La Lecture

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Jan Baetens

Auteur de La Lecture

Jan Baetens est peut-être le dernier poète flamand d’expression française. Né en 1957 à Sint-Niklaas, il est professeur à la KUL, où il est responsable du master en études culturelles. Il a écrit de nombreux ouvrages d’analyse et de critique littéraire. Ses travaux portent essentiellement sur les rapports entre texte et image, notamment dans les domaines du récit photographique et de la bande dessinée. Son livre «Hergé écrivain» (Flammarion, coll. Champs) est devenu un classique du genre. Il est également l’auteur de plusieurs volumes de poésie, dans lesquels il expérimente des voies originales.
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La liberté du lecteur a quelque chose de désarmant, justement parce qu’elle est illimitée, inconditionnelle. Partant de deux tableaux d’Henri Fantin-Latour ayant pour titres La Lecture et réalisés respectivement en 1870 et 1877, Jan Baetens poursuit, dans ce nouveau recueil, son questionnement sur les liens qui unissent, de manière parfois souterraine, le texte et l’image. On pourrait dire d’ailleurs que ces correspondances sont envisagées ici selon un triple dialogue puisqu’aux textes inspirés par les tableaux du peintre grenoblois né en 1836 viennent se greffer les photographies de Milan Chlumsky qui ouvrent et ferment le volume. Une construction tridimensionnelle cohérente et exigeante, comme toujours chez Baetens, et qui permet cet échange décuplé entre…

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Mon jardin des plantes : poèmes et photographies

Jan BAETENS  et Marie-Françoise PLISSART , Mon jardin des plantes : poèmes et photographies , Impressions nouvelles, 2024, 136 p., 18 € / ePub : 7,99 € , ISBN :978-2-39070-145-3 Jan Baetens (1957) est l’auteur de vingt recueils de poésie, dont récemment Après, depuis (2021, prix Maurice Carême de poésie 2023 ) et Tant et tant (2022). Styles et thèmes de ses livres varient mais leur point de départ est toujours le même : la vie quotidienne repensée par l’art et la littérature. Auteur de nombreuses études sur les rapports entre textes et images, dont Le roman-photo (avec Clémentine Mélois) ou Adaptation et bande dessinée : éloge de la fidélité , dans son essai Illustrer Proust , il présentait et discutait les réponses successives données depuis plus d’un siècle par les artistes et leurs éditeurs au désir et à la difficulté d’illustrer Proust. Il a publié le remix d’une collection privée de ciné-romans-photos, Une fille comme toi (2020) et un essai contre l’oralisation de la poésie : À voix haute. Poésie et lecture publique (2016). Marie-Françoise Plissart (1954) est l’une des figures majeures de la photographie belge. Comme Baetens, elle s’est intéressée très tôt aux rapports entre un texte et une image, réalisant avec Benoît Peeters le livre Correspondance (Yellow Now, 1981), début d’une bibliographie abondante. Photographe free-lance depuis 1987, elle a réalisé de nombreux travaux dans de multiples domaines tels que l’architecture, le théâtre, le portrait et l’illustration. Ses photographies ont été notamment exposées à Bruxelles, Liège, Paris, Genève, Amsterdam, La Haye, Rotterdam, Berlin et Vienne. Elle est aussi une vidéaste captivée par l’exploration du tissu urbain et par ses transformations. Texte et image entretiennent une relation complexe, souvent de dépendance, sauf dans le cas où sa polysémie et celle du poème se superposent en échos infiniment répercutés et ouverts , comme dans l’effet-miroir. Mon jardin des plantes : poèmes et photographies est une composition photo-textuelle à quatre mains avec pour thèmes l’eau et l’arbre et une approche des coïncidences des contraires, qui culmine dans le magnifique effet-miroir de la photo du Parc royal de Bruxelles (M.F.  Plissart, 2011). Ce concept de l’effet-miroir est présent dans toute l’anthropologie culturelle et symbolique : il nous met en présence d’une perception, d’une imagination ou d’une croyance en une surexistence par rapport au monde donné, qui n’est ni un irréel ni un délire. Une conscience d’un mode spécifique s’y fait jour, celui d’une apparition ou d’une épiphanie, sous forme de synchronicités, de dévoilements, de rencontres avec un au-delà du visible. Ce non visible ouvre sur l’expérience du sacré, en tant que celui-ci fait surgir dans notre sensibilité ou nos représentations un plan d’inaccessibilité ; on ne peut l’instrumentaliser, il est un inter-dit. Comment rendre compte de ces catégories si souvent associées, d’invisible, de secret et de sacré ? Comment permettent-elles de structurer et de comprendre une part d’ombre de notre expérience du monde et des autres ? L’art est une voie d’accès à cette sur-réalité : Johannes Vermeer, « Vue de Delft »Soustraire sans rien  perdre, pour la beauté du geste,         puis additionner en vue de la sainte multiplication, chaque chose à sa place, puis proliférant     jusqu’à occuper une autre place dans l’eau,qui l’amène à d’autres négoces et trafics encore.     Converti en brique et azur, le nombre d’or   Garde ses droits, unissant pour mieux régner. Le livre est composé de sept « chapitres » : les poèmes et les photographies offrent une relation de miroir, non d’illustration. L’eau a toujours été l’un des éléments les plus efficaces pour équilibrer le corps et l’âme : elle est le signe d’un éveil spirituel, permettant de lâcher prise. L’arbre est un symbole de vie et de verticalité incarnant le caractère cyclique de l’évolution cosmique. Tous deux offrent une dialectique entre permanence et métamorphose. Ainsi au fil des poèmes, le lecteur est invité à considérer le proche et le lointain, le connu et l’inconnu, le quotidien et l’indéfinissable, le simple et le complexe, motifs qui se déclinent aussi par miroitements en ceux du voyage, de la perte des repères, des relations inattendues entre topos et tempus, nature et culture, à la recherche de l’unité originelle :[…] Lentement le sens se dépouille des mots qui l’emportent, Elle dit que le jardin se fait son havre. […] Enfin la main qui crée l’objet qu’elle touche, Qui aide à défaire sans peur l’articulation du monde, À ne plus nous lamenter que les choses parlent à notre place. L’amour du trivial est figure…

