La voix des Saules


RÉSUMÉ

Contactée pour animer des ateliers d’écriture en milieu psychiatrique, Nathalie Skowronek, qui n’en a jamais dispensé, se demande bien ce qu’elle pourrait apporter à des gens atteints de troubles psychiques. Pourtant, sans en comprendre les raisons, elle accepte. Autour de la table, entre exercices d’écriture et confidences lâchées avec une sincérité qui la désarme, elle découvre une humanité en souffrance, digne, sans fard, sans complaisance sur son état de perte, prompte à rire d’elle-même. Elle y reconnaît cette éternelle difficulté de vivre qui attend consolation et reconnaissance. De quoi se poser la question : et elle, où en est-elle dans sa vie, qu’en attend-elle ?

Au fil des séances, de plus en plus confuse et vulnérable, elle voit la distance s’amenuiser entre les participants et elle. Basile qui fuit l’atelier car il lui cause trop d’hallucinations, Pierrot qui déconstruit les phrases des uns et des autres par des jeux de mots vertigineux, Lina, la fine mouche, qui se demande si leur animatrice va aussi bien qu’elle le dit. Sans nier le gouffre de souffrance qui les sépare, elle lit ses angoisses dans le regard de ceux à qui elle est censée apporter son soutien. Le vrai et le faux, l’art et la vie, le contrôle et le lâcher-prise, le dedans et le dehors, tout s’entremêle dans ce chemin qu’elle parcourt avec ses compagnons de détresse, où l’on croise aussi Virginia Woolf, Ionesco, Prévert, Stevenson. Jusqu’à avoir le sentiment de basculer de l’autre côté du miroir. C’est un nouveau monde qui se dévoile alors, où les faux-semblants, les conventions sociales, les zones de confort s’évanouissent.

Dans ce remarquable récit, aussi puissant que ses personnages sont fragiles, émouvant mais dépourvu de pathos, Nathalie Skowronek nous fait remettre en question une certaine idée de la normalité.


À PROPOS DE L'AUTEUR
Nathalie Skowronek
Auteur de La voix des Saules
Nathalie Skowronek est née à Bruxelles en 1973. Après une agrégation de lettres, elle travaille dans l’édition puis pendant sept ans dans le prêt-à-porter pour femmes. Elle revient à la littérature en 2004 en créant la collection « La Plume et le Pinceau » pour les éditions Complexe. Elle publie son premier roman, Karen et moi (Arléa, 2011), à trente-sept ans, premier volet d'une trilogie familiale qui nous mène des shtetls de Pologne jusqu'au Sentier en passant par Auschwitz. Suivront Max, en apparence (Arléa, 2013) et Un monde sur mesure (Grasset, 2017). En 2015, elle fait paraître un essai, La Shoah de Monsieur Durand (Gallimard, 2015) en lien avec son histoire. Son prochain roman, La carte des regrets, paraîtra en février 2020 aux éditions Grasset.


NOS EXPERTS EN PARLENT...
Le Carnet et les Instants

« Les Saules, centre de jour pour adultes en difficulté psychiatrique, est à la recherche d’un(e) écrivain(e) pour animer deux heures par semaine un atelier d’écriture […] Il ne s’agit pas d’animer un atelier au sens de faire écrire, avec autant de talent que ce soit, mais plutôt d’incarner sa propre place d’artiste, et de transmettre la question de la création et de ses enjeux. » Tel est le message qui est adressé à la narratrice-autrice Nathalie Skowronek via une respectable librairie bruxelloise. Cette requête la fait doucement sourire : une institution littéraire qui a toujours tu ses parutions lui transmet un courriel concernant une activité qu’elle ignore, n’ayant jamais ni suivi ni animé d’atelier d’écriture. Pourtant, sans trop…


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Positions pour la lecture. Promenades lectures-écritures-ateliers

