Introduction (in Dossier La place Cockerill)

La place Cockerill et le Quai-sur-Meuse jouent un rôle particulier dans le cœur urbain de Liège. Le vaste espace public qu’ils constituent est formellement assez ingrat, longé par une voie rapide et coupé du fleuve par elle, saturé par le bruit, peu et mal aménagé, envahi par un immuable stationnement, qui n’est que vaguement régulé. Mais cet espace est aussi l’un des plus centraux de la ville, bordé par l’université et par quelques commerces dynamiques voire emblématiques, un carrefour entre le quartier des Carmes, celui de la Cathédrale, Souverain-Pont et Outremeuse, entre le théâtre, la bibliothèque, l’université,… Les étudiants s’y retrouvent pour boire un verre à l’une de ses terrasses en dépit des gaz d’échappement. Liégeois et touristes viennent y manger le traditionnel boulet. Et, à toute heure du jour et de la nuit, les piétons et cyclistes y sont nombreux, attirés notamment par cette bonne vieille passerelle qui est leur voie…

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Le pari de créer en dialogue : De part et d’autre / Over en weer

On peut créer à deux langues et à quatre mains : c’est ce qu’ont fait Marc Dugardin et Marleen de Crée dans l’ouvrage De part et d’autre/Over en weer, paru en 2011 aux éditions P où, partant d’une lecture de Kertész et, à travers lui, de Celan, le poète francophone et la poétesse néerlandophone se sont mis en dialogue pour écrire un livre qui se constitue par ricochets, l’un répondant à l’autre, chacun écrivant dans sa langue. Le traducteur Stefaan van den Bremt sert de passeur pour les lecteurs à venir, et Goedele Peeters ajoute à cet espace d’échange le langage du visuel par des gravures empreintes de leur propre poésie. Rarement la création hétérolingue a été aussi loin et donné lieu à un ensemble aussi abouti. Le 15 octobre 2015, l’Association Charles Plisnier proposait, en collaboration avec Passa Porta, une soirée consacrée à ce moment de grâce d’échange intercommunautaire qui souligne ce qui est la fonction première de la culture : penser plus haut que l’horizon et unir les hommes, tant dans leurs douleurs que dans leurs rêves communs. Le livre s’ouvre sur cette double adresse au lecteur : Au lecteur Un premier poème, écho d’une lecture d’imre Kertész et, à travers lui, de la « Fugue de la mort » de Paul Celan. Puis, dans la quête de notre propre chant, une lutte avec l’ombre, l’écoute de l’autre, la confrontation parfois, la confiance qui se tisse peu à peu. Une sorte de contrepoint, entre tension et apaisement. Deux langues, deux voix poétiques, puis une troisième qui, d’un geste, vient jeter une passerelle vers le lecteur. À lui, à présent, de se saisir du thème, d’en donner à entendre une autre part. Lees maar een eerste gedicht, waarin de stem van imre Kertész naklinkt en, via hem, Paul Celans ‘todesfuge’. Daarbij, bij het zoeken naar ons eigen lied, een partijtje schaduwboksen, luisteren naar de ander en, in confrontatie soms, elkaars vertrouwen winnen. een soort contrapunct, tussn spanning en rust. twee talen, twee poëtische stemmen, daarna nog een derde die, beeldend, een brug slaat naar de lezer toe. aan hem nu om zich het thema toe te eigenen en nog een partij te laten meeklinken.                                                                       * Le projet témoigne à la fois d’ambition et de modestie : il met en œuvre une polyphonie qui fait fi des bornes linguistiques, tout en interrogeant les limites du verbal. Il emmène vers l’est de l’Europe durant la seconde Guerre Mondiale, vers ce moment sombre de l’Histoire qu’est la Shoah, pour questionner la puissance évocatoire du poétique, tenter de voir ce que lui apportent le plurilinguisme et le dialogue des arts. En guise de réponse, le recueil souligne ce qui, tel un négatif photographique, se révèle lorsque plusieurs modes langagiers s’entrelacent pour approcher de l’indicible. Le texte poétique