Père, J’ai voyagé trois ans pour oublier tout ce que j’avais appris par la tête. Cette désinstruction fut lente et difficile. Pour vous je ne partais que trois semaines sur les routes du Québec, en été, avec des amis tapageurs. Je vous l’ai dit, nous avons ri. C’est là que j’ai appris à boire, ou plutôt à reboire. Trois litres de bière suffisaient à l’époque à provoquer chez moi une ivresse extraordinaire ; saupoudrez ça de deux schnaps et je m’asseyais pour papoter à toutes les tables des bistrots de Chicoutimi, avant de me réveiller tout habillé au pied du lit d’un inconnu. Rien de bien méchant.
Il y eut pourtant une nuit poisseuse où, titubant comme un crétin jusqu’à ma tente dans l’obscurité d’un parc forestier, j’ai marché sans le vouloir sur un nid de mouffettes. Ces bébêtes à poils longs m’aspergèrent copieusement d’un liquide jaunâtre issu de leurs glandes anales qui fait leur réputation. J’en avais sur…