La Dame au balancier de neige : bréviaire d’amour ; suivi de Heaume de l’Être

Il est des titres qui font l’envie tant on aurait aimé qu’ils soient encore disponibles pour, à partir d’eux, inventer des contes, des fables, des poèmes. Il en est ainsi de La dame au balancier de neige , déposé sur la couverture du dernier recueil de Sébastien Lise (pseudonyme de Joël Goffin), illustrée du tableau de Vermeer van Delft, La dame à la balance. Un « Avertissement » décrit au lecteur la genèse de ce volume composé de deux ensembles : «  un long poème linéaire et cohérent jailli d’un trait  », La dame au balancier de neige, prolongé du Heaume de l’Être, «  un titre sous forme de jeu de mots révélateur d’une période expérimentale  ». Chroniqueur littéraire, poète et spécialiste de littérature symboliste, Sébastien Lise s’est fait connaître sous son vrai nom, Joël Goffin, par de nombreux livres et publications sur la vie littéraire, se spécialisant notamment sur la vie et l’œuvre de Fernand Khnoppf et Georges Rodenbach. À ce dernier il consacre un site de référence . Le sous-titre du recueil nous invite lui aussi à éclairer notre lecture d’une lumière spécifique : Bréviaire d’amour semble indiquer qu’une liturgie rythmera notre cheminement dans le livre dont le premier poème, « La justice », évoque cette lumière diaphane, ce décor d’antan, ce regard voilé de La dame à la balance .L’« Avertissement » nous invitait à lire l’ « Œuvre »   dans l’ordre proposé , comme si de l’enchaînement des textes naîtrait un sens qui échappe à chacune des pages, lues séparément.  Pourtant, chaque poème se déploie comme autant d’explorations d’une souffrance, d’une déchirure, d’une inconsolation. Les titres en disent long : « Geôle » , « L’âme hors » , « La démantelée » , « Déluge » … Et le poète nous serre à la gorge en évoquant ce mobile ossuaire qu’est l’échiquier du monde. À chaque poème, on imagine des séquences qu’aurait filmées un Ingmar Bergman, des pièces de théâtre qu’aurait mises en scène un Ghelderode. Sébastien Lise partage avec ceux-là l’exploration et l’exaltation des imaginaires que débrident la liberté du style et l’inspiration trépidante. Il n’est pas une image, pas un phrasé, pas un jeu sur les mots qui ne nous transporte dans une imagerie onirique tempétueuse.On retrouve cette ferveur ténébreuse dans Heaume de l’Être. Ces textes, sélectionnés parmi les « poèmes anciens  1981 – 1988 » s’inscrivent dans ce sillage tellurique auquel nous entraînait la première partie du livre. La Flandre y est présente à travers les tableaux évoqués ( La chute d’Icare ), mais aussi dans les lieux que la plume acerbe du poète explore et semble vouloir déchirer comme ce « Mer du mort-Moortzee » dont l’ironie du titre tente – en vain – de voiler le chagrin qu’inspire la mort d’un père. Promenade dans Bruxelles aussi (dont on reconnaîtra les lieux qui inspirent l’écrivain), Heaume de l’Être s’achève par ces « Derniers vers » qui sonnent comme un glas poignant : J’entre dans le désert de mon dernier hiver Dans l’eau je veux dormir la mer suffira-t-elle Je me sens dériver je n’ai plus besoin d’ailes Les morts seraient heureux s’ils savaient qu’ils sont morts… Le livre se referme sur un des Holy Sonnets de John Donne (1573-1631) qui débute par cette injonction Mort, cache ton orgueil… Traduction libre par Sébastien Lise du sonnet : Death, be not proud. Jean Jauniaux La voici  qui  s’avance Par la nuit sans étoile Son regard dans le vide Et ma voix qui chancelle Et mon chant…

