ce moment, l’angoisse que je cachais en mon for intérieur, la peur que je ne voulais pas voir, a pris corps. Je ne pouvais plus compter sur les autres pour me dire, dans un grand rire, enfin mais non qu’est-ce que tu vas imaginer, l’autisme ce n’est pas ça.



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Le Carnet et les Instants

Les récits de parents sur leur enfant atteint d’un spectre autistique ne manquent pas. Ceux qui atteignent une dimension littéraire sont plus rares. En Belgique, il y a eu Robinson, de Laurent Demoulin, prix Rossel 2017 (Gallimard/Folio). On pourra désormais ajouter L’enfant Do, d’Éva Battaglia, publié aux éditions belges du Cerisier qui publient peu, mais ont élaboré un catalogue de qualité au cours du temps.Il est clair qu’Éva Battaglia a suivi le conseil qu’on lui a un jour prodigué, à savoir « qu’il fallait prendre l’écriture au sérieux ». Ce récit en est la preuve et elle a ajouté au sérieux une profondeur et une sensibilité qui touchent ses lecteurs et lectrices. Cela…


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Disparition à Isla Mujeres

Il y a douze ans, Joyce est partie au Mexique avec son mari Richard et sa fille Lily de deux ans. Un moment d’inattention sur la plage et la petite a disparu. La police mexicaine, le consulat américain et un détective privé se penchent sur cette affaire. Leur conclusion : Lily a été enlevée. Par qui ? On ne sait pas. Après des mois de recherche, la police, les avocats, les détectives et même Richard baissent les bras. Trois ans après cette tragique disparition, le couple formé par les parents a divorcé. Richard est passé à autre chose, mais pas Joyce. Obsédée par sa fille, elle passe son temps sur tous les réseaux sociaux à la recherche d’un indice qui pourrait l’aider à retrouver Lily, égrenant même les photos des sites pornographiques. Joyce imagine le pire, la quête de sa fille la plonge dans une descente aux enfers jusqu’à l’aliénation. Son combat est celui d’une mère pour son enfant : viscéral. À force d’aller sur les réseaux sociaux, Joyce a le sentiment de vivre dans un monde virtuel. Pendant douze longues années, elle a ingurgité tant de photos de vacances, de blagues idiotes, de mêmes pensées philosophiques qui allaient et revenaient par vagues. Elle a visionné des milliers de visages sur l’écran. Voyeuse, elle a été témoin de baisers intimes, de caresses sur d’autres corps. Elle a avalé des centaines de gâteaux d’anniversaire, assisté à des milliers de fêtes de mariage. Elle a envié ces tablées heureuses, ces verres à moitié vides, ces bougies à la cire coulante, ces emballages froissés. Combien de fois ne s’est-elle pas dit que cette famille aurait pu être la sienne […] Le récit commence au moment où Joyce est récompensée de ses efforts : elle pense avoir retrouvé Lily, qui va bientôt avoir quinze ans. Ça n’est pas la première fois que cette certitude survient, mais cette fois-ci, elle sent que c’est la bonne. Elle contacte sans tarder Peter, son allié de SOS Enfants en danger, qui la soutient depuis l’ouverture du dossier. Celui-ci est envoyé au Mexique pour rencontrer Lily et veiller à son confort et sa sécurité là-bas. C’est sans compter sur les manières brutales des Mexicains pour gérer l’affaire à leur façon, à savoir arracher la jeune fille en pleurs dans son école. C’est sans compter non plus sur la corruption d’une Joyce désespérée qui paye un pot-de-vin à son avocat pour assurer un rapatriement rapide de l’adolescente aux États-Unis, avant même d’avoir obtenu les résultats du test ADN. La rencontre entre Joyce et l’adolescente est brutale, difficile, décevante.Parallèlement à l’histoire de Joyce, nous sommes amenés à lire celle de Hilaria, qui a enlevé Lily. Cette ancienne voisine de Joyce avec un faux diplôme d’infirmière en gériatrie a enlevé sans honte la petite fille car elle estimait que Joyce, cette grande bourgeoise absorbée par les mondanités, était une mauvaise mère. Frappée de stérilité, elle est obsédée par l’idée d’avoir un enfant et considère Lily comme son bien. Je suis la maîtresse de maison. Je suis la plus forte. Pour le rapt de Lily, on ne m’attrapera jamais. Personne ne fera le rapport entre McMillan et moi. Personne. Lily est morte. Ixchel est à moi. Si Joyce voulait garder sa Lily, il fallait y penser plus tôt, être attentive, veiller sur elle. Joyce a du fric. Elle a tout. Elle n’a qu’à adopter un enfant, si ça lui manque. Il y en a plein qui crève[nt] de faim partout dans le monde. On pourrait penser que l’intérêt du roman réside dans l’intrigue policière et son dénouement. Certes, le suspense est présent, on est tenu en haleine et on veut savoir si la jeune Mexicaine est bien Lily devenue adolescente. Il y a toutefois plusieurs autres éléments en toile de fond qui donnent de la densité et de la finesse au récit : on y retrouve le choc des cultures et des différences de classes (et la vision dure que chacune a de l’autre), la profonde solitude de Joyce, mais aussi de personnages secondaires comme Peter. Puis il y a aussi la folie de Hilaria. Cette folie que l’on rejette de prime abord, mais qui suscite une certaine empathie lorsqu’on découvre peu à peu les événements douloureux de son passé. On n’excuse rien, on comprend mieux l’incompréhensible. Disparition à Isla Mujeres est un roman qui laisse voir une réalité brute avec une acuité juste et déstabilisante, nous montrant l’humanité dans la monstruosité, nous rappelant à tous, êtres humains, nos lignes de faille. Un récit coup de poing. À lire ! Séverine…