Dans un lieu qui évolue à l’écart de l’agitation du monde, un nouveau venu est emporté par les charmes d’une vie déprogrammée et d’une communauté aux activités étonnantes. À travers ses yeux, ce lieu se dévoile et agit comme une énigme : tandis qu’un nouveau rapport au temps s’établit – révélant gaiement l’improbable d’une communauté à l’abri du délire dans lequel nous sommes pris tous les jours -, différentes époques, récits et rêveries surgissent et se répondent, faisant apparaître le vertige d’un Monde qui sans cesse se rappelle à eux (ainsi, sur la fresque de la pièce principale, le massacre minutieux des Incas par les Conquistadors, acte de naissance de l’Europe moderne).
Peu à peu, les préoccupations des résident·e·s se poursuivent et se tissent, jusqu’à bousculer le lieu et les désirs de celles et ceux qui le fondent. Un lieu a priori banal peut-il devenir le plus bel endroit du monde ? Tension et légèreté communiquent, et l’on s’étonne du dialogue que l’imaginaire entretient avec le réel…
Des caravelles et des batailles n’invite pas à esquiver le réel, mais effectue un tour de force : rendre au fictif sa force de subversion ; nous exercer à s’en saisir.
La pièce Des caravelles et des batailles de Eléna Doratiotto et Benoît Piret se donne à lire comme une sorte de manifestation de notre temps : l’imprégnation de l’imaginaire comme moteur de vie et la quête de ce que l’on peut appeler une forme de félicité. Dans les années cinquante, Beckett livrait au monde En attendant Godot après la tragédie de la déflagration atomique qui marquait le seuil de la deuxième moitié du vingtième siècle. Godot, pour beaucoup, se fait toujours attendre et de nombreuses mises en scène ont fait l’hypothèse de sa signification.Des caravelles et des batailles apparaît d’abord à la première lecture comme la partition d’un jeu de vivre (Walter Benjamin disait…