La voix des Saules


RÉSUMÉ

Contactée pour animer des ateliers d’écriture en milieu psychiatrique, Nathalie Skowronek, qui n’en a jamais dispensé, se demande bien ce qu’elle pourrait apporter à des gens atteints de troubles psychiques. Pourtant, sans en comprendre les raisons, elle accepte. Autour de la table, entre exercices d’écriture et confidences lâchées avec une sincérité qui la désarme, elle découvre une humanité en souffrance, digne, sans fard, sans complaisance sur son état de perte, prompte à rire d’elle-même. Elle y reconnaît cette éternelle difficulté de vivre qui attend consolation et reconnaissance. De quoi se poser la question : et elle, où en est-elle dans sa vie, qu’en attend-elle ?

Au fil des séances, de plus en plus confuse et vulnérable, elle voit la distance s’amenuiser entre les participants et elle. Basile qui fuit l’atelier car il lui cause trop d’hallucinations, Pierrot qui déconstruit les phrases des uns et des autres par des jeux de mots vertigineux, Lina, la fine mouche, qui se demande si leur animatrice va aussi bien qu’elle le dit. Sans nier le gouffre de souffrance qui les sépare, elle lit ses angoisses dans le regard de ceux à qui elle est censée apporter son soutien. Le vrai et le faux, l’art et la vie, le contrôle et le lâcher-prise, le dedans et le dehors, tout s’entremêle dans ce chemin qu’elle parcourt avec ses compagnons de détresse, où l’on croise aussi Virginia Woolf, Ionesco, Prévert, Stevenson. Jusqu’à avoir le sentiment de basculer de l’autre côté du miroir. C’est un nouveau monde qui se dévoile alors, où les faux-semblants, les conventions sociales, les zones de confort s’évanouissent.

Dans ce remarquable récit, aussi puissant que ses personnages sont fragiles, émouvant mais dépourvu de pathos, Nathalie Skowronek nous fait remettre en question une certaine idée de la normalité.





NOS EXPERTS EN PARLENT...
Le Carnet et les Instants

« Les Saules, centre de jour pour adultes en difficulté psychiatrique, est à la recherche d’un(e) écrivain(e) pour animer deux heures par semaine un atelier d’écriture […] Il ne s’agit pas d’animer un atelier au sens de faire écrire, avec autant de talent que ce soit, mais plutôt d’incarner sa propre place d’artiste, et de transmettre la question de la création et de ses enjeux. » Tel est le message qui est adressé à la narratrice-autrice Nathalie Skowronek via une respectable librairie bruxelloise. Cette requête la fait doucement sourire : une institution littéraire qui a toujours tu ses parutions lui transmet un courriel concernant une activité qu’elle ignore, n’ayant jamais ni suivi ni animé d’atelier d’écriture. Pourtant, sans trop…


AVIS D'UTILISATEURS

FIRST:atelier écriture - "La voix des Saules"
stdClass Object ( [audiences] => [domains] => Array ( [0] => 9174 ) )

Ceci pourrait également vous intéresser...

