L’histoire commence de manière plutôt ordinaire : une jeune fille s’apprête à vivre quelques mois au Brésil pendant ses études supérieures. Ses parents l’accompagnent pour découvrir le pays. Ce qui pourrait être le récit d’un voyage rythmé par les rencontres, la musique et la découverte d’un peuple va rapidement prendre une autre tournure…
C’est pas trop dangereux ? avaient-ils demandé à la patronne de l’au- berge. Elle avait répondu, un peu vexée : Non, ici c’est pas comme à la ville, vous ne risquez rien, c’est tranquille. Je vais souvent me prome- ner seule sur la plage le matin et je marche plusieurs kilomètres sans rencontrer personne. Nobody ! No risks !
Ils ne savaient pas s’ils devaient la croire car, dans son regard soudain oblique, ils avaient lu une hésitation affolée. Mais ils avaient décidé de lui faire confiance car ils en avaient envie, et ils avaient relâché leur vigilance
La promenade tourne au drame lorsque le trio se retrouve face à deux bandits armés. Le temps s’accélère et semble pourtant s’arrêter, dans un double mouvement paradoxal propre aux instants décisifs. Ce qui se joue dans ces secondes est impalpable. Les pensées de chacun se déroulent : contradictions, peurs, désirs, instinct de survie sont convoqués.
Leur compréhension du monde et de ce qui se joue là, dans ce petit théâtre de fortune, va être mis à mal.
Auteur de Détonation
Rythmé par des photos en noir et blanc prises par l’autrice, le récit Détonation explore les tessitures du visible, les inflexions du réel, des regards, des gestes, des mouvements de pensée, les mutations météorologiques des émotions. Qu’est-ce qui se joue dans nos rencontres avec l’altérité, avec un pays lointain, avec des paysages maritimes, des êtres chargés d’histoire ? Cinéaste, photographe, écrivain, Dominique Loreau dresse un roman qui dévoile la complexité de la réalité, des rapports que nous nouons avec elle, avec les autres, avec nous-mêmes.Accompagnée par ses parents, une jeune fille débarque au Brésil afin d’y étudier la sociologie. Beauté sauvage de l’océan, favelas s’étendant à perte…
Être son fils : parcours d’un enfant seul
Le récit d’ Isabelle Steenebruggen se présente comme une fiction inspirée de faits réels. Il retrace la biographie d’un narrateur s’adressant à une femme dont nous ne connaissons rien. Nous comprenons assez vite que nous allons lire un récit d’un homme mûr qui, tel Didier Eribon, nous relate sa vie avec une authenticité mâtinée d’un point de vue réflexif.Nous suivons ainsi le jeune Hidli, qui a grandi dans les terres cultivables au Sri Lanka avec une mère travailleuse, deux frères aînés et en filigrane, un père absent. Moins marqué par ses origines modestes que par le caractère bien trempé de sa mère, le héros se gorge de toutes les facettes de cette figure maternelle bienveillante avec qui il vit à son insu des moments fondateurs. Malheureusement, sa maman lui est arrachée beaucoup trop tôt par la maladie. La culture où il évolue fait peu de cas d’un enfant en deuil, c’est donc tout naturellement que le père part refaire sa vie ailleurs et que les deux frères prennent leur envol, laissant Hidli seul dans la maison familiale avec pour rôle d’accompagner sa mère dans l’au-delà. Terrassé par la déréliction et les repères brisés, il trouve un apaisement à sa détresse dans l’ivresse de l’alcool, alors qu’il n’a que treize ans. Terrible, cette période, tellement longue, tellement sombre ! Tout me faisait mal, respirer, parler, manger, marcher. Ne parlons même pas d’aller à l’école. Vivre n’était plus qu’une immense douleur que seul l’arack anesthésiait un peu, le soir. À l’époque, dans ce pays où on commençait déjà à tuer à tour de bras, le sort d’un enfant de treize ans abandonné à lui-même n’intéressait pas grand monde. Rien de ce que je vivais ne paraissait grave aux yeux de qui que ce soit, donc je n’en parlais pas. Seule Anusha semblait se rendre compte des ravages que ces chamboulements et ces disparitions causaient chez moi. Son parcours scolaire devient chaotique, il se laisse aller à la dérive, incapable de sortir de sa prostration, mais il a la chance de nouer de belles rencontres avec des personnes bienveillantes qui le traiteront avec dignité. D’aucuns le voient comme « celui qui a mal tourné », d’autres sont toutefois capables de comprendre ses silences et les blessures qui se cachent derrière. Consumé par le manque d’amour, Hidli se bat contre l’injustice et tente constamment de cheminer vers une vie meilleure, même si la honte et la culpabilité reviennent le tarauder lors de ses échecs, même si la violence et les exactions font rage dans son pays.Il grandit, devient un employé engagé dans la Croix-Rouge, un homme d’affaires accompli, un mari, un père. Nous lisons les grands tournants de sa vie, les nouvelles balises qui remplacent les repères perdus, mais également les histoires d’amours déçues, son attachement viscéral à son île, son désir de la quitter aussi et le réconfort constant de l’alcool. Malgré ses failles et ses évitements, il est toujours guidé par la lumière, sa seule obsession : s’en sortir. Je n’ai pas réfléchi ces soirs-là. Je sentais seulement qu’il y avait un moteur à l’intérieur de moi, qui m’indiquait ce que je devais faire. Ma grand-mère inerte sous les jets de pierres, les poules de Nimal qui hurlaient, terrorisées, la ruine de la famille, les odeurs d’essence et de chair brûlée, tout cela s’enchaînait dans un tourbillon de noirceur qui nous emportait tous, nous faisait dégringoler vers un enfer contre lequel il fallait lutter. Remonter à la surface, à tout prix, comme le jour où je me noyais. S’accrocher, s’agripper à la moindre prise pour remonter, pour éviter de se laisser emporter par la vague de haine. Sinon, nous allions tous y passer. Être son fils est un récit de fiction réaliste où l’histoire singulière du protagoniste est décrite avec minutie sur un fond historique tout aussi réaliste caractérisé par la violence des prémices d’une guerre civile. C’est à travers les sensations du héros que nous palpons l’ambiance sur son île, mais aussi les émotions qui ont forgé son caractère et ses décisions. Isabelle Steenebruggen nous offre ici un récit très sensible, authentique et lumineux d’une grande justesse sur le parcours remarquable d’un homme qui a louvoyé sa vie durant entre différentes formes de violences et qui a fait de son mieux pour avoir une vie décente.Une histoire qui fait résonner d’un accent particulier les propos de Jean-Paul Sartre : « L’important ce n’est pas ce qu’on a fait de nous, mais ce que nous-mêmes nous faisons de ce qu’on a fait de nous ». Séverine Radoux…
Le journal de l'année 2006 de Melitza, une jeune Mexicaine. Il débute le 10 janvier…