Pierre sent qu’un danger nous frôle ici, quelque chose qu’il ne maîtrise pas. Il a peur. Et même cette peur-là, il ne peut la dire. Glissant sa main sur ma nuque, il soulève mes cheveux, les tourne autour de sa main sans s’apercevoir qu’il tire trop fort et me fait mal, et souffle doucement dans mon cou pour me rafraîchir. « Ainsi tu veux rentrer en France ? » J’ai posé la question sans le regarder. Il lâche d’un coup mes cheveux qui se déploient dans mon dos avec une sauvagerie électrique. « Je préférerais rester ici. J’adore ce pays, mon travail, cet appartement… » « Alors pourquoi ? » « Je suis inquiet. » «Inquiet ?» Ton léger malgré ma gorge nouée et la braise prête à jaillir. Pierre devine ma comédie, son visage se durcit, il accepte tout de moi sauf que je lui mente. Il ravale sa colère et d’une voix où ne perce plus que le désarroi : « Ici, je te perds et je ne comprends pas pourquoi. » Je me blottis contre lui, lui caresse le dos, éprouve son désir, le mien. Et je lui réponds : « Je n’ai que toi, tu le sais bien. Que toi et…ici. »
Un jeune couple – il est français et elle est japonaise, mais a toujours vécu à Paris – s’installe à Tokyo pour deux ans. Peu à peu, un malaise s’installe dans leur relation jusque-là fusionnelle. Sous son apparente sérénité, la jeune femme cache une blessure dont la brûlure s’est ravivée au premier contact avec le pays des origines….
Auteur de La cérémonie des poupées
Quentin Jardon nous donne avec Le chagrin moderne un roman, voire LE roman, de la solastalgie.…