La redécouverte du vélo. La politique de mobilité dans les Plats Pays et en France

[Traduit du néerlandais par Marcel Harmignies.] Depuis les années 1970, le vélo regagne du terrain sur la voiture, d’abord lentement, puis en s’affirmant de plus en plus. des villes néerlandaises ont été pionnières en la matière. la Flandre a suivi. En France aussi, certains signes indiquent que les choses changent. * Chaque ville est différente, mais les dernières élections communales de Belgique (octobre 2018) ont révélé l’existence d’un large consensus tous partis confondus sur la question de la mobilité. Selon une enquête réalisée pour le quotidien flamand De Standard, il apparaît que 90 pour cent des têtes de liste sont favorables à un renforcement des contrôles de vitesse, à l’aménagement de carrefours afin d’éliminer toute confrontation entre usagers vulnérables et trafic motorisé, à l’installation en plus grand nombre de bornes de recharge pour les véhicules électriques et à la création d’espaces supplémentaires réservés…

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[p. 243  version papier]  Dissipons un malentendu…

Quelle place pour le visuel dans les archives littéraires?

[Anne Reverseau est chercheur FNRS de l'Université catholique de Louvain.] Ce petit texte entend proposer quelques réflexions sur la place du visuel dans les archives des écrivains. Il s’agit plus pour moi de soulever des questions que d’apporter des réponses définitives, étant à l’orée d’un large programme de recherche portant sur la manipulation d’images par les écrivains, de 1880 à nos jours. Ce programme met l’accent sur les gestes que font les écrivains avec tout type d’images. Il s’appuie sur l’idée d’une continuité entre agencement d’images sur les murs, dans les manuscrits et dans les livres. La place du visuel dans les archives d’écrivains, une question longtemps peu pensée, est donc pour cette recherche tout à fait centrale. * Quel visuel? Je préfère dans ce cadre parler de « visuel » et non d’« images » pour permettre à des formes comme le dessin en marge du manuscrit, la sculpture ou le film d’entrer dans la réflexion. Les problèmes théoriques que soulève la définition de l’image sont en effet redoutables: l’image peut-elle être un original ou uniquement une reproduction? Y a-t-il des images en trois dimensions…? Dans les archives d’écrivains, on trouve plusieurs types de visuels, explicitement artistiques ou non, et produits ou non par l’écrivain.  On pense d’abord aux captations vidéo ou aux photographies de plateau des adaptations théâtrales ou cinématographiques d’œuvres littéraires. Ce matériel figure en général dans les archives littéraires et peut servir à comprendre, comme les dossiers de presse, la réception et la continuation de l’œuvre. On pense ensuite aux nombreuses œuvres plastiques, notamment lorsqu’elles sont de la main d’un écrivain qui était aussi peintre, sculpteur, photographe ou cinéaste. Les lieux de conservation sont alors souvent différenciés. Les photographies d’Hervé Guibert sont par exemple conservées par la galerie Agathe Gaillard à Paris, tandis que ses archives littéraires sont à l’IMEC à Caen, comme celles de Pierre Albert-Birot dont le versant plastique de l’œuvre est, lui, au Centre Pompidou. Le cas d’Édouard Levé, écrivain et photographe contemporain, dont les archives textuelles et visuelles sont conservées au même endroit, à l’IMEC, fait plutôt figure d’exception. C’est aussi la chance du Fonds Henry Bauchau qui se trouve à l’Université catholique de Louvain. On trouve également aux côtés des archives littéraires les œuvres plastiques qui ont été offertes à l’écrivain, matériel important pour réfléchir aux relations entre les arts et commenter la façon dont les écrivains ont souvent été des amateurs, des regardeurs et des critiques d’art. Il faut ajouter à cela tout un ensemble d’images non artistiques, vernaculaires, personnelles ou au contraire industrielles, qu’elles appartiennent à l’écrivain (photographies d’amateurs ou dessins sans prétention, par exemple) ou qu’elles aient simplement été collectées par lui. Photographies, cartes postales, coupures de presse, images