De «La Démangeaison» à «La Mélancolie», l’expérience du Vivarium Théâtre

Reprise de « la Mélancolie des Dragons » et de « l’Effet de Serge », de Philippe Quesne, à Nanterre-Amandiers, en janvier 2018. En 2018, Nanterre-Amandiers célèbre l’anniversaire des dix ans de L’Effet de Serge (2007) et de La Mélancolie des Dragons (2008), deux spectacles pensés en diptyque, qui ont tracé les lignes de force du Vivarium Studio.
L’occasion de republier cet article paru initialement dans le #98 AT, Créer et transmettre.

                                                                          * Une fois que le titre est posé, l’écriture démarre : ça a commencé avec La Démangeaison des ailes, leur premier spectacle créé en 2003, et le système s’est institué. En 2008, ils ont choisi d’évoquer La Mélancolie des dragons. Le spectacle qui vient…

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« Animal Farm - Theater im Menschenpark ». Quand le théâtre contemporain revisite la révolution

Galia De Backer a étudié l’histoire à Bruxelles et à Berlin. Aujourd’hui, elle fait du théâtre en pays germanophone. Galia joue Chica dans La ferme aux animaux d’Orwell revisité par Felix Ensslin (oui, oui, Enslinn, c’est bien le fils de Gudrun Enslinn de la Fraction Armée Rouge, la RAF). Galia est descendue de la scène pour nous écrire ce papier et se poser la question de ce qu’est pour elle la Révolution (avec un grand R).                                                             * Du haut de mes 26 ans, je trouve que 100 ans, c’est énorme. À vrai dire, le vingtième siècle précédant la dissolution de l’Union Soviétique, la mort de Gainsbourg et la Guerre du Golfe (et incidemment, ma naissance), m’apparaît comme un invraisemblable capharnaüm à la chronologie distendue. Certaines décennies se raccordent à des images, de la musique, des livres dans une avalanche d’associations, tandis que d’autres se présentent plus comme une masse brumeuse de laquelle émergent des dates/événements plus ou moins bien accrochés au socle du temps. Dans ces conditions, une étape entre 1917 et 2017, une sorte de relais ne me semble pas de trop pour approcher l’anniversaire dont il s’agit dans ce numéro. Il y a quelques semaines a eu lieu à Saint-Vith la première de Animal Farm – Theater im Menschenpark (La Ferme des animaux - Théâtre dans le parc humain). La compagnie germanophone belge Agora, en collaboration avec Felix Ensslin, a monté, comme le sous-titre de la pièce l’indique, non pas une adaptation, mais une discussion avec « La Ferme » de George Orwell (Auseinanderstzung mit George Orwells Farm). C’est-à-dire qu’il ne s’agit pas de rejouer la Guerre Froide et ses enjeux, ni de revenir sur le potentiel échec de la Révolution d’octobre, mais de comprendre la question que soulève Orwell dans son texte et de la transposer à la situation actuelle. Pour moi, cette démarche de travail fait de La Ferme des animaux un « relais » idéal entre 17 et 17. De quoi scinder la centaine, éviter le plongeon dans le flou du siècle, rebondir entre les 17 et atterrir à pieds joints ici/maintenant. Descendre de la scène, coucher sur le papier. Voilà une autre affaire. Prendre un pas de recul, écrire. Ou justement, mettre les pieds dans le plat, s’aventurer encore plus avant dans une histoire aux degrés infinis d’approche, d’analyse, de compréhension. Chica écrit son mémoire sur les groupes révolutionnaires dans des contextes communaux – Galia écrit pour l’Upjb un article sur la pièce dans laquelle elle joue. Les deux ont mon âge, mon visage, ma voix. Comment sommes-nous soudain devenues trois? FlashBack Orwell publie en 1945 ce court roman que l’on trouve encore aujourd’hui au programme des écoles secondaires belges. Avant cette date, Orwell avait rencontré des obstacles de taille quant à la publication de La Ferme des animaux. Il s’était heurté à une censure diffuse qui marmonnait : « Ce que vous disiez était peut-être vrai, mais c’était  " inopportun " et cela " faisait le jeu " de tel ou tel intérêt réactionnaire. » Certes, il comparait les dirigeants russes à des cochons, mais quel était le fond de son propos? Dans ce récit allégorique, Orwell décrit les dérives du stalinisme, et de cette manière, sauve le socialisme démocrate. Il ouvre en quelque sorte à d’autres possibles, ceux que la lecture de l’Histoire devine souvent si mal. BackToNow À partir de là, Felix Ensslin s’est demandé comment rendre