Le bâton de Plutarque. Miscellanées

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Dans Le bâton de Plutarque, deuxième volet de ses Miscellanées (le beau nom, quelque peu oublié, des mélanges littéraires), Cristian Ronsmans nous livre une nouvelle brassée de notes cueillies dans ses carnets, aux couleurs et humeurs variées. Groupées par chapitres fantaisistes : Aphorismes et périls, Aphorismes et mantilles, Aphorismes et basse continue, Aphorismes et vieilles dentellesIci, un air de confidence : « Je n’ai jamais verrouillé mon cœur. J’aurais dû. J’aurais dû le cadenasser ».Là, des réflexions dans le sillage de la phrase ‘lumineuse’ d’Hölderlin : « La poésie est un jeu dangereux ». « L’objectif essentiel de la poésie…


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Petit manuel de survie en zone tempérée

Bon. Allez. J’avoue. Je jalouse, extrêmement, tous ces gaillards, toutes ces gaillardes, à l’œil vif et pointu, ces intelligences en éveil, capables de vous écrire, en deux lignes, une phrase qui tue, un aphorisme, un trait d’esprit tout ce qu’il y a de plus aiguisé, de plus perçant, de plus rosse ou de plus drôle. C’est que, pour ma part, on me rangerait plutôt sur une autre armoire. Celle de la vie ralentie. De l’œil terne et sans éclat. De l’intelligence molle du genou. Toujours en retard d’une guerre en somme. De sorte que, petite vengeance sournoise et personnelle, je l’avoue, je ne peux pas m’empêcher d’ouvrir un recueil d’aphorismes sans partir à la traque, à l’affût des phrases bancales, celles qui retombent comme un soufflé, celles où l’intelligence serait, pour ainsi dire, à force de faire sa maligne, comme prise en défaut. Parce que, bon. Écrire un recueil d’aphorismes, être constamment à la hauteur de sa propre pétillance, ce n’est pas donné à tout le monde. Et puis, écrire un recueil d’aphorismes ou de sentences qui tuent, c’est s’inscrire dans un fameux lignage. Courant de Montaigne à Verheggen, en passant par Nietzsche, La Rochefoucauld, Scutenaire, Michaux, Cioran, etc., etc. Une belle brochette de pas manchots qui s’entendent bien à faire riper la langue, à forcer le trait, à prendre la pose autoritaire ou pseudo-autoritaire. Dans le fond, écrire un recueil d’aphorismes serait comme avancer nu, sans masque et sans maquillage, au beau milieu d’une foule en délire. Ça peut créer l’extase, rendre les autres mabouls et complètement baba, ou à jamais ridiculiser son auteur.Exercice difficile, donc. Extrêmement périlleux. Exercice auquel, pour la troisième fois, se frotte Alain Dantinne, dans un Petit manuel de survie en zone tempérée qui vaut le détour.D’abord, parce qu’Alain Dantinne évite le piège de « l’art pour l’art » – ou de « la virtuosité pour la virtuosité », comme on voudra. Pas question, ici, de jouer avec les mots juste pour le plaisir de jouer avec les mots. De faire des traits d’esprit désincarnés, en somme. Les aphorismes de Dantinne sont de notre temps. Je veux dire : sont de parfaits