démontre à quel point la langue, lorsqu’elle prétend traduire une certaine réalité, met surtout en évidence le gouffre qui la sépare de cette réalité. Avec humilité, les mots ne peuvent témoigner que d’un échec descriptif. Le souvenir de Kertész et de Celan hante ce recueil. Celui-ci écrivit sa Fugue de mort (Todesfüge) dès la fin des années 1940. Au fil du temps, ce texte a pris un statut de symbole: celui de la survivance du chant poétique face à la terreur des camps de concentration. Ce poème témoigne du fait que quelque chose résiste, qu’aucune langue ne parviendra jamais à « (r)attraper ». Parallèlement, quelque chose reste aussi au-delà de ce qui fait que deux langues diffèreront toujours, en dépit des influences et des échanges. Vu sous cet angle, le duo de Marc Dugardin et Marleen de Crée (tout en minuscules et dépourvu de toute ponctuation) parle de ce qui demeure à jamais perdu, autant que de ce qui, paradoxalement, s’épanouit dans le dire poétique et dans l’échange. Si la poésie est, comme le pensait Verlaine, « de la musique avant toute chose », la polyphonie conscientise ici le lecteur-auditeur de ce qu’au plus profond de lui résidera toujours un espace ouvert à ce qui se fait percevoir dans son altérité. Telle est l’invitation formulée dans le poème de clôture : quoi en nous d’inexplicable où quelqu’un n’en finit pas d’écouter? wát aan ondoorgrondelijks in ons waar iemand eindeloos luistert? Pour rendre leur propos sensible, Marleen de Crée et Marc Dugardin se sont livrés à Passa Porta à la lecture de leurs textes, leur donnant souffle, rythme, intonation, ainsi que la singularité de leurs voix. Ils se sont aussi prêtés aux questions pour éclairer leur projet si peu ordinaire. On a ainsi appris que le projet est né de l’intérêt de la dessinatrice Goedele Peeters – complice éditoriale de Marleen de Crée depuis plusieurs années – pour l’art poétique de Marc Dugardin. Que la poétesse flamande interpelle l’écrivain namurois, et que celui-ci propose le thème de l’échange. Que chacun ne peut, durant l’élaboration du recueil qui dure un an et demi, entreprendre aucun autre travail, car il les requiert totalement. Que Goedele Peters n’entend pas illustrer le propos du livre, mais seulement rendre visible par des images de ponts et de miroitements, des jeux d’ombres et de lumières, sa perception personnelle de l’art poétique. Que le traducteur Stefaan van den Bremt travaille au fur et à mesure de l’élaboration, opérant des choix qui exigent une sensibilité poétique aiguisée à faire jouer du français vers le néerlandais et réciproquement, ce qui est particulièrement rare et remarquable. Chacun est revenu sur ce que ce projet si peu commun lui avait apporté. Il est frappant que les poètes aient signalé qu’ils n’auraient pas pu entreprendre un travail sur un sujet si ardu s’ils ne l’avaient pas réalisé dans le cadre de cet échange, qui s’est avéré stimulant de part en part, même s’il a comporté des difficultés. En particulier, chacun a approfondi sa propre expérience poétique de par sa mise à l’écoute de la poéticité de la langue de l’autre. Ce projet a été une interpellation à aller plus loin que soi, à se mettre en état de totale disponibilité, condition première de l’avènement poétique. « Le rapport que l’on a avec une œuvre dépend de ce que l’on dégage dans sa vie pour l’accueillir ; et de la manière dont on s’engage dans ce rapport: c’est le début de la vie poétique », écrit Yannick Haenel (À mon seul désir, 2005). Pari tenu que de se mettre ici en disposition d’écoute pour entendre ce qui, au-delà des mots et des langues, fait signe poétiquement. Pari à relever ensuite par nous, lecteurs : bonté qui ricoche vers la rive de l’autre         goedheid kiskassend naar de oever van de ander. © Matthieu Sergier,…

Les Formes d'une ville (2014)

Depuis ses origines, la littérature belge a développé une relation…

Quelle place pour le visuel dans les archives littéraires?