Tout est paysage : Monet, Twombly, Klee, Tàpies, Music, Mondrian, Morandi, Staël

Une certaine disparate, à première vue, règne dans le dernier livre de Stéphane Lambert , consacré à la peinture. D’abord, les neuf textes rassemblés ont paru précédemment à des dates et dans des circonstances bien différentes : exposition, revue, brochure-spectacle, mise en ligne, catalogue. Ensuite, les œuvres commentées relèvent d’époques, de pays et surtout de genres éloignés, même à invoquer la brumeuse notion de « modernité » : C. Monet, Cy Twombly, P. Klee, A. Tàpies, Z. Mušič, P. Mondrian, G. Morandi, N. de Staël. De plus, le nombre de pages consacré à chaque artiste va de quarante-et-une pour Monet à une seule pour Klee ou Mondrian… Certes, le thème du « paysage » retenu pour titre est censé constituer le commun dénominateur du recueil, mais sa pertinence ne saute pas aux yeux quand il s’agit notamment de peintres comme Twombly, Mondrian ou Morandi. L’ Avant-propos nous éclaire ici quelque peu : «  tout est paysage  » est une phrase de J. Dubuffet indiquant que «  tout est composition, tout est quête d’une unité perdue, tout est signes assemblés, tout est matière à être embrassé du regard, à interroger le vivant au-delà de soi-même  ». Comme le montrent les tableaux sélectionnés, très proches de l’abstrait, «  paysage  » ne désigne donc pas pour l’auteur tel genre bien connu, mais une métaphore de l’œuvre plastique en tant qu’elle ouvre le monde «  à des entendements insoupçonnés qui nous font voir dans la noirceur d’autres nuances que pure noirceur  », en tant qu’elle est essentiellement «  dépassement  ».Ce qui fait l’unité du livre, on le découvre peu à peu, n’est autre que la démarche même de l’essayiste, une démarche qui se confond étroitement avec le travail de l’écriture. S. Lambert s’inscrit dans une longue lignée d’écrivains critiques d’art – qui ne s’inféodent ni à l’histoire, ni au biographisme, ni à la psychocritique, ni à l’esthétique pure, mais questionnent l’œuvre pour y lever des significations discrètes, voire secrètes, permettant d’entrevoir quelque chose de sa « vérité ». Quête de la plus aigüe perspicacité, si l’on veut. «  Est-ce bien comme cela qu’une œuvre s’appréhende, et que sait-on encore à présent de la manière d’appréhender ?  » lit-on à propos de Twombly – et, à propos de Tàpies : «  ses œuvres avaient toujours eu sur moi le même effet premier, me stupéfier, abolir tout raisonnement, m’inclure passivement dans leur manifestation  ». Ainsi l’essayiste interroge-t-il sa propre pratique autant que celle de l’artiste qui requiert son attention : «  mais pourquoi chercher, et chercher encore, à percer l’intention du peintre, à comprendre ce qu’il avait cherché à faire, – l’avait-il jamais su, lui ?  » L’intention de l’artiste, en effet, n’est pas chose qui devrait fort nous requérir, en ce qu’elle est par nature hors d’atteinte, nous réduisant à des hypothèses hasardeuses. Seuls importent les effets sensuels et mentaux que le tableau est susceptible de produire sur le spectateur, l’expérience et la réceptivité de celui-ci jouant en l’occurrence un rôle névralgique.Les textes de S. Lambert font une place insistante à la dimension géographique de sa recherche. À propos de Monet, il remémore sa visite des deux salles de l’Orangerie à Paris ; à propos de Twombly, sa déambulation à Gaeta ; Tàpies l’amène à Barcelone, Mušič à Gorizia, Morandi à Bologne. Concernant Mondrian, il évoque Paris et New-York, la Provence pour N. de Staël. Il semblerait que le cheminement dans la complexité des œuvres doive se doubler de parcours dans l’espace, l’esprit et le corps s’animant ainsi de mouvements analogues, un peu dans la tradition des pèlerinages : non pas en savoir davantage, mais mieux apprendre ce qu’on cherche soi-même. Si l’auteur ne le formule pas explicitement, le véritable objet de sa quête se dessine au fil des pages : qu’est-ce que créer, en peinture ? Le début du texte sur N. de Staël constitue à cet égard un moment privilégié : «  se rapprocher toujours plus de la vision que l’on porte  », «  lutter en vue d’une pacification  », «  préserver cette grâce d’être atteint au fond de soi », « se délester de l’inessentiel  ». Mais le livre tout entier se tend du même effort un peu fébrile, l’écrivain venant en quelque sorte au secours du peintre pour approcher ce qui, au cœur même du travail pictural, ne cesse de se dérober. Tout est paysage , en ce sens, n’est pas un livre de savoir : plutôt un brillant exercice langagier dans lequel il s’agit, par la magie de l’écriture, de traquer un secret dans ses derniers retranchements. « Tout est littérature », serait-on tenté de parodier, puisque, avec l’émotion, le tableau ne trouve pas son accomplissement ailleurs que dans le verbal…

Destrée le multiple

Préface de Jean Tordeur Textes de Jacques Detemmerman, Georges-Henri Dumont , Philippe Jones , Raymond Troussson À propos du livre (4e de couverture) Quelque soixante ans après sa mort (1936), la personnalité…

