Auteur de Écrits du voyage : Italiques
Le poète André Doms nous livre, en trois denses volumes – Italiques, Ibériques, Balkaniques -, ses Écrits du voyage. Portés par une invocation vibrante : « en soi et par soi-même, le voyage m’emporte, m’ouvre, et je m’y adonne comme à un alcool de vie ».Attirée par Italiques, je lisais avec plaisir : « l’Italie, première qui me donne à vivre les clartés méditerranéennes, physiques et métaphysiques ».Son rapport majeur à l’Italie fut littéraire. De la rencontre avec l’écrivain et traducteur Franco Prete et quelques amis, initiateurs de la belle aventure d’Origine, pariant sur la reconnaissance mutuelle des poésies italienne et française, incarnée par de nombreuses publications…
Thierry BELLEFROID , Comès. D’Ombre et de Silence , Casterman, 2020, 145 p., 29 € / ePub : 19.99 € , ISBN : 978-2-203-18379-7Corbeaux, chouettes, chats, homme-cerf, paysages enneigés, personnages marginaux anguleux, rites d’initiation, génie du silence graphique mettant en scène la Bataille des Ardennes, les sombres conflits entre villageois, la mise à mort des êtres différents… Quarante ans après la parution de l’album Silence , le chef-d’œuvre de Comès , à l’occasion de la souveraine exposition Comès au musée BELvue à Bruxelles dont il est le co-commissaire avec Éric Dubois, Thierry Bellefroid consacre un essai magistral à ce créateur hors norme décédé en 2013. Que l’œuvre de Dieter Comès né en 1942 à Sourbrodt dans les cantons de l’Est se doive d’être lue à partir de l’existence de ce maître absolu de la bande dessinée belge, Thierry Bellefroid le déploie avec passion et finesse. Au fil des pages rythmées par les dessins de Comès, l’ouvrage nous immerge dans un univers hanté par le non-dit, les forces invisibles, le surnaturel, la magie des forêts, le climat fantastique. Du Dieu vivant (1974) au Dix de der (2006) , Comès créera onze albums évoluant d’un style virtuose, en phase avec les couleurs psychédéliques des seventies, proche de Philippe Druillet, à la décantation de formes menant de l’archipel de la couleur à l’alchimie du noir et blanc dont Comès est l’un des sorciers incontestés. Après les femmes-fleurs, les hommes-papillons, les voyages galactiques d’un space opera initiatique truffé de références cabalistiques, Comès qui fut aussi musicien de jazz, percussionniste, emprunte un premier tournant esthétique avec L’ombre du corbeau qui évoque, comme il le fera dans son dernier album Dix de der , la guerre 14-18 qui fit rage dans les Ardennes. Sous l’influence d’Hugo Pratt avec qui il nouera une fidèle amitié, son style s’épure. Après Tardi, il raconte les tranchées, la boucherie du front. Dans un climat fantastique, confronté à des incarnations de la mort, un soldat allemand erre dans les limbes. Comès y tente une nouvelle grammaire, s’accommodant une fois de plus de la contrainte de la couleur mais décidant d’innover ailleurs, dans la mise en scène, dans l’architecture de la page, dans la rythmique .Thierry Bellefroid analyse la nature du virage, expose l’importation de la grammaire du cinéma dans la bande dessinée (panoramique, zoom avant, zoom arrière…), la synthèse des arts que produit l’artiste. Comès allie les instruments du cinéma à la narration graphique, mais, par-dessus tout, il explore les vertus du silence, ce silence des planches avec cases muettes qui l’a fasciné chez Hugo Pratt, ce passage à l’Œuvre au noir et au blanc qui renvoie au silence de son enfance marquée par la guerre, au père germanophone enrôlé dans l’armée allemande, à son mutisme lors de son retour du front russe. Coup de maître en 1980 avec Silence , une fable poétique sur fond de paysages ardennais, autour de Silence, un jeune homme à part, muet, déclaré attardé, au regard reptilien, proche des animaux qu’il magnétise, en butte à la méchanceté d’Abel Mauvy qui l’exploite. Amour interdit avec la sorcière, violence des villageois à l’égard de ceux qui sont différents — Silence, les gitans, les nains… —, arcanes révélant les voies de passage entre la vie et la mort… Silence, l’exclu du langage, soulève une œuvre qui explore des formes d’échange non verbales, mystiques, animistes.L’empreinte du mystère, des dissociations de la personnalité, de notre part sauvage muselée par la société, des fantasmes, de l’onirisme domine La belette , le thriller psychologique Eva sur lequel planent les ombres de Hitchcock, de Klaus Nomi, L’arbre-cœur soulevé par des audaces graphiques qui réinventent le style… Comès ne nous parle pas de sorcellerie, d’envoûtements, de magie noire dans des campagnes reculées : magicien, il accomplit graphiquement des rites incantatoires, des sortilèges, s’attachant à des êtres en marge du système, plus proches du monde animal, végétal, minéral que de la société des humains qui les rejette.Magnifique voyage dans l’univers de Comès, Comès. D’Ombre et de Silence convoque aussi les témoignages de personnes qui l’ont connu, Hugues Hausman, François Schuiten, Benoît Peeters, Didier Platteau, Micheline Garsou, Christophe Chabouté… Le livre refermé, on rêve que, sept ans après la mort de Comès, le scénario de La maison où rêvent les arbres se concrétise : « Un jour, les arbres se révoltent contre l’homme et leurs rêves engendrent des ptérodactyles, des crocodiles, qui agressent l’homme parce qu’il a rejeté la communion qui le liait à la nature, l’homme a rejeté la mémoire du bois. Les livres commencent à rejeter l’encre ».