Une butte hérissée d’un clocher, un réseau de venelles étroites et pentues, un parc, de vieilles maisons patriciennes dominant un paysage de faubourgs, d’usines, de campagnes et de bois : l’aventure commence quand Gotthilf Klippinger ferme les yeux. Heinrich, devenu maître de la scierie à la mort de son père, s’élance au galop sur la route d’Auenthal : il y fera connaissance avec les ténèbres.
Franz promène sa claudication dans tous les quartiers de la ville. Quatre amis se réunissent pour jouer aux cartes, à l’heure où Lohbauer construit patiemment les automates qu’il exposera dans sa vitrine de la rue des Arts et où Theodor dépense ses derniers sous dans les tavernes, avant de se mettre en quête d’un emploi.
Le docteur Wenzel, sentant monter l’intolérance, voudrait léguer sa liberté à ses concitoyens. Dans une maison, Katharina croque une pomme et pleure la disparition de son chien. Gertrud se prend d’amour pour une mélodie, tandis que son père s’enfonce dans la folie.
Theodor scrute le sol et les murs, et consacre bientôt sa vie à une seule idée. Le bibliothécaire mène l’enquête depuis son comptoir.
Dorothea berce son enfant. Maria récure un plancher. Ernst se fraye un chemin parmi la foule. La lumière troue la tabatière d’un grenier.
Un bâtiment reçoit des visiteurs du soir…
Flachsenfingen en Allemagne, de 1931 à 1945. L’Histoire prend de la vitesse. Des conférenciers de tous acabits réorganisent le monde dans les arrière-salles des brasseries. Des pelotons de chemises brunes font sonner leurs pas sur le pavé des rues. On fait la file devant les boulangeries. L’Histoire tourne autour des hommes comme le jour autour de la terre. Au terme du livre, elle aura rejoint sa métaphore.
Un roman d’une force rare, aux épisodes surprenants.
Première édition
Éditeur : Labor
Date : 1998
Format : Livre
Auteur de Le conservateur des ombres
« Il a réglé la course, est sorti en sifflotant et, sans se retourner, il a soulevé son chapeau en guise d’adieu », telle est la dernière image qu’a laissée Soren. Nous sommes à Bordeaux, en novembre 2017, et ce musicien et producteur âgé de cinquante-huit ans a demandé au chauffeur de taxi de le déposer à l’entrée du Pont de pierre. Après, plus rien… plus de Soren. Qu’est-il advenu ? Le roman de Francis Dannemark et Véronique Biefnot s’ouvre sur cette disparition et met en récit plusieurs voix. Elles ont toutes connu Soren, de près ou de loin. Chacune d’elles plonge dans ses souvenirs, exhume des moments passés en sa compagnie, des instants de sa vie et, dans une polyphonie où les sonorités tantôt se répondent tantôt dissonent, elles livrent au lecteur une reconfiguration de ce mystérieux Soren, tentant de lui éclairer le mobile de son départ. Chacune y va de sa modulation. « On dira Soren ceci, Soren cela.. on dit tant de choses, mais au fond, qu’est-ce qu’on sait ? » Lire aussi : un extrait de Soren disparu La construction du roman joue sur un décalage entre temps de narration et temps de récit. Tandis que cette volatilisation du personnage principal orchestre les interventions des différents narrateurs – celui-là l’a appris par téléphone, l’autre en écoutant la radio, celui-ci l’annonce à son père, un autre encore y songe à partir d’une photo de chanteuse dans un magazine etc. –, les récits font appel à une mémoire narrative qui reconstruit, rend présente une antériorité qui parcourt la vie du disparu, de son enfance à cette nuit sur le pont. « Un souvenir entraîne l’autre. Quand on commence, on n’en finirait plus… »Cette temporalité se déploie dans une spatialité qui accroît le côté mémoriel des interventions. Le lecteur arpente un Bruxelles d’autrefois ; de l’auditoires de l’ULB au Monty, le piano-bar-cinéma d’Ixelles, près de Fernand Cocq, de la chaussée de Ninove au Mirano Continental, la capitale se fait le lieu de ce festival narratif. [L]es soirs où je glandais, on traînait ici ou là, au Styx, on attendait une heure du mat’, avant ça, rien de bien ne se passait nulle part. À pied la plupart du temps, on allait jusqu’à la Bourse, au Falstaff, à l’Archiduc…, on se faisait parfois refouler à l’entrée quand on était trop murgés ou trop nombreux, ou qu’un truc nous avait énervés, un film ou un bouquin, et que la discussion déraillait. On buvait du maitrank ou des half en half, ou rien, ça dépendait de qui payait la tournée, ensuite, on montait le nord, sous le viaduc, vers l’Ex, ou alors à la rue du Sel parfois. Cent-douze récits rythment ce roman choral où la musique est omniprésente . Fitzgerald, Les Stranglers, Wire, Chet Baker, Branduardi, Kevin Ayers, Neil Young, … La compilation forme une constellation où luisent les traits saillants qui permettent d’appréhender, par fragments, le disparu, de retracer son parcours, avec, en fond, ces musiques qui résonnent et accompagnent la lecture.Le duo Biefnot-Dannemark, déjà connu pour La route des coquelicots (2015), Au tour de l’amour (2015), Kyrielle Blues (2016) et Place des ombres, après la brume (2017), offre un nouveau quatre mains avec Soren disparu . Un roman kaléidoscope où se font échos les témoins de la vie de Soren ; lesquels, dans l’exploration du pourquoi et du comment d’une perte, mettent en lumière le temps qui passe, la complexité de l’existence et sa fugacité.Une nuit, traversant un pont, Soren disparaît. Tour à tour producteur, musicien, organisateur de festivals, cet homme multiple n'a eu de cesse d'arpenter le monde de la musique. Pour percer le mystère de sa disparition, une centaine de témoins…