Les grandes choses. Anthologie poétique 1940-1979

Sur cet iceberg nommé Christian Dotremont , croisant dans les mers polaires, se laissant dériver vers les paysages d’une Laponie fantasmatique et pourtant toujours à portée du regard, voyageur incessant chargé de valises débordantes de manuscrits, de tracts, de livres, de courriers, d’idées et de polémiques, plutôt que de linge, on a déjà beaucoup dit, écrit, et vu. Et ce n’est qu’une juste reconnaissance pour l’un des grands inventeurs (belge de surcroit) de l’art et la littérature européenne du 20e siècle, poète, romancier, co-fondateur de CoBrA, et créateur des « logogrammes ». Sa mort prématurée en 1979, à l’âge de 56 ans, ne lui a cependant pas permis de mesurer lui-même l’envergure de ce massif détaché de la banquise qu’il avait gardé accrochée à ses basques, depuis ses débuts précoces. En 1940, il envoyait ses premiers poèmes à Magritte, Scutenaire et Ubac, qui l’adoubèrent aussitôt au sein du surréalisme bruxellois, avant qu’il n’emprunte, non sans épreuves, d’autres courants plus personnels. Ces premiers poèmes sont ceux d’ Ancienne éternité , écrits et autoédités à 17 ans, et dédiés à une jeune femme, Doris. Le sentiment amoureux, chez Dotremont, déploiera jusqu’à la fin de ses jours les vertus – et les désastres – d’un puissant philtre magique : la « beauté convulsive » et ses effets seront peut-être le seul point fondamental d’entente entre Dotremont et Breton. « L’été d’un cil / bal d’un feu que j’aime »    Deux livres viennent de paraitre, et déterminent les formes, la taille et l’ampleur poétique de ce qui, sous la surface des eaux, a pu se dérober à des yeux peu ou mal orientés. Le premier ouvrage est, enfin peut-on écrire, une édition en poche – donc accessible à un public potentiellement élargi –, dans la collection « Poésie » chez Gallimard, d’une très large sélection, en ordre chronologique, des poèmes jetés comme des bouteilles à la mer par Dotremont dès 1940. Une anthologie poétique est souvent délicate à composer. Le travail est ici mené de main de maitre par Michel Sicard , érudit familier de l’œuvre et du poète, à qui l’on devait déjà, entre nombreuses publications autour d’Alechinsky et de CoBrA, l’édition en 1998 et 2004, d’un fort volume des Œuvres poétique complètes de Dotremont.Vingt années ont passé. De nombreux recueils épuisés ont été réédités, des œuvres restées inédites (notamment conservées par Alechinsky, quelques autres amis, son frère Guy) sont sorties de l’ombre, d’autres proses poétiques publiées en revues ou en catalogues d’expositions se trouvent ici également rassemblées, en témoigne une bibliographie rigoureuse de précisions. L’édition de cet ensemble est un réel événement, aussi brûlant d’émotions que d’émerveillements. Il donne à voir les parts cachées ou méconnues de l’iceberg, et la totale liberté d’écriture qui s’en échappe. Dotremont poète peut apparaitre naïf, idéaliste, changeant, obsessionnel, d’une endurance à tout va, épuisé, rageur, ou encore désespéré : à chaque page, c’est une même sincérité d’écriture qui se révèle, qu’il s’agisse de pasticher une chansonnette, de détourner un poème célèbre, de s’inspirer de quelques-uns de ses maitres (après l’éclat rimbaldien, le lyrisme charnel d’Eluard ne compta pas pour peu), d’incorporer des éléments lexicaux ou syntaxiques venus des langues et des paysages nordiques, de secouer la prose, voire de scinder et redistribuer des phonèmes en mots nouveaux, créant ainsi une lecture moins linéaire, parfois proche du haïku. « Le dessin de mon voyage / ne voyait plus que du langage » À chacun de suivre à son gré les déambulations et errances de ce solitaire contraint, toujours en quête de relations amoureuses ou amicales, autant que de découvertes plastiques : sa connivence avec les peintres et les « œuvres partagées » est depuis CoBrA un acquis essentiel. Dans cette