À l’occasion de l’exposition Comès. D’Ombre et de Silence au musée BELvue (jusqu’au 3 janvier 2021, Fonds Comès de la Fondation Roi Baudouin), Casterman publie Ergün l’errant (réunissant ses deux premiers albums Le dieu vivant et Le maître des ténèbres ), Comès, les romans noir et blanc, 1976-1984, Comès, les romans noir et blanc, 1987-2006. Véronique Bergen Lire Silence ou La Belette, c'est entrer dans un monde où l'on sent qu'auteur et création se confondent. Un monde dont le silence lui-même est une composante essentielle. Comprendre la personnalité de Comès, comprendre d'où il vient, aide à comprendre son art. En suivant cette intuition, Thierry Bellefroid a rencontré les témoins de l'éclosion d'un homme et de son oeuvre : amis de longue date, auteurs, éditeurs, musiciens, membres de la fratrie et de la famille, compagnes. Ce livre met en lumière l'aspect intemporel du travail de Comès, son souci de mise en avant des marginaux et ses interrogations existentielles. Le monde rural, la nature et la sorcellerie ne sont toutefois pas occultés. Son meilleur ami Hugo Pratt et ses complices du magazine (À Suivre) - José Muñoz ou François Schuiten -, permettent de comprendre, entre autres,…
Aux bouillonnantes Éditions Lamiroy qui ont, entre autres, déjà publié les Abécédaires Doors, Kiss, Allo Bowie ? C’est David ! et lancé une collection de nouvelles hebdomadaires (Opuscule), le trio composé des journalistes rock Jacques de Pierpont et Patchouli et de l’illustrateur, auteur de bandes dessinées, Alain Poncelet, sort un abécédaire trempé dans la passion viscérale du rock. Loin de livrer une analyse à froid du phénomène Motörhead, loin de retracer du dehors la trajectoire du mythique groupe de heavy metal, ils dessinent un voyage à l’intérieur de l’univers de Lemmy Kilmister et de ses musiciens, creusant aussi bien la nouveauté musicale, la signature du groupe (énergie rebelle, rythmique d’enfer, riffs rapides, ballades renversantes, jeu de basse très particulier de Lemmy qui donne ce fameux « son Motörhead »…) que sa place dans l’histoire du rock, ses thématiques, l’évolution au fil de leur vingt-deux albums, les frasques de leur vie privée. Si, illustré par Alain Poncelet, préfacé par la chanteuse, la Metal Queen Doro Pesch et par Philippe Close, ce Motörbook ravira les aficionados de ce groupe placé sous la devise « Everything Louder Than Everything Else », il séduira plus largement les amateurs de rock dur et sans concession, ralliera ceux qui font du rock une manière de vivre, un mode d’existence vertébré par l’esprit de la liberté et de la révolte contre l’asphyxie du système. Ni encens ni tapis rouge mais le partage d’une expérience, de la fièvre d’une musique qui change la vie : notre trio d’auteurs passe derrière le mythe Lemmy, derrière le power trio d’idoles Lemmy/Phil Campbell/Mikkey Dee (dernière composition du line up du groupe). Motörhead n’est pas une icône à qui on rend un culte, mais une bouffée d’adrénaline, un style musical qui, derrière l’image réductrice d’une esthétique de la violence, du speed rock et de la hargne, cache une sensibilité lyrique, des sommets mélodiques, un art des textes ciselés au scalpel (aberration de la guerre, aliénation de la religion, haine du conformisme, résistance au pouvoir, fringale sexuelle, profession de foi anarchiste…). De ses débuts comme roadie de Jimi Hendrix à sa collaboration au groupe de space rock Hawkind, de la formation de Motörhead en 1975 en pleine vague punk au succès mondial avec les albums Overkill, Ace of Spades, Lemmy forge un univers nourri par les racines du rock, la veine du blues, l’ heroic fantasy . Faisant sauter les faux-semblants, les entraves, dynamitant les barrières entre les genres musicaux, Motörhead a absorbé l’héritage du rock incendiaire, contestataire afin de le recréer. Il a sauvé la flamme d’une musique qui va droit aux tripes en bâtissant un langage qui influencera décisivement le speed metal, le trash metal. Que, durant quatre décennies, Motörhead ait balancé au monde non seulement une musique marquant un avant et un après-Motörhead mais aussi une philosophie de vie, un style d’être au monde, les témoignages recueillis à la fin du volume l’attestent (ceux d’Anik De Prins, de Michel Stiakakis, Marc « Temple » El Khadem…). De l’Umlaut, du tréma qui surmonte le second O de Motörhead aux bootlegs, de la créature Snaggletooth — emblème du groupe — aux collaborations musicales entre Lemmy, Slash, Brian Robertson ou des girls bands, des chanteuses comme Girlschool, Doro…, le Motörbook délivre mille et…