Dépassons l’anti-art. Écrits sur l’art, le cinéma et la littérature

Nous sommes en 1960. Une revue danoise sollicite Christian Dotremont pour retracer l’apport spécifique des artistes danois à l’art expérimental et au mouvement CoBrA. Mais CoBrA s’est dissout en 1951, peu après sa 2e et dernière exposition internationale qui s’est tenue à Liège. Les artistes du groupe, qu’ils soient hollandais, danois, belges, français, et autres, ont continué à tracer leur chemin, n’ignorent plus Paris dont ils s’étaient écartés en 1948, et la capitale française les accueille plutôt mieux. Alors Dotremont, un peu ennuyé, revient aux sources, vingt ans plus tôt : la création en 1941 d’un périodique danois, Helhesten , et d’un groupe réunissant des créateurs, architectes, peintres, dessinateurs, sculpteurs, poètes… dans une spontanéité expressionniste, un intérêt pour le primitivisme et une effervescence interdisciplinaire qui sera l’une des clés à venir de CoBrA. Du pays nordique, un peu plus « provincial », et moins influencé par les grands courants en « isme » de l’avant-garde artistique internationale, Dotremont retient encore sa capacité à résister à une civilisation de la mécanisation, de l’esprit technique (on dirait aujourd’hui : technologique), « tactique et scientifique qui gangrène l’esprit humain » . À la peinture constructiviste ou « abstraite-froide » , aux « constructions pures et parfaites (…) tracées à la règle et au compas » des bâtiments de l’Expo universelle de 1958 à Bruxelles, Dotremont oppose la capacité de l’art nordique à s’ancrer étroitement dans les éléments naturels (la terre, la mer) et à devenir de plus en plus «  un refuge pour la sensibilité immédiate, pour la joie éternelle des ponts, et pour la poésie cosmique de la nature  ». Cette prédominance de la nature et du vivant, si justement réaffirmée avec force de nos jours, demeure une présence constante chez l’artiste des « logoneiges » : un poème de peu de mots, tracé avec un bâton dans la neige de Laponie, donc par essence éphémère, et qu’on peut apparenter à une forme de Land Art. Art et expérimentations Et ce texte, aussi éclairant sur le corpus de pensée et d’écriture du poète-voyageur en 1960 que sur sa relecture, après-coup, de l’histoire de CoBrA et de ses composants, est l’une des découvertes que l’on peut faire dans Dépassons l’anti-art (titre emprunté à un logogramme), un imposant ensemble de textes en prose de Dotremont, réunis et édités par Stéphane Massonet . Les quatrièmes de couverture vendent parfois du vent. Mais ce n’est assurément pas le cas ici, face à cet ouvrage de près de mille pages, dévoilant effectivement « une encyclopédie des artistes expérimentaux de la seconde moitié du XXe siècle » et présentant « comment les échanges avec les peintres nourrissent profondément la réflexion de Dotremont autour de l’écriture et de sa graphie » . Ce travail colossal, mené durant plusieurs années par Stéphane Massonet, rassemble plus de deux cents articles, textes, notes de lectures, préfaces… disséminés dans différents livres, catalogues ou revues, et rédigés par Dotremont, depuis son entrée au sein du groupe surréaliste belge jusqu’aux derniers écrits du créateur des logogrammes, malade et reclus dans sa chambre-atelier de la pension « Pluie de roses » à Tervuren.Le volume s’ouvre tout d’abord sur un texte rédigé en 1958, où Dotremont documente longuement la naissance de CoBrA, après le passage par le surréalisme (Magritte, Nougé, Breton) et l’expérience déçue (et décevante) du Surréalisme-Révolutionnaire. Une première section présente ensuite les textes tournant plus explicitement autour du surréalisme. On peut y lire un Dotremont polémiste, attaquant à bon droit Jacques Van Melkebeke, peintre et journaliste ami de Jacobs et Hergé, qui dans les journaux autorisés par les nazis sous l’Occupation s’en était pris à Picasso – Melkebeke fut à la Libération condamné pour collaboration. Ou un éloge de Cocteau, qui froissa durablement ses amis surréalistes. Et encore un autre de Paul Eluard, laudateur de Staline dans ses Poèmes politiques qui venaient de paraître. S’il raille dans un tract «Les Grands Transparents » de Breton, Dotremont en garde des figures essentielles, Poe, Lautréamont, Baudelaire, Roussel, Picasso, et met en exergue, dans la « Nouvelle NRF », la singularité du langage et du surréalisme de Paul Nougé – dont Mariën en 1956 sortait de l’ombre les œuvres restées jusque-là clandestines. Vers la « cobraïde » La deuxième section, de loin la plus abondante, est placée sous l’égide de CoBrA. Elle est effectivement l’occasion pour Dotremont de rallier à lui, parfois stratégiquement, toute une série d’artistes qui sont passés par le Surréalisme-Révolutionnaire puis CoBrA, ou qui, par une exposition, une publication, ont rejoint à un moment donné ce qu’il nommait « La cobraïde ». Certains y sont évidemment au premier plan en tant que membres à part entière, Jorn, Alechinsky, Appel, Atlan, Jacobsen, Corneille, Constant, Heerup, Ubac, Reinhoud … D’autres sont là au titre de « compagnons de route » et d’affinités électives, tels Armand Permantier, Louis Van Lint, Oscar Dominguez, Maurice Wijckaert ou Marcel Havrenne. On retrouve également tout l’esprit (et l’humour distancié ou potache) de Dotremont, qui par transitions osées et parfois contradictions vivantes, élabore peu à peu sa propre définition d’un « art expérimental ». Sa principale caractéristique pourrait être de ne jamais succomber à un néo-académisme, en ce compris celui de « l’anti-art ». On l’aura saisi, cet ouvrage témoigne de l’impératif désir de vie et d’expériences nouvelles qui anima Dotremont, et constitue une lecture passionnante d’un bout à l’autre. Abordant par bien des angles des situations qui nous restent contemporaines, elle ne devrait pas combler que les seuls spécialistes…