échos, parfaits contrepoints, à notre époque. Pas pour rien que Dantinne nous balance à qui mieux-mieux des sentences sur Dieu, sur l’âme ou le monde. Pas pour rien qu’ici et là, il fait plus que clairement allusion aux conflits israélo-palestien, syrien, et autres. Dantinne est un poète d’aujourd’hui. Pas d’hier. Ses préoccupations, ses inquiétudes, sont celles d’un homme d’aujourd’hui. Pas d’hier. Le retour du religieux, du moralisme religieux, du rigorisme collet-monté, du sacré sans sacré, pourrait-on dire, inquiète Dantinne. Lui fait sans doute craindre le pire.Ensuite, parce que, courageusement, à cette époque où toute critique, ou mise en question, est d’office virulente, désobligeante, tout au moins aux yeux des « clergés » moralisateurs, Dantinne n’hésite pas à rire avec tout. Réellement avec tout. Et surtout avec ce qui n’est pas drôle. Avec ce qui nous ferait plutôt pleurer. Avec ce qui nous désespère ou nous révolte. Avec les réfugiés qui font naufrage, au sens propre comme au figuré. Avec les SDF. Les parias. Les laissés pour compte. Cela donne, bien sûr, des aphorismes grinçants. Cela provoque, bien sûr, des rires bien jaunes. Mais cela fait rire. Comme si, dans le fond, il ne nous restait plus que ça : le rire pour nous sentir encore « humains », comme on dit. Pour encore et toujours poursuivre la route. Continuer la vie, ou la survie. Tenir bon. Résister, vaille que vaille, ici, chez nous, « en zone tempérée ».Ensuite, encore, parce que Dantinne sait qu’un bon recueil d’aphorismes, ça doit flinguer dans tous les sens. Toucher à toutes les strates, à tout ce qui fait battre le cœur. Quoi de mieux, dès lors, que de se prendre pour « sujet d’études » ? Non que Dantinne nous distillerait ci et là des allusions à sa propre vie, son propre vécu – un recueil d’aphorismes n’est pas un lieu de confidences, tout de même – mais, on le sent bien, ça se devine : tout ce qui est abordé ici compte. Nourrit la vie de l’auteur. Les questions philosophiques, les rapports humains, amoureux ou autres, les questions métaphysiques, le petit monde de l’art, ses affaires de m’as-tu-vu comme ses coups de cœur sincères, le catalogue de nos névroses ou celui de nos errances… Oui. Tout cela trotte, doit trotter, constamment dans la tête de Dantinne. De sorte que, mine de rien, au-delà des traits, des missiles verbaux décochés à tout-va, on peut aussi, par petites touches – mais uniquement si on le souhaite – sentir le souffle d’une présence, quasi fantomatique. Quelque chose comme un fil rouge reliant entre elles les diverses parts de l’ouvrage. Quelque chose comme « un coup de patte » ou une « tournure d’esprit » typiques de l’auteur.Allez, pour terminer, quelques bons grains picorés ci et là dans l’ouvrage ? Oui ? Allez, c’est parti : Chasteté bien ordonnée commence toujours par soi-même.   Méfiez-vous des poètes : le plus souvent, ils n’arrivent même pas au bout de la ligne.   Tsahallal : Palestinien tué selon le rite musulman.  …