[Anne Reverseau est chercheur FNRS de l'Université catholique de Louvain.] Ce petit texte entend proposer quelques réflexions sur la place du visuel dans les archives des écrivains. Il s’agit plus pour moi de soulever des questions que d’apporter des réponses définitives, étant à l’orée d’un large programme de recherche portant sur la manipulation d’images par les écrivains, de 1880 à nos jours. Ce programme met l’accent sur les gestes que font les écrivains avec tout type d’images. Il s’appuie sur l’idée d’une continuité entre agencement d’images sur les murs, dans les manuscrits et dans les livres. La place du visuel dans les archives d’écrivains, une question longtemps peu pensée, est donc pour cette recherche tout à fait centrale. * Quel visuel? Je préfère dans ce cadre parler de « visuel » et non d’« images » pour permettre à des formes comme le dessin en marge du manuscrit, la sculpture ou le film d’entrer dans la réflexion. Les problèmes théoriques que soulève la définition de l’image sont en effet redoutables: l’image peut-elle être un original ou uniquement une reproduction? Y a-t-il des images en trois dimensions…? Dans les archives d’écrivains, on trouve plusieurs types de visuels, explicitement artistiques ou non, et produits ou non par l’écrivain.  On pense d’abord aux captations vidéo ou aux photographies de plateau des adaptations théâtrales ou cinématographiques d’œuvres littéraires. Ce matériel figure en général dans les archives littéraires et peut servir à comprendre, comme les dossiers de presse, la réception et la continuation de l’œuvre. On pense ensuite aux nombreuses œuvres plastiques, notamment lorsqu’elles sont de la main d’un écrivain qui était aussi peintre, sculpteur, photographe ou cinéaste. Les lieux de conservation sont alors souvent différenciés. Les photographies d’Hervé Guibert sont par exemple conservées par la galerie Agathe Gaillard à Paris, tandis que ses archives littéraires sont à l’IMEC à Caen, comme celles de Pierre Albert-Birot dont le versant plastique de l’œuvre est, lui, au Centre Pompidou. Le cas d’Édouard Levé, écrivain et photographe contemporain, dont les archives textuelles et visuelles sont conservées au même endroit, à l’IMEC, fait plutôt figure d’exception. C’est aussi la chance du Fonds Henry Bauchau qui se trouve à l’Université catholique de Louvain. On trouve également aux côtés des archives littéraires les œuvres plastiques qui ont été offertes à l’écrivain, matériel important pour réfléchir aux relations entre les arts et commenter la façon dont les écrivains ont souvent été des amateurs, des regardeurs et des critiques d’art. Il faut ajouter à cela tout un ensemble d’images non artistiques, vernaculaires, personnelles ou au contraire industrielles, qu’elles appartiennent à l’écrivain (photographies d’amateurs ou dessins sans prétention, par exemple) ou qu’elles aient simplement été collectées par lui. Photographies, cartes postales, coupures de presse, images publicitaires, « images de peu » pour reprendre l’expression de Christian Malaurie XX , constituent un ensemble dont souvent les archives littéraires ne savent que faire. Cette imagerie pauvre constitue pourtant bien souvent l’environnement visuel d’un écrivain. Je veux parler de l’environnement visuel de son époque, de son lieu de résidence, de sa classe sociale, mais aussi plus précisément de celui de son «cabinet de travail» selon l’expression que Pierre Mac Orlan emploie dans un article sur l’importance du graphisme qui nous entoure XX . Comment, alors, conserver et valoriser les images souvent triviales qui figurent au mur ou sur le bureau d’un écrivain, son « décor domestique pittoresque » comme disaient les journaux et les magazines de l’entre-deux-guerres qui en étaient friands? * Archiver le visuel? La question des archives