anthologie, les thématiques récurrentes de Dotremont apparaissent sans frein : l’amour, la maladie, le tragique, le voyage, les paysages des Fagnes belges comme ceux de Laponie, le jeu avec les mots et la ponctuation, l’humour farceur, la colère, jusqu’aux émois d’une petite enfance déjà nourrie de la blancheur nordique par le biais de gouvernantes scandinaves – et là, parfois on songe à Scutenaire disant préférer sa légende écrite (par ses soins) à son histoire (réellement vécue).Autre apport de qualité dans ce volume paru chez Gallimard : la reprise en postface, du texte lumineux rédigé par Yves Bonnefoy pour l’édition 1998 des Œuvres poétiques complètes au Mercure de France. Ce dernier avait partagé avec Dotremont, de 1946 à 1952, un très modeste hôtel parisien, et bouillonnait tout autant de projets, d’idées, de revues, de rencontres, et de post-surréalisme : les prémices de CoBrA. Bonnefoy livre sur l’homme, son univers personnel, son attrait pour les signes, écrits et dessinés, ses élans créateurs de « peintures-mots », son attitude ambivalente entre appréhension et plénitude du vide, des pages à la fois éclairantes, sans complaisances, et amicales.    « Je brise donc je crée » Le second ouvrage publié correspondra davantage, lui, aux attentes des lecteurs qui, déjà familiers de l’œuvre et de Dotremont, universitaires, chercheurs, ou observateurs de l’histoire des avant-gardes, souhaitent entrer dans l’exploration approfondie des ressources du créateur des logogrammes. Dans le cadre de l’exposition « Christian Dotremont, peintre de l’écriture », présentée à Bruxelles en 2022 pour le centenaire de sa naissance , les Archives et Musée de la Littérature et les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique avaient organisé une journée d’études. Le volume édité – dans une nouvelle présentation graphique de la collection Archives du Futur, qu’il faut saluer – comporte une dizaine d’études de chercheurs qui, déjà, prennent des voies moins familières. Ainsi, la question du son et de la musique chez un poète qui se présentait comme affublé de «  surdité  » ou «  quasi amusique  »… quand son père, l’écrivain Stanislas Dotremont ne manquait pas de talent musical. Art d’attitude (rebelle) ? Dotremont eut pourtant des rapports avec une série de musiciens, des jazzmen de Liège notamment, mais aussi des artistes de CoBrA, comme le compositeur Jacques Calonne ou l’écrivain Michel Butor. Autre chemin, celui du cinéma expérimental d’après-guerre, essentiellement présenté au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, soit un lieu stratégique d’implantation artistique pour un nouveau venu, et un terrain sur lequel Dotremont tenta d’intervenir, en vain, comme créateur après la Seconde Guerre (et malgré ses chroniques de cinéma). Et si la spontanéité revendiquée dans leurs pratiques par Dotremont et ses compagnons de CoBrA n’avait pas été si proche de cette liberté totale, presque automatique, qu’ils revendiquaient ? Une variante plastique de l’écriture chère aux premiers surréalistes, mais battue en brèche par la réalité des faits… De même Dotremont n’hésite pas non plus à se créer une «posture » d’artiste-créateur, dans les représentations photographiques qu’il donne de sa personne, telles qu’on peut le voir sur les images soigneusement composées de Serge Vandercam, Georges Thiry ou Christian Carez. Ces études permettent de prendre quelques distances avec les possibles mystifications personnelles. Elles sont accompagnées d’un inventaire très instructif du fonds des Archives Dotremont, déposées aux AML par la Fondation Roi Baudouin. Enfin, un choix de lettres (à Alechinsky, au moment de la mort d’Asger Jorn, ou avec le poète Paul Colinet), accompagné de textes restés inédits (encore), donne des angles d’approche qui affinent le portrait du poète et de ses œuvres protéiformes.    Alain Delaunois Plus d’information…