actuelle la proposition d’Orwell. Dans Animal Farm - Theater im Menschenpark, un groupe de révolutionnaires « traditionnels » – ils ont vécu 68, la chute du mur, la floraison des Mc Do – sont placés dans une Maßnahme (mesure – dispositif scientifique d’expérimentation). Le personnage du chat, peu présent chez Orwell, est une scientifique responsable de cette expérience. Elle se considère comme la nouvelle révolutionnaire, loin des idéaux déchus du siècle passé (égalité, liberté, solidarité,…). Les vieux jeu veulent encore et toujours améliorer l’Homme tandis que la nouvelle vague veut surmonter les failles de l’humanité à l’aide de l’optimisation scientifique (génétique, physique, biologie, ...). Ensslin dit du chat:    « La plupart du temps, le chat de Animal Farm est lu comme un représentant de la mafia russe pendant la révolution russe, donc pour ceux qui se comportent toujours de manière égoïste, indépendamment de l’organisation politique de la société. Je me suis posé deux questions à ce sujet. Premièrement : le chat est-il si unidimensionnel ? Ne se pose-t-il pas plus l’épineuse question de la place que chacun peut trouver, en fonction de sa nature et de ses besoins, lors de changements fondamentaux ? Et deuxièmement, je me suis demandé où il existait encore une réelle capacité d’action qui ferait son chemin indépendamment des composantes politiques actuelles. C’est suivant ce fil que je suis arrivé à la science. Dans le rôle du chat, nous avons lié les deux aspects de la question. » Jubilé Où est passé la Révolution, depuis ses défaites? Qui en sont les héritiers ? Sous quelle forme, derrière quel masque fera-t-elle son apparition dans le futur ? Dans la Maßnahme, le groupe d’anciens révolutionnaires se réunit une fois de plus. Au même endroit, à la même heure, le même jour de la semaine. Cette fois-ci, ils ont quelque chose à fêter : c’est le centenaire de la Révolution d’octobre. Jones a préparé le coup, mais ça ne prend pas tout à fait…    « Squealer – (…) Il faut qu’on se prépare pour la fête ! Jones – Je ne vois rien. Elle n’est pas encore là. Boxer / Benjamin – Elle est toujours là. Polly – Elle, oui, mais l’autre, tu sais bien. Je ne la vois pas. Jones – Elle ne peut pas être là, c’est une idée. (…) Benjamin – Elle vient, elle est venue, elle viendra. Comme toujours. » Le chat, du haut de sa tour d’observation, se délecte de l’attachement à l’Histoire qu’ont les membres du groupe. Jones, descendant du fermier de « La Ferme » d’Orwell se débat entre ses ambitions en politique communale et sa volonté intangible de « faire les choses bien » ! Squealer, petit-fils de cochon, surfe sur la vague. Il a compris qu’on n’en était plus à fonder des partis et à brandir des bannières. Il préfère inscrire l’exigence de la Révolution dans le concret du corps : il fait du body-building. Polly, dont les ancêtres avaient refusé de donner leurs œufs, surveille avec zèle les droits des femmes et leur statut au sein du groupe. Boxer, qui aurait préféré avoir Benjamin comme ancêtre plutôt que cette caricature de bon prolétaire, a vécu la vraie Révolution chez elle, en Amérique du Sud. Même si elle les regarde ne rien comprendre à tout ça, elle est tout de même attachée à son rendez-vous hebdomadaire qui la renvoie à sa condition de révolutionnaire immigrée. Chica a débarqué dans le groupe il y a plus ou moins un an, elle a écrit son mémoire sur les groupes révolutionnaires dans des contextes communaux. Elle les trouve vraiment cool, presque vintage. Chacun(e) d’entre eux entretient un rapport particulier à la Grande Histoire et à son propre parcours. Chacun(e) est un acteur/trice qui passe la parole à son personnage, un personnage qui prend puis rend un corps : dehors – dedans – dehors – dedans –… Il y a toujours comme une respiration entre les niveaux (de lecture, de jeu, de rythme), de quoi faire quelques pas de côté pour regarder le tout. Puis être attiré par une autre chose. Tout aussi importante. Le groupe se lie, explose, se recompose, fond, s’agglomère à nouveau, forme une image, appelle un souvenir, se dissout, répète. L’équilibre n’est jamais parfait, il est parfois. Encore, encore, encore. 1917. Encore. Pas la même chose, bien sûr. Un souvenir plus ou moins précis…

Éditorial : EXIT

Voici le 68e numéro en 35 ans de notre revue littéraire.  Il présente des textes littéraires et journalistiques de quelque 40 auteures et auteurs de notre…