publicitaires, « images de peu » pour reprendre l’expression de Christian Malaurie XX , constituent un ensemble dont souvent les archives littéraires ne savent que faire. Cette imagerie pauvre constitue pourtant bien souvent l’environnement visuel d’un écrivain. Je veux parler de l’environnement visuel de son époque, de son lieu de résidence, de sa classe sociale, mais aussi plus précisément de celui de son «cabinet de travail» selon l’expression que Pierre Mac Orlan emploie dans un article sur l’importance du graphisme qui nous entoure XX . Comment, alors, conserver et valoriser les images souvent triviales qui figurent au mur ou sur le bureau d’un écrivain, son « décor domestique pittoresque » comme disaient les journaux et les magazines de l’entre-deux-guerres qui en étaient friands? * Archiver le visuel? La question des archives visuelles des écrivains possède un double enjeu de conservation et d’exploitation. Il est particulièrement difficile d’archiver l’imagerie pauvre qui accompagne les écrivains dans le travail de création. Si l’on pense aux images qui peuplent, depuis le 19e siècle au moins, les bibliothèques personnelles, singulièrement celles des écrivains, on imagine aisément les obstacles qui se dressent à leur conservation. Lorsque une bibliothèque intègre un fonds d’archives, on constitue un catalogue et chaque livre est collecté individuellement, dans un autre ordre que celui qui régnait en général sur les étagères. Parfois les archivistes vont photographier la bibliothèque telle qu’elle était utilisée, et éventuellement garnie d’images, sans conserver toutefois le matériel visuel de façon systématique. C’est par exemple la rencontre avec la bibliothèque, encore entière et illustrée, de Sebald sur qui Muriel Pic avait travaillé, qui est à l’origine de son projet d’exposition et de livre, Les Désordres de la bibliothèque, qui consistait à déplier les bibliothèques pour en faire apparaître le visuel. « Moment unique car les bibliothèques d’auteurs, quand elles sont conservées, sont “désossées” pour entrer dans le catalogue. J’ai photographié et je me suis rendu compte, comme je l’explique dans un article XX , que la bibliothèque avec les documents glissés dans les livres est un modèle pour sa manière d’introduire l’image dans le texte » XX . Pour plusieurs bibliothèques d’écrivains ou de penseurs, elle a ainsi sorti les images dont les livres étaient truffés pour les disposer sur les rayons, les photographier puis monter les images en une seule grande séquence. Cet exemple contemporain montre combien les archives visuelles des écrivains sont affaire de reconstitution plus encore que de conservation. L’environnement visuel se trouve en effet dans d’autres contextes aussi complètement mis en scène, par exemple dans les maisons d’écrivains et leurs reconstitutions spectaculaires d’un cabinet de travail ou d’une bibliothèque. C’est le cas de la bibliothèque et du bureau de Valery Larbaud à Vichy, dont le matériel visuel est important, ou des maisons de Pierre Loti ou de Victor Hugo, pour lesquelles la volonté de muséalisation remonte au vivant des auteurs. Ces cas contrastent fortement avec d’autres maisons d’écrivains singulièrement vidées de tout « décor domestique pittoresque » authentique, comme la maison de Julien Gracq à Saint-Florent-le-Vieil, ou la Casa Pessoa de Lisbonne.     © Anne Reverseau, revue Francophonie vivante n° 2019-1, Bruxelles   Notes 1. Chr. Malaurie, L’ordinaire des images. Puissances et pouvoirs de l’image de peu, Paris, L’Harmattan, « Nouvelles études anthropologiques », 2016. 2. « Le cabinet de travail d’un créateur, quel que soit son mode de création, modifie son pittoresque » (P. Mac Orlan, « Graphismes », dans Arts et métiers graphiques, no 11, 15 mai 1929). 3. M. Pic, « L’atlas fantastique: W.G. Sebald lit Walter Benjamin et Claude Simon », dans Quarto. Archives Littéraires Suisses, no 30-31: Urs. Ruch et Ulr. Weber (dir.), Autorenbibliotheken / Bibliothèques d’auteurs, 2010, pp. 72-76. 4. Entretien par courriel avec Muriel Pic (juin 2017). Chr. Malaurie, L’ordinaire des images. Puissances et pouvoirs de l’image de peu, Paris, L’Harmattan, «Nouvelles études anthropologiques», 2016. «Le cabinet de travail d’un créateur, quel que soit son mode de création, modifie son pittoresque», P. Mac Orlan, «Graphismes», dans Arts et métiers graphiques, no 11, 15 mai 1929. M. Pic, «L’atlas fantastique: W.G. Sebald lit Walter Benjamin et Claude Simon», dans Quarto. Archives Littéraires Suisses, no 30-31: Urs. Ruch et Ulr. Weber (dir.), Autorenbibliotheken / Bibliothèques d’auteurs, 2010, pp. 72-76. Entretien par courriel avec Muriel Pic (juin 2017).…

