Façons belges de parler

RÉSUMÉ

André Goosse n’est pas seulement le nom d’un des meilleurs grammairiens de la langue française, ce qui suffirait cependant à sa notoriété. Il est le label d’un ouvrage indispensable à tous ceux qui veulent se servir du français en le respectant et en s’en laissant inspirer. Le bon usage, dont André Goosse poursuivit et développa l’élaboration dans la ligne de son prédécesseur Maurice Grevisse, est un monument de savoir, de réflexion et d’initiation dont la réputation internationale n’est plus à faire.
Sait-on que par ailleurs, parallèlement à son enseignement à l’Université catholique de Louvain, et avant de présider le Conseil international de la langue française et d’exercer la fonction de Secrétaire perpétuel de l’Académie royale de langue et de littérature françaises, André Goosse a, quinzaine après quinzaine, et ce pendant près d’un quart de siècle (de 1966 à 1990), publié dans le quotidien belge La libre Belgique des chroniques de langage intitulées Façons de parler ? Par la richesse de leur documentation et la précision de leurs raisonnements, elles ont la rigueur d’articles de revues savantes, mais, rédigées dans un style simple et souriant, elles ont su séduire d’innombrables amoureux de la langue française.

Conscients que ces trésors sont devenus aujourd’hui largement inaccessibles, Christian Delcourt et Michèle Lenoble-Pinson, tous deux membres belges du Conseil international de la langue française, ont jugé indispensable de réunir celles de ces Façons de parler qui — universalité du français oblige — ne trouvent qu’un écho discret dans Le bon usage : les chroniques qu’André Goosse a consacrées, en tout ou en partie, au français de Belgique.

À PROPOS DE L'AUTEUR
André Goosse

Auteur de Façons belges de parler



Né à Liège le 16 avril 1926, André Goosse passe son enfance à Houffalize, dans les Ardennes, où l'a conduit la carrière de son père, fonctionnaire de l'État. Il accomplit ses humanités, section gréco-latine, à l'Institut Saint-Remacle, à Stavelot. Vers ses dix-sept ans, Goosse découvre la série des Corrigeons-nous du Père Deharveng. Une vocation, sinon de linguiste, du moins de curieux des faits du langage s'éveille en lui à la lecture de ces Récréations philologiques et grammaticales. La bibliothèque paternelle est riche aussi en ouvrages d'auteurs wallons qui le passionnent. L'évidence est là : le jeune homme est fait pour des études littéraires. Les événements retardent l'entrée à l'université. La fin de la guerre est cruelle pour l'est du pays. La maison est détruite et les parents, tous deux, meurent peu après. Recueilli par des amis de la famille, André Goosse entame, en 1945, des études de philologie romane à l'Université catholique de Louvain. Parmi ses condisciples, on trouve Marie-Thérèse Grevisse, fille de l'illustre grammairien. Leurs études prennent fin en 1949. Ils se marient l'année suivante.

À l'université, Omer Jodogne, éminent médiéviste, et Joseph Hanse ont remarqué l'étudiant. Engagé dans un travail d'édition de texte, Goosse poursuit ses recherches sur l'œuvre d'un polygraphe liégeois du XIVe siècle, Jean d'Outremeuse. Ces travaux, menés sous la direction d'Omer Jodogne, débouchent sur une thèse défendue en 1959 et publiée en 1965.

De Jean d'Outremeuse (1338-1400) on a trois œuvres : une sorte de lapidaire (inédit) et deux chroniques. La Geste de Liège est en vers; Ly Myreur des histors (miroir des histoires) est en prose. Au siècle passé, deux érudits avaient publié ce qui était conservé des deux chroniques. Pour une partie du second livre du Myreur, l'éditeur n'avait disposé que d'un texte condensé et très altéré. Le manuscrit contenant la version complète du second livre étant, depuis lors, entré dans les collections de la Bibliothèque royale, André Goosse décide d'éditer ce long fragment inédit. Dans une copieuse introduction de près de 250 pages, l'éditeur examine les sources de son auteur et se livre à une étude approfondie de la langue et du style de Jean d'Outremeuse. Suivent 384 pages de texte, notes, glossaire et index des noms propres.

