Fêter les mo(r)ts ?




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Karoo

Depuis un mois, Karoo propose un focus sur la poésie belge. Découvrez aujourd’hui, l’entretien de Caroline Lamarche pour son poème Le festin des morts illustré par Aurélie William Levaux  et publié aux éditions Tétras Lyre.


Bonjour Caroline Lamarche. Vous publiez aux éditions Tétras Lyre un poème intitulé Le festin des morts, pouvez-vous nous le présenter ?
C’est un texte qui a connu plusieurs versions. La première est née d’une commande du chorégraphe Thierry Smits pour L’automne dans V.-Nightmare il y a huit ans. Il était plus long, plus éclaté. Il a mijoté, décanté, jusqu’à atteindre cette « réduction », pour utiliser un terme culinaire. Car il s’agit d’une recette de cuisine…



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Johnsons & Shits. Notes sur la pensée politique de William S. Burroughs

Laurent DE SUTTER , Johnsons & Shits. Notes sur la pensée politique de William S. Burroughs , Léo Scheer, 2020, 96 p., 15 €, ISBN :  9782756113227«  Hé mec, vous tenez là un grand livre, un livre dément. Une bombe  ». Voilà ce que William S. Burroughs s’exclamerait s’il éprouvait l’envie de quitter le monde des morts pour faire un tour dans le marécage du 21e siècle. À coup sûr, la qualité des substances psychotropes le décevrait mais l’essai de Laurent de Sutter Johnsons & Shits. Notes sur la pensée politique de William S. Burroughs qu’un dealer de Bruxelles lui fournirait en bonus l’exalterait. Si  Burroughs est connu et reconnu comme écrivain majeur de la Beat Generation ( Le festin nu, Les garçons sauvages , La machine molle, Junky, Queer, Nova Express… ), la vision du monde qu’il élabora dans ses essais et conférences n’a pas fait l’objet de nombreuses recherches. C’est au cœur des observations burroughsiennes sur le monde, sur la pensée, les techniques de contrôle que Laurent de Sutter nous plonge, nous dotant d’une arme conceptuelle fabuleuse pour penser et agir sur le présent. Burroughs comme de Sutter connaissent le potentiel subversif des typologies. La typologie que le second exhume dans l’œuvre du premier est celle des Johnsons et des Shits qui, s’ils évoquent à première vue des marques de cigarettes ou des noms de code, recouvrent deux types d’êtres humains. Empruntant le terme « Johnsons » aux Mémoires du célèbre truand Jack Black, William Burroughs définit ces derniers comme une tribu d’êtres dont la ligne éthique est celle du «  laisser être et du laisser faire  ». La mythologie des Johnsons ne se construit que grâce à leur repoussoir qu’il nomme les Shits, les Merdeux «  qui pourrissent la vie des autres  » écrit Laurent de Sutter.Descendant dans les textes de Burroughs, les articulant finement au sein du système philosophique desuttérien, l’essai questionne la manière dont, depuis que le monde est monde, les Shits colonisent viralement le cerveau afin de s’assurer le monopole du pouvoir. L’angle est à la fois généalogique et prospectif, métaphysique et politique, conceptuel et performatif : l’axiome de base posant que les Shits se définissent par une capacité de nuisance illimitée qu’ils ont illustrée au travers de leurs institutions, de leurs actions (l’Église, l’Inquisition, les Conquistadors, la colonisation, Hiroshima…), comment dès lors se débarrasser des Shits ? Leur étendard, leur fond de commerce c’est de claironner que la pensée est vertébrée par les catégories du DROIT et de la RAISON, qu’ils incarnent ceux qui ont raison. De là découle qu’ils imposent cet étalon viral aux Johnsons. Leur credo — il faut des règles sous peine de verser dans le chaos — implique que les déréglés, ceux qui ne se soumettent pas à la police de la pensée, doivent être reformatés ou éliminés. Avec brio, vitesse de frappe et déduction implacable, Laurent