L'éléphant bleu

À PROPOS DE L'AUTEUR
Achille Chavée

Auteur de L'éléphant bleu

Présenter Achille Chavée sans trop mélanger la légende et la réalité suppose une familiarisation croissante avec l'oeuvre d'un personnage complexe. Déroutantes sont les questions qu'il pose, déroutante, son obstination à dénoncer avec quelle facilité l'univers de nos sentiments et de nos aspirations se dissout à mi-chemin entre la banalité la plus triviale et la fantaisie étonnante du hasard. Aux yeux de ses contemporains, Chavée fut probablement perçu comme un rebelle, une sorte d'agitateur anarchiste, bousculant les conventions, heurtant de plein fouet les préjugés. Un hôte assidu des cafés, sorte de fantôme inquiet de se retrouver seul avec lui-même, dans les rues nocturnes de sa ville industrielle. Un avocat semblant comme prédestiné à plaider des causes impossibles. Un mari entretenant avec sa compagne des rapports nourris de tendresse et de désinvolture. Un poète réservé aux cénacles d'avant-garde, avant qu'il trouve, depuis les dernières années de sa vie une audience qui va croissant d'année en année. Né à Charleroi, le 6 juin 1906 de parents âgés, il nourrit pour sa mère un attachement affectif dont il mettra longtemps à se libérer. Son père est fonctionnaire. La famille change de domicile, au gré de ses nominations. Pensionnaire au petit séminaire de Saint-Roch, à Ferrières, inscrit à l'Athénée de Nivelles, à l'institut Saint-Joseph à La Louvière, d'où il est renvoyé, puis à l'Athénée de Mons, Chavée s'y montre chahuteur et forte tête, passionné par les indiens du Far-West, injustement vaincus, selon lui. Il découvre la poésie chez Musset et Hugo. A Mons, il rencontre Fernand Dumont, qui le mettra en contact avec André Breton, en 1935, plus de dix ans après. Ensemble ils aiment Baudelaire, Rimbaud, Pétrus Borel et Nerval. Inscrit à l'ULB, il suit des cours de droit et s'engage dans la gauche socialiste et fédéraliste. Devenu avocat, il s'installe à La Louvière. En 1932, les grèves du bassin minier wallon provoquent en lui un choc durable. A la même époque, il rencontre Simone qui deviendra son épouse, et découvre le surréalisme. Avec trois amis, il fonde en 1934 le groupe Rupture. La montée des fascismes en Europe occidentale et la guerre civile espagnole provoque l'engagement de Chavée dans les brigades internationales qui luttent contre la progression inexorable des troupes de Franco. Malade, il revient à La Louvière, en 1937. Avec F. Dumont, il fonde le Groupe surréaliste en Hainaut. Durant la guerre, alors que son ami est arrêté en 1942 par la Gestapo et déporté en Allemagne où il mourra en 45, Chavée doit entrer dans la clandestinité. En 1947, des activités nouvelles inspirées par le surréalisme voient le jour. Le groupe Haute nuit «s'est donné pour mission d'encourager toutes les manifestations originales et tous les mouvements d'avant-garde dans l'art et la pensée, d'où qu'ils viennent.» Chavée collabore à plusieurs revues surréalistes, notamment Phantomas. A La Louvière, les éditions Daily-Bul publient plusieurs recueils. Chavée encourage un grand nombre de jeunes artistes, peintres, sculpteurs et photographes. Hospitalisé à la suite d'une maladie, il meurt le 4 décembre 1969, à La Hestre.