La vallée du Maelbeek à l’ombre de l’Europe

J’allais à l’école dans le cœur mal-aimé de la ville. Derrière le lycée, on construisait l’Europe, du moins son parlement. Autour de nous, c’était une vallée à laquelle il ne manquait que la rivière. On avait caché le Maelbeek, mais il se vengeait périodiquement dans les caves des maisons alentour. La seule chose qui coulait dans le quartier était le béton et le flot des voitures de la rue Belliard. À la marée haute des heures de pointe, elles allaient s’engluer dans les méandres de Jourdan et du bas de la chaussée de Wavre. Larguer les enfants tenait de la mission commando. En double, triple file, « Et surtout n’oublie pas ton cartable ! », je l’oubliais souvent. Le pire, c’était lors de la venue du cirque qui occupait le centre de la place. La place Jourdan était alors un petit quartier populaire résistant au milieu des grandes mutations de la ville. Pas d’hôtel de luxe pour la fermer, juste un terrain vague, masqué par quelques planches. Il servait de parking improvisé et il est arrivé que des professeurs s’enlisent à la mauvaise saison, qui, à Bruxelles, peut durer dix mois. Traverser la rue du Maelbeek provoquait toujours une appréhension dans ma tête d’enfant. Y avait-il vraiment, là-bas, en dessous de mes pieds, une rivière, un fleuve peut-être, avec ses berges, ses quais, ses bateaux, ses pêcheurs oubliés lors du grand recouvrement ? Tout un monde enfoui sous la surface. Bruxelles a réussi le miracle de faire marcher toute la journée ses habitants sur l’eau sans qu’ils le sachent et qu’ils en éprouvent le moindre vertige. Ce Maelbeek, je l’imaginais noir et méchant, un Styx de poche qu’il fallait traverser pour passer dans l’autre monde, celui de l’école. Il y avait juste à côté de l’entrée du parc Léopold une pissotière, d’un modèle plus qu’antique, unique dans la ville. On l’a fait murer à la demande d’un restaurant de poisson qui n’en pouvait plus de souffrir son odorante concurrence. Autour de la place s’organisait une petite vie, une petite ville au milieu de la grande : la vieille quincaillerie aux odeurs fanées, la pâtisserie Vatel ouverte toute la nuit, la friterie qui donnait chaud l’hiver rien que de la sentir et la couronne de cafés. Au long de mes études, j’ai vu lentement les cafés d’habitués se muer en brasseries, devenir restaurants ; ils seront bientôt lounge. En remontant , on trouvait la place Van Meyel et l’église rouge sang, deux fois trop grande, qu’un architecte avait tenté d’y faire entrer. Un matin, elle s’est effondrée. Il n’en est resté que les cloches. Une fuite d’eau dans le sous-sol, a-t-on dit. Un mauvais coup du Maelbeek ? Les habitants qui vivaient depuis toujours dans une demi obscurité, habitués aux tâtonnements des taupes, ont découvert soudain l’existence du soleil. Pour le rêve , il y avait le musée d’Histoire naturelle, le vieux musée dans lequel on entrait par les escaliers au fond du parc. Passé la porte, le visiteur était plongé dans un capharnaüm droit sorti de Jules Verne : animaux empaillés, squelettes amoncelés dans les lourdes vitrines et, par-dessus le tout, la cage aux dinosaures. On pouvait rester là, loin du monde, hors du temps. Le présent avançait pourtant et le monde changeait au-dehors. Sur la rue Belliard restait une poignée d’irréductibles, acharnés à ne pas lâcher le terrain, à ne pas se laisser ensevelir. C’était des maisons semi-abandonnées, les fantômes d’un ancien Bruxelles. L’avenue de Tervueren et ses hôtels particuliers avaient dû ruisseler par vagues et rejoindre la petite ceinture. Il en restait quelques gouttes tremblant sur le présent, des façades noircies par la pollution qui s’écaillaient, mal