de Sutter analyse les deux auxiliaires d’une «  reprogrammation cérébrale  » des réfractaires que Burroughs a pointés, à savoir le Verbe et l’Image, tous deux dotés de puissances magiques, d’une efficience performative. Quelque part, les Shits sont les frères de Humpty-Dumpty de Lewis Carroll, lui qui déclarait à Alice : «  Lorsque j’utilise un mot, il signifie exactement ce que j’ai décidé qu’il signifierait  ».L’on sait que le thème burroughsien du contrôle sera activé par Deleuze  lorsqu’il interrogera le nouvel âge dans lequel nous sommes entrés, non plus la société disciplinaire pensée par Foucault, mais la société de contrôle. Deleuze crédite Foucault d’avoir pressenti ce tournant vers un âge dont Burroughs a défini les contours, les mécanismes. Il n’y a de société de contrôle que par la grâce d’une intériorisation par les acteurs eux-mêmes des mots d’ordre, de la police de la pensée que l’on (les Shits) entend leur inoculer. Avec subtilité et force, serti dans une langue souveraine (on ne parlera jamais assez du style de Laurent de Sutter), l’essai montre le malentendu véhiculé par la théorie de la société de contrôle (qui court de Deleuze à Negri avant de devenir un leitmotiv un peu creux) : jamais Burroughs ne parlait de «  société  » dont il se souciait comme d’une guigne mais bien de techniques de contrôle. Or, qui dit techniques de contrôle dit possibilité de s’en libérer.La puissance conceptuelle absolue de l’essai de Laurent de Sutter délivre toute sa visibilité lorsque, plus Johnson que tous les Johnsons, il court-circuite les déplorations quant à l’installation d’un contrôle généralisé en rappelant la thèse burroughsienne des deux talons d’Achille du contrôle que sont sa limite externe et sa limite interne. Sans nier que son exercice bousille la vie de bien des gens, les condamne à l’inexistence, le secret du contrôle est d’être par essence, de juris et de facto , un contrôle raté. À s’auto-déployer dans l’illimité, le contrôle s’annule de ne plus rencontrer de résistance. À réussir (à coloniser, squatter intégralement les esprits), il échoue dès lors qu’il ne règne plus que sur des automates. Autrement dit, Johnsons & Shits. Notes sur la pensée politique de William S. Burroughs nous procure les leviers théoriques et pratiques pour renverser les Shits, mettre fin à leur monopole et ce, en retournant leurs armes contre eux, en dégoupillant une bombe qui, quelque part, rappelle celle de Bartleby : en oeuvrant  à « un conflit pour la fin des conflits  », en opposant l’éthique de la qualité, de la sortie de l’ego des Johnsons à la politique merdique de la quantité, du pouvoir et de la RAISON des Shits. C’est pourquoi Burroughs substituait à l’idée de «  révolution  » celle d’«  évolution  », au sens de devenir. Pour en finir avec le pouvoir, il faut en finir avec ceux qui veulent le pouvoir ; pour en finir avec le pouvoir, il faut donc faire en sorte que les Shits (…) soient mis hors d’état de nuire. Les Johnsons opposent un contre-brouillage (à l’image des cut-up de Burroughs) au brouillage codé du Verbe et de l’Image concocté par les Shits afin de contrôler les esprits et les corps. Mais, poussés à bout par la toxicité des Shits qui polluent le monde par leurs nuisances, les Johnsons sont amenés à propager des émeutes qui déboulonneront les Shits. Prédestination oblige ? Burroughs ne pense pas qu’un Shit puisse devenir un Johnson et vice-versa.Laurent de Sutter signe un des opus les plus éblouissants de ces dernières années. Dans le système burroughsien, la volonté étant à la source de tout, Burroughs est immortel. Il n’a dès lors point besoin de remonter de l’outre-monde. C’est du haut de son immortalité que, tapant sur l’épaule de Laurent de Sutter, il balancerait : « Hé mec, vous avez lâché un grand livre, un livre…