L’étrange et folle aventure du grille-pain, de la machine à coudre et des gens qui s’en servent

On peut n’avoir jamais connu l’odeur d’une tranche de pain brûlé noir de chez noir (parce que sur l’antique grille-pain de vos arrière-grands-parents encore utilisé, les tranches ne sautent pas, il faut les retirer à temps), et ignorer le nom de Lautréamont (« Beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie », citation iconique chérie des surréalistes), et néanmoins, se plonger avec curiosité dans ce livre qui évoque l’archéologie, l’usage et les normes qui régissent une grande partie des objets – et notre vie quotidienne. C’est ce à quoi s’attellent deux historiens et universitaires, Gil Bartholeyns (également romancier, auteur de Deux kilos deux , une enquête sur l’élevage intensif de volailles dans les Hautes-Fagnes, Lattès, 2019) et Manuel Charpy (auteur de Ma vie dans la sape , 2020), dans cet ouvrage qui évoque presque, par ses illustrations de toutes époques et tous genres, un catalogue de la Manufacture des armes et cycles de Saint-Etienne, et par son érudition, un précis de sociologie à travers les siècles et les cultures. (On regrette l’impression sur un papier de qualité médiocre, mais soit.)Au départ, donc, il y a un objet. Sa naissance et son pourquoi, son évolution technique, sa diffusion sociale, son accessibilité, les discours qui l’entourent, sa propension à grignoter de plus en plus de parts de marché (même au 19e siècle), et sa capacité incroyable à être transformé au fil du temps (car il en fera gagner tellement…) en outil indispensable à l’existence de tout être humain digne de ce nom… et en figure lexicale basique de tout étudiant en études commerciales. Objet = bingo.Si à 50 ans la vie est foutue quand on n’a pas sa Rolex au poignet, c’est une chose – ridicule on en convient –, mais qui sous-tend une conception du monde social dont Bourdieu a fait son pain. Si en Afrique, « au temps des colonies », un « indigène » portant une montre cassée montrait par là qu’il refusait « le temps colonial » tout en sachant qu’il y était intégré de force, c’est une autre chose, et pas moins signifiante que la première. Bartholeyns et Charpy, munis d’un bagage encyclopédique (parfois trop) sur une foule d’objets qui ont envahi nos vies et celles de nos ascendants, sont d’une efficacité redoutable, et d’une précision référentielle qu’on aurait du mal à mettre en balance, même si le sujet en lui-même n’est pas neuf.Ainsi, prenons les outils de cuisine et les robots ménagers. Quel domaine enchanteur ! Bien utiles à la maison, appelés souvent dès les années 1950 d’un prénom féminin (pour mieux les distinguer bien sûr), ils vont non seulement permettre d’apprendre à la gent féminine à cuisiner (encore) mieux, mais aussi plus vite, moins cher, et avec moins d’effort, c’est évident. La mère de famille pourra mettre à profit ce temps précieux à veiller davantage sur le bien-être domestique (ah ! l’aménagement décoratif du home  !), sur elle-même et ses atouts beauté. Chance, il y a là aussi des objets pour lui faciliter la vie, et lui permettre de cumuler le rôle de mère exemplaire, avec celui de décoratrice d’intérieur, et d’épouse sexy quand il est temps (encore…) de le paraître. En 1975, la revue féministe Les pétroleuses y répondait sans discutailler : « Arts ménagers, art d’aménager, la double journée ! » Et si l’on se souvient, chez nous et à raison, des ouvrières de la FN en grève dans les années 1960, réclamant « À travail égal, salaire égal » , on n’oubliera pas non plus la variante sans illusion qu’en tira peu d’années après l’un de nos meilleurs auteurs d’aphorismes, André Stas : « À travail égal, galère égale » .L’aspirateur (mécanique et sans électricité, oui, ça a existé), le téléphone, le vélo d’appartement, le rameur, l’interrupteur, la TSF puis la radio, la télévision, la cassette audio, l’ordinateur, l’agenda électronique, l’hygiène (et le plaisir) intime, la cafetière électrique, la machine à café à dosettes, la poêle antiadhésive et la tondeuse à gazon autonome…  N’en jetez plus ? Si, justement. L’obsolescence programmée est là, et les acheteurs compulsifs aussi, que viennent talonner les rétifs de la consommation à outrance. Opposer les Black Friday à la tiny house , voilà l’injonction paradoxale à laquelle la société consumériste et mondialisée nous confronte.Cet ouvrage roboratif et sans complaisance devrait, non pas seulement inquiéter sur notre monde, comme le suggèrent souvent les auteurs, mais au contraire, aider à convaincre qu’il est encore temps d’en changer un peu. Alain Delaunois Grille-pain, machine à coudre ou à laver... Chaque foyer occidental possède une centaine d’appareils ; des objets techniques qu’on utilise sans savoir comment ils fonctionnent. Ce livre propose de les ouvrir et d’explorer la façon dont ils ont bouleversé la vie quotidienne…

Sébastien

Le Sébastien du roman de Simone Bergmans n’est pas le saint martyr transpercé de flèches mais Dom Sebastião,…