visuelles des écrivains possède un double enjeu de conservation et d’exploitation. Il est particulièrement difficile d’archiver l’imagerie pauvre qui accompagne les écrivains dans le travail de création. Si l’on pense aux images qui peuplent, depuis le 19e siècle au moins, les bibliothèques personnelles, singulièrement celles des écrivains, on imagine aisément les obstacles qui se dressent à leur conservation. Lorsque une bibliothèque intègre un fonds d’archives, on constitue un catalogue et chaque livre est collecté individuellement, dans un autre ordre que celui qui régnait en général sur les étagères. Parfois les archivistes vont photographier la bibliothèque telle qu’elle était utilisée, et éventuellement garnie d’images, sans conserver toutefois le matériel visuel de façon systématique. C’est par exemple la rencontre avec la bibliothèque, encore entière et illustrée, de Sebald sur qui Muriel Pic avait travaillé, qui est à l’origine de son projet d’exposition et de livre, Les Désordres de la bibliothèque, qui consistait à déplier les bibliothèques pour en faire apparaître le visuel. « Moment unique car les bibliothèques d’auteurs, quand elles sont conservées, sont “désossées” pour entrer dans le catalogue. J’ai photographié et je me suis rendu compte, comme je l’explique dans un article XX , que la bibliothèque avec les documents glissés dans les livres est un modèle pour sa manière d’introduire l’image dans le texte » XX . Pour plusieurs bibliothèques d’écrivains ou de penseurs, elle a ainsi sorti les images dont les livres étaient truffés pour les disposer sur les rayons, les photographier puis monter les images en une seule grande séquence. Cet exemple contemporain montre combien les archives visuelles des écrivains sont affaire de reconstitution plus encore que de conservation. L’environnement visuel se trouve en effet dans d’autres contextes aussi complètement mis en scène, par exemple dans les maisons d’écrivains et leurs reconstitutions spectaculaires d’un cabinet de travail ou d’une bibliothèque. C’est le cas de la bibliothèque et du bureau de Valery Larbaud à Vichy, dont le matériel visuel est important, ou des maisons de Pierre Loti ou de Victor Hugo, pour lesquelles la volonté de muséalisation remonte au vivant des auteurs. Ces cas contrastent fortement avec d’autres maisons d’écrivains singulièrement vidées de tout « décor domestique pittoresque » authentique, comme la maison de Julien Gracq à Saint-Florent-le-Vieil, ou la Casa Pessoa de Lisbonne.     © Anne Reverseau, revue Francophonie vivante n° 2019-1, Bruxelles   Notes 1. Chr. Malaurie, L’ordinaire des images. Puissances et pouvoirs de l’image de peu, Paris, L’Harmattan, « Nouvelles études anthropologiques », 2016. 2. « Le cabinet de travail d’un créateur, quel que soit son mode de création, modifie son pittoresque » (P. Mac Orlan, « Graphismes », dans Arts et métiers graphiques, no 11, 15 mai 1929). 3. M. Pic, « L’atlas fantastique: W.G. Sebald lit Walter Benjamin et Claude Simon », dans Quarto. Archives Littéraires Suisses, no 30-31: Urs. Ruch et Ulr. Weber (dir.), Autorenbibliotheken / Bibliothèques d’auteurs, 2010, pp. 72-76. 4. Entretien par courriel avec Muriel Pic (juin 2017). Chr. Malaurie, L’ordinaire des images. Puissances et pouvoirs de l’image de peu, Paris, L’Harmattan, «Nouvelles études anthropologiques», 2016. «Le cabinet de travail d’un créateur, quel que soit son mode de création, modifie son pittoresque», P. Mac Orlan, «Graphismes», dans Arts et métiers graphiques, no 11, 15 mai 1929. M. Pic, «L’atlas fantastique: W.G. Sebald lit Walter Benjamin et Claude Simon», dans Quarto. Archives Littéraires Suisses, no 30-31: Urs. Ruch et Ulr. Weber (dir.), Autorenbibliotheken / Bibliothèques d’auteurs, 2010, pp. 72-76. Entretien par courriel avec Muriel Pic (juin 2017).…