1
Émile Verhaeren est probablement le poète qui bénéficie du plus de stature dans la poésie belge francophone entre la fin du XIXe siècle et le début de la Seconde Guerre mondiale. Il est un peu notre Victor Hugo, quoique d’une autre époque, le romantisme en moins, le modernisme en plus. À cette stature sont attachés une série de clichés ; on rapporte même que la France, en 1916, a offert de le transporter au Panthéon XX – il reposera finalement au bord de l’Escaut.
Légendaire, il l’est devenu, on le sait, pour de multiples raisons.
Parce que le poète des Forces tumultueuses a su redonner souffle à un symbolisme moribond ; parce qu’au repli frileux, il a opposé un engagement progressiste dans les lettres et dans les arts ; parce qu’il a su dépasser les courants de son époque, défiant et déjouant les étiquettes commodes (naturaliste avec Les Flamandes, mystique avec Les Moines, ni parnassien ni symboliste, indifféremment des deux bords, « névrotique…