étançonnées, encerclées par les hautes parois de verre et de béton des bureaux en construction. Pour éviter les squats, on avait barricadé les portes et les fenêtres. Des squats, il y en avait vers les ponts du Maelbeek dans une maison éventrée. De leur train, les fonctionnaires en costume et cravate pouvaient voir les habitants et le linge tendu à des fils. Ils ne se cachaient pas. Toutes ces palissades et façades en jachère faisaient le bonheur des colleurs d’affiches sauvages. Elles s’empilaient de jour en jour, délavées par la pluie, déchirées par le vent, fondues l’une dans l’autre en un magma compact. Il en résultait d’étranges fresques urbaines où se mêlaient les bandelettes de vieilles campagnes électorales, les annonces de spectacles, les animaux perdus et les tracts de quelques groupuscules. Une sorte de journal intime de la ville. On pouvait mesurer les années d’abandon d’une maison à l’épaisseur de la croûte de papier collée sur ses murs. Il faut plaindre les promoteurs immobiliers bruxellois. Toutes ces bâtisses néo-classiques, hétéroclites, Horta ou simplement « eau et gaz aux étages » font preuve d’une résistance hors-norme. Des années de non-soins et des trésors de négligence sont nécessaires pour qu’enfin la maison vaincue reçoive son brevet d’irrécupérable. Il y en avait trois à l’époque, de l’autre côté du parc, avenue de la Renaissance, qui attendaient tout au bout de leur vie dans les soins palliatifs de l’urbanisme bruxellois. On a vaguement fini par sauver leur façade qu’on a plaquée sur des corps modernes si bien qu’elles ressemblent à des pastiches d’elles-mêmes, comme ces stars hollywoodiennes en bout de carrière. Ce qui désolait tous ceux qui avaient visité la ruine était la perte des vastes cheminées de marbre, hautes moulures, grandes verrières. Longtemps, le rond-point Montgomery a eu la gueule d’un fichu garnement dont une dent vient de tomber. On avait cassé une maison Art nouveau, il est resté un terrain vague. Puis, à force de procès d’entêtés archaïques, il a fallu reconstituer sa façade. En sera-t-il de même pour la Maison du Peuple ? Il paraît qu’elle attend en tas, improbable Lazare, au bord d’une voie de chemin de fer, sa résurrection. À l’angle de la rue Baron de Castro se dressait, sans doute agrandi par le souvenir d’enfance, un vrai petit palais avec ses frontons, ses colonnes, tout en sculptures et « pierres de France ». Il était l’orgueil de la haute bourgeoisie, les certitudes pétrifiées d’un siècle qui commence. Ce siècle, à son reflux, l’avait laissé mendiant, tendant dangereusement ses balcons vers les passants comme pour les supplier, agitant en vain ses volets arrachés, la toiture déversée sur le sol pour les apitoyer. Centre de l’Europe , qu’ils disaient ; et pourquoi pas du monde ? On marinait dans l’Histoire, on ne pouvait pas en sortir. Pour la promenade, les familles montaient au sommet de la vallée vers le Cinquantenaire. Passer sous l’arcade du centre, entre les ailes qui aspirent le vent, sous le drapeau furieux qui claque, suffit à vous convaincre de n’être pas héros. Mais peut-on rêver meilleur terrain de jeu que les canons du musée de l’armée en guise de toboggan ? Lorsque le musée de l’automobile fut créé, chaque mercredi, de nouvelles voitures arrivaient simplement rangées sur le parking au milieu des autres véhicules pour la plus grande joie des enfants. Ils se précipitaient, dès que la cloche avait sonné, pour les voir arriver au loin sur l’avenue. Les passions humaines se cachaient, elles, soigneusement au fond du parc derrière les buissons. Il était courant de voir des gens agenouillés, curieux de découvrir ce qui pouvait mériter l’enfer par le trou de la serrure. Lorsqu’il pleuvait , il était possible de se réfugier dans le musée d’Art et d’Histoire. On n’imaginerait plus le faire aujourd’hui. Il fut longtemps gratuit. L’entrée se faisait par le pavillon brûlé et il fallait passer sous un panneau comme on en voit dans les centrales électriques – tous les voyants étaient rouges ou presque. Il était possible de se promener sans croiser personne et même de se perdre dans les salles désertes et obscures au risque de tomber…