Bien rares sont les auteurs qui sortent tout armés de leur écriture première. La plupart tournent en rond interminablement. Ils effectuent des rites de passages, sacrifient aux idoles du jour, et suivent des pistes qui débouchent sur des sources taries. Soit qu’ils croient que la littérature est de la musique, soient qu’ils pensent qu’elle est un témoignage vécu, ils n’échappent pas aux apparences, c’est-à-dire à la répétition.Il est pourtant tout simple de remarquer que la littérature est une vision, soutenue par une langue intime, et happée par l’amour de la vérité. Pour en faire l’expérience personnelle, il suffit d’explorer quelques-unes de ces îles au trésor qu’on appelle les chefs d’œuvre. On ne devient pas écrivain parce qu’on a connu l’Asie et l’Afrique, ou vécu des amours déchirantes, ou pratiqué l’art de la guerre et du thé, ou subi l’ignominie d’une enfance terrifiée. Toute cette matière précieuse, toutes ces émotions de vie, demeurent inopérantes, faute d’un déclic préalable, le seul déclic décisif à un autre niveau de conscience : la lecture.C’est un secret de Polichinelle, mais un secret quand même, que la biographie est un faux ami pour un écrivain, et qu’il faut avoir vécu la vie des autres, à travers les livres, à travers la langue, avant que le processus se mette en branle pour l’opération véritable.Cette relation étroite, complexe, entre lire et écrire, est un peu occultée par le fantasme du présent à tout prix qui règne, tant en politique qu’en matière d’enseignement, et qui exclut la durée créatrice, mais nous ne sommes pas obligés d’y adhérer : il est juste utile de le prendre en compte, comme un obstacle de plus à franchir.La formule de Valery Larbaud, «  la lecture, ce vice impuni  » ne se situe plus tout à fait à ce niveau d’innocence où Larbaud l’entendait. L’espace de la lecture est si peu prévu et si peu valorisé par la société e-commerciale où nous vivons, que la pratiquer régulièrement suppose un peu de de décision stoïcienne, c’est-à-dire de force d’âme. On peut s’en convaincre en prenant le train ou l’avion : sur les écrans entre toutes les mains, il passe peu de textes, au sens continu et organisé du terme. Chacun, bien sûr,  peut préférer le jeu League of legends à la pratique de cette légende plus ancienne qu’on appelle la littérature.  Le bonheur volontaire est une option comme une autre. Nous sommes aujourd’hui au cœur de la séparation entre l’écriture et la lecture Position pour la lecture , de Daniel Simon, est un livre à étages multiples, comme certaines fusées qu’on envoie dans le ciel.  Sans didactisme, sans abstraction, mais en suivant du doigt la ligne la plus sensible de l’esprit, il établit le rapport nécessaire entre lire et écrire, et entre écrire et vivre une vie en alerte. Je passe la nuit à lire, à m’assoupir et à lire encore Daniel Simon s’est fait connaître comme dramaturge, comme formateur et comme poète. Ces différentes incarnations contribuent à donner du prix et de l’autorité à cet essai flamboyant. Une grande énergie, une longue vue du monde, un sens critique de la réalité se manifestent dans ces pages nées d’une expérience profonde qui remonte à l’enfance. Je regardais le monde et il ne ressemblait jamais aux livres que je lisais  Loin des mensonges, loin des illusions, ce livre établit, par petites touches, le rapport dialectique nécessaire entre lire et créer. Il évoque, il appelle, d’autres lectures à venir, celles où la vie de la littérature se confond avec notre propre vie, essentiellement «  romanesque  » puisqu’elle nous fait considérer comme plus précieux que l’or la littérature, la vraie vie, celle dont le modèle existe, mais n’est plus en usage et qu’il s’agit de retrouver. Aimer la lecture et les livres, s’en faire le berceau d’une vie jusqu’à son lit de mort, est une façon de tenir Fort Alamo…  La dernière partie de ce livre-programme (un programme pour l’esprit) est consacré aux Ateliers d’écriture : ce n’est pas un hasard. La question de la lecture, qu’elle débouche sur l’écriture ou sur un autre changement de vitesse de la vie, est indissociable de la transmission. Chaque lecteur, chaque génération de lecteurs véritables, témoigne, par l’usage des livres, par sa façon d’en faire scintiller quelques paillettes d’or, que la lecture est à la base de presque toutes les jouissances qu’on peut tirer de son rapport au monde, même quand il s’exerce dans les domaines sans dimension livresque : l’amour, le voyage, la sociabilité. Car lire ne se résume pas à parcourir les mots alignés sur la page au sur l’écran. C’est un état d’esprit qui consiste à unifier les mots et les sens, à relier le passé au présent, à reconnaître la trouvaille sous le fatras apparent de la répétition, et à placer la création, dans l’ordre des labeurs humains, à sa seule place efficace : au centre. C’est là une joie, un des enjeux des ateliers d’écriture, chasser les fantômes pour faire apparaître la chair et la matière d’un tout qui se nomme la vie. L’auteur illustre par son parcours même l’urgence de la lecture comme source et autant dire comme forme de création. Son savoir, son regard, naissent d’un long compagnonnage avec les livres et avec les lecteurs. Il en tire un bilan joyeux, léger, grave pourtant, qui constitue, par courts chapitres, à la fois un traité de vie et un aboutissement.Il est lui-même cet écrivain qu’on n’avait pas vu venir, qui avançait caché, dans la jungle des livres, et qui soudain est là, obstinément, pour dire sa part de mystère et de dévoilement. Il avait depuis longtemps choisi la position couchée lors de ses activités de lecture, de même pour l’écriture, c’était dans ce mol repli que tout s’ouvrait.  Positions pour la lecture  : un livre profond, sinueux, obstiné, qui occupe une place nécessaire dans le débat qui n’a pas lieu, mais dont nous ressentons tous l’urgence : l’avenir de l’écriture littéraire.                                                                                                                                    …