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La vérité est que, en prose aussi bien qu'en vers, Marcel Thiry ne cesse pas un instant d'être poète, et que le regard posé sur le monde par le romancier et le nouvelliste a la même acuité, les mêmes qualités d'invention que celui de l'auteur des poèmes. C'est presque simultanément que se sont amorcées, vers les années vingt, les voies multiples qu'allait emprunter l'oeuvre littéraire de M. Thiry pendant plus de cinquante années : la voie de la poésie avec, en 1919, Le Coeur et les Sens mais surtout avec Toi qui pâlis au nom de Vancouver en 1924; la voie très diverse de l'écriture en prose avec, en 1922, un roman intitulé Le Goût du Malheur , un récit autobiographique paru en 1919, Soldats belges à l'armée russe , ou encore, en 1921, un court essai politique, Voir Grand. Quelques idées sur l'alliance française . Cet opuscule relève de cette branche très féconde de son activité littéraire que je n'étudierai pas mais qui témoigne que M. Thiry a participé aux événements de son temps aussi bien sur le plan de l'écriture que sur celui de l'action. On verra que j'ai tenté, aussi fréquemment que je l'ai pu, de situer en concordance les vers et la prose qui, à travers toute l'oeuvre, s'interpellent et se répondent. Le dialogue devient parfois à ce point étroit qu'il tend à l'unisson comme dans les Attouchements des sonnets de Shakespeare où commentaires critiques, traductions, transpositions poétiques participent d'une même rêverie qui prend conscience d'elle-même tantôt en prose, tantôt en vers, ou encore comme dans Marchands qui propose une alternance de poèmes et de nouvelles qui, groupés par deux, sont comme le double signifiant d'un même signifié. Il n'est pas rare de trouver ainsi de véritables doublets qui révèlent une source d'inspiration identique. Outre l'exemple de Marchands , on pourrait encore évoquer la nouvelle Simul qui apparaît comme une certaine occurrence de cette vérité générale et abstraite dont le poème de Vie Poésie qui porte le même titre recèle tous les possibles. Citons aussi le roman Voie-Lactée dont le dénouement rappelle un événement réel qui a aussi inspiré à M. Thiry la Prose des cellules He La. Je n'ai donc eu que l'embarras du choix pour placer en épigraphe à chaque chapitre quelques vers qui exprimaient ou confirmaient ce que l'analyse des oeuvres tentait de dégager. Bien sûr, la forme n'est pas indifférente, et même s'il y a concordance entre les thèmes et identité entre les motifs d'inspiration, il n'y a jamais équivalence : le recours à l'écriture en prose est une nécessité que la chose à dire, à la recherche d'un langage propre, impose pour son accession à l'existence. 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Et sa narration accueillera dans la clarté de l'aventure signifiante plus d'un thème et d'une obsession dont son lyrisme s'était sourdement nourri.» Car, sans pour autant adopter la position extrême que défend, par exemple, Tzvetan Todorov dans son Introduction à la littérature fantastique, et qui consiste à affirmer que la poésie ne renvoie pas à un monde extérieur à elle-même, n'est pas représentative du monde sensible (et d'en déduire — j'y reviendrai dans la quatrième partie — que poésie et fantastique sont, pour cette raison, incompatibles), on peut cependant accepter comme relativement sûr que la traduction en termes de réalité ne s'opère pas de la même façon lors de la lecture d'un texte en prose ou d'un poème. C'est donc tout naturellement qu'un écrivain recourra à la prose, dont l'effet de réel est plus assuré, dont le caractère de vraisemblance est plus certain, chaque fois qu'il s'agira pour lui, essentiellement, d'interroger la réalité pour en solliciter les failles, d'analyser la condition humaine pour en déceler les contraintes ou en tester les latitudes. Le développement dans la durée permet l'épanouissement d'une idée, la mise à l'épreuve d'une hypothèse que la poésie aurait tendance à suspendre hors du réel et à cristalliser en objet de langage, pour les porter, en quelque sorte, à un degré supérieur d'existence, celui de la non-contingence. Il n'est sans doute pas sans intérêt de rappeler que, dans un discours académique dont l'objet était de définir la fonction du poème, M. Thiry n'a pas craint de reprendre à son compte, avec ce mélange d'audace et d'ironie envers lui-même qui caractérise nombre de ses communications, cette proposition de G. Benn et de T. S. 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