Pendant qu'il travaille à sa thèse, Goosse passe deux années au Fonds national de la recherche scientifique, suivies de trois années dans l'enseignement secondaire. En 1956, son université le rappelle. Nommé chargé de cours en 1961, il est promu professeur ordinaire en 1967. Goosse est appelé à devenir, très jeune, membre de la Commission royale de toponymie et de dialectologie, puis de la Société de langue et de littérature wallonnes et de la Commission royale d'histoire. L'Académie s'ouvre à lui le 9 octobre 1976.

En 1966, Goosse succède à son beau-père, Maurice Grevisse, dans sa tribune de La Libre Belgique, où il publie régulièrement une chronique de langage. Un choix de ces textes forme le volume Façons de parler, paru en 1971. Membre du Conseil international de la langue française dès sa fondation, en 1967, il se trouve chargé par l'institution d'étudier les néologismes contemporains. L'essai, intitulé La néologie française aujourd'hui (1975) fait le tour des procédés permettant de créer des mots nouveaux (suffixation, composition, emprunt, abrègement, détournement de sens). Les ressources sont nombreuses; les résultats, plus ou moins réussis. Goosse dénonce les causes de beaucoup d'échecs : le manque de naturel, la lourdeur, l'obscurité.

Gendre de Grevisse, Goosse se trouve vite associé aux travaux de celui-ci avant d'être désigné comme son successeur. On sait l'extraordinaire carrière du Bon usage. L'ouvrage était solide et sérieux. En plus de quoi la personnalité de son auteur lui avait donné une touche particulière de clarté, de mesure et de bonhomie. Au fil des rééditions, Grevisse avait complété et enrichi son œuvre. Sur un plan demeuré quasi inchangé, les matériaux s'accumulaient sous la forme de remarques et de nota bene. C'est que Grevisse ne voulait rien omettre d'une réalité mouvante et complexe. Le volume s'empâtait, c'était évident. Grevisse disparu, il devenait nécessaire de remanier et d'actualiser Le bon usage. Le laisser tel qu'il était dans la onzième édition, c'était amener son vieillissement rapide… interrompre et contredire l'effort que, d'une édition à l'autre, de 1936 à 1980, Grevisse (avait) mené pour que sa grammaire soit de plus en plus complète, pour qu'elle suive de près l'évolution de l'usage, pour qu'elle s'adapte, parallèlement, mais avec prudence, à l'évolution de la science linguistique. Goosse s'est attaché à introduire plus de rigueur dans les définitions, à moderniser les exemples, à tenir compte de la langue parlée et des faits régionaux. Les remaniements sont profonds. Le Précis de grammaire française de Grevisse (1939) et le volume d'exercices ont bénéficié des mêmes soins.

Plus récemment, André Goosse s'est investi dans le débat portant sur la nouvelle orthographe. Le Conseil supérieur de la langue française (dont il est membre depuis 1989) avait préparé un rapport, non pas sur une réforme de l'orthographe, mais sur des aménagements destinés à remédier au désordre et à l'arbitraire. C'était peu de choses, mais il en est résulté une grande agitation des esprits. Dans La nouvelle orthographe (1991), André Goosse défend avec flamme la réforme de 1990.

André Goosse écrit sur le langage avec une délectation évidente, et il sait communiquer ce plaisir à ses lecteurs. Les quatre cents pages des Mélanges de grammaire et de lexicologie françaises (1991), publiées à l'occasion de son accession à l'éméritat, sont riches en études savoureuses.

André Goosse a été secrétaire perpétuel de l'Académie de Langue et de Littérature françaises de 1996 à 2001. Il est mort le 4 août 2019.


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