L’interprétation à l’œuvre. Lire Lacan avec Ponge

Comme Sigmund Freud et Jacques Lacan, de nombreux psychanalystes proclament leur modestie devant les œuvres littéraires, du moins les plus fortes, de Sophocle à Duras en passant par Shakespeare : c’est elles, disent-ils, qui sont de nature à leur montrer la voie, et non l’inverse. Tel est précisément le postulat de Pierre Malengreau devant les textes de Francis Ponge, dont l’étrange concept de «  réson  » fut adopté en 1966 et 1972 par Lacan. Ce dernier, à l’époque, veut repenser sa doctrine de l’interprétation basée sur la «  résonance sémantique « , autrement dit sur la polysémie des mots : il a constaté que, dans la pratique psychanalytique, elle aboutit souvent à un blocage dans le chef du patient. Il fallait donc veiller à susciter autre chose que du sens, ménager une place à cette «  résonance asémantique  » que désigne le néologisme pongien. Celui-ci vise un usage de la langue qui s’attache moins au sens des vocables qu’à leur matérialité sonore et graphique, avec l’impact qu’elle peut avoir sur l’oreille ou le regard, c’est-à-dire sur le corps. Un texte ne saurait rendre compte d’un objet extérieur s’il n’atteint à la « réalité » dans son monde à lui ; pour cela, il faut que les mots et les phonèmes «  aient au moins une complexité et une présence égales, une épaisseur égale  » aux objets dont ils parlent ( My creativ method ). L’étymologie est claire : issue visiblement du latin res , la «  réson  » est cette dimension par laquelle mots, lettres et sons, en leur qualité de choses concrètes, peuvent toucher le lecteur sans en passer nécessairement par la signification. Comment Ponge met-il en pratique ces propos ? Curieusement, P. Malengreau n’étudie pas les poèmes proprement dits, tels Le parti pris des choses , ou les journaux poétiques, tels La rage de l’expression ou La fabrique du pré . Il leur préfère quatre extraits de L’atelier contemporain (Gallimard, 1977), consacrés respectivement à Jean-Baptiste Chardin, Jean Fautrier, Georges Braque et Alberto Giacometti. Non sans raison, il les considère comme des «  poèmes en prose  », très éloignés de la critique picturale traditionnelle. Pour Ponge, en effet, il est vain de vouloir exprimer par le langage verbal ce que l’artiste a exprimé par son tableau. Devant les toiles de Fautrier consacrées aux otages des Allemands exécutés en 1941, il veut traduire par la «  réson  » le fait qu’il y a dans l’expérience de la torture quelque chose d’impossible à dire ; il veut montrer que la pâte picturale ne représente pas la chair des personnages mais qu’elle en est un équivalent , tout comme l’écriture tente d’équivaloir aux non-dits du tableau les plus taraudants. Aussi s’étonne-t-on que L’atelier contemporain , entièrement consacré à des œuvres artistiques, ne comporte aucune reproduction, alors que les textes furent édités à l’origine dans des catalogues illustrés. Sans doute Ponge a-t-il voulu les «  détacher « , les rendre autonomes, éviter qu’ils soient perçus comme paraphrases ou commentaires : il a cherché, insiste P. Malengreau, à «  faire par la parole ce qu’un peintre fait dans son atelier  », à «  produire un effet analogue  », à «  constituer un fait poétique là où l’artiste constitue un fait pictural.  »On l’aura compris, L’interprétation à l’œuvre n’est pas d’un abord facile. L’étude minutieuse et savante des textes de Ponge tente de cerner cette fonction méconnue de l’écriture que l’écrivain dénomme «  réson « , ses variantes, ses moyens, ses effets, la difficulté de la définir simplement. Peut-être est-ce à propos de Braque qu’il va au plus loin dans cette recherche…  Mais revenons au point de départ : qu’est-ce que la conception pongienne peut apporter au psychanalyste ?  Partant des rêves tels qu’ils sont racontés par le patient, Lacan distingue «  interprétation sauvage  » et «  interprétation raisonnée  ». La première produit un effet de fermeture, débouchant sur une signification qui risque de clore la production du sens. Au contraire, la seconde ne s’arrête pas au sens de la phrase prononcée, mais l’épingle en tant que réalité verbale, permettant ainsi de faire apparaitre ce qui cloche. Or, si la méthode «  sauvage  » est une tentation forte chez les psychanalystes, seule la méthode «  raisonnée  » est de nature à viser le point où le sens défaille, afin d’obtenir du patient une réplique élaborative. C’est ici, affirme P. Malengreau, que le travail de Ponge est exemplaire : pour discerner quel usage de la langue rend possible l’évitement du semblant et l’accès fulgurant au réel…  Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le livre n’est pas réservé au public des psychanalystes : décortiquant avec opiniâtreté les textes d’un des plus grands poètes français du XXe siècle, il apporte à l’analyse littéraire et picturale contemporaine un éclairage à la fois original et incisif, bien au-delà de l’exégèse convenue. Daniel…