La musique comme matière plastique. Entretien avec Maarten Seghers

Penser le rapport de la création théâtrale contemporaine à la musique conduit à pointer des pièces scéniques récentes dans lesquelles la musique apparaît comme une matière brute qu’il faudrait travailler telle la glaise ou le métal. Une matière résistante qui n’en devient pas pour autant ornementale mais occupe une fonction plastique sur scène au même titre qu’une installation scénographique, installée dans un dialogue fécond avec la présence corporelle des acteurs et performeurs. Maarten Seghers est musicien, plasticien et performeur. Depuis 2001, il est lié à la Needcompany de Jan Lauwers et il participe à toutes les grandes productions de la compagnie. Il a commencé à développer ses projets personnels en 2014, dans lesquels la musique et sa mise en abyme rythmique et sonore sont au centre d’une vibrante expression scénique XX .  * Rencontre en quatre temps avec cet artiste énergumène échalas énervé échevelé (sa version scénique), d’une douceur, clarté, patience et bienveillance tellement apaisées quand on va à sa rencontre. [Traduit du néerlandais par Pascale de Nève.] BH : Maarten, quand je te découvre à l’époque dans La Chambre d’Isabella de Jan Lauwers, tu es bien sûr musicien au cœur du dispositif de ce spectacle, mais tu es déjà totalement impliqué dans la distribution. Musique et performance théâtrale sont indissociables pour toi dès le début de ta collaboration avec la Needcompany? MS : Ma première collaboration avec la Needcompany date de 2001, et consistait à créer une musique spécifique au sein de l’ensemble, tant dans le cadre de la représentation qu’en dehors. C’était lié à la présence de l’artiste Hans Petter Dahl ainsi qu’à mon arrivée dans la compagnie. Nous avons commencé par présenter Images of Affection, dont nous avions réalisé des bandes originales reposant sur de l’électronique et des bruits de guitare, sur lesquels nous chantions en direct des chansons des Kinks avec les performeurs. Une sorte de feel good music amère, comme on a pu entendre chez Fennesz, par exemple, dans son album Endless Summer ; un Bee Gees tiré de l’oubli, dont nous avons aussi utilisé un morceau pour la scène d’ouverture. Ensuite, j’ai également travaillé avec Grace Ellen Barkey sur la musique (live et enregistrée) de ses spectacles de danse, où je me trouvais également sur scène en tant que performeur. La musique, ou en tout cas sa mise en scène, m’a entraîné vers la performance. Il est vrai qu’aujourd’hui j’aborde sans doute la composition musicale sous l’angle d’un questionnement en tant que performeur. Pour La Chambre d’Isabella, Hans Petter Dahl et moi-même étions d’abord des compositeurs plutôt que des musiciens. Nous usons principalement d’instrumentaux enregistrés et de bandes électroniques sur lesquels nous chantons en live en tant que performeurs et/ou personnages du spectacle. La Chambre d’Isabella, c’était une prise de position pop de Jan Lauwers. Au lieu de reprendre des chansons, nous avons écrit nous-mêmes des morceaux de type feel good avec les paroles prévues par Jan Lauwers dès la création de son récit. Depuis, nous nous obstinons à travailler ensemble, ce qui se traduit par un indispensable questionnement personnel. C’est de là que naît le défi de formuler d’autres réponses à chaque projet et donc de penser en termes d’envie ou d’inclination. Je me souviens que pendant les premières années, et cela nous arrive encore aujourd’hui, nous parlions beaucoup de l’autonomisation des différents médias dans le théâtre. Mais je fais peut-être exactement l’inverse aujourd’hui. Écrire docilement du matériel qui ne doit pas se revendiquer, parce que cela lui ferait perdre son objectif ou sa raison d’être. Afin que le théâtre puisse rester une question de performance et d’êtres humains. BH: Tu donnes à la musique une existence très « iconoclaste », dans la mesure où tu joues avec tous les codes et toutes les limites du son, de la rythmique, du bruit, avec, on le sent pourtant, un très grand respect pour la composition, l’architecture d’un parcours musical. Est-ce la scène performative qui te pousse à cela, ou ta manière particulière d’aborder la musique qui te pousse à la scène sur un mode performatif, au-delà de l’interprétation? MS: Les deux. Il y a une différence entre la matière et le format de présentation. La musique reste de la musique, qu’on la case dans la catégorie «performance» ou dans la catégorie «musique». Mais la recherche et surtout l’attrait pour la teneur «matérielle» de la musique et du bruit vous portent forcément vers d’autres médias ou d’autres circuits que le cadre conventionnel. Par ailleurs, l’obsession et la croyance envers la puissance récitative de la musique vous ramènent parfois à une présentation ou une écoute conventionnelle. Parce qu’elle n’a besoin de rien d’autre. Ceci illustre cela. Et c’est ainsi que l’on part parfois d’un côté et parfois de l’autre. En ce qui concerne la musique performative: mettre de la musique en scène concerne la «parole». À un moment donné, j’ai pris conscience d’un clivage entre la musique visant à camoufler l’embarras des acteurs et celle qui l’autorisait. J’ai alors commencé à trouver intéressant de composer de la musique qui permettrait l’embarras des acteurs. Cette perspective m’aide parfois à faire des choix déterminés. C’est l’un des moyens dont la musique et l’art entrent dans le champ politique et sociétal. L’art peut parfois paraître inoffensif et innocent; on peut tout écrire ou tout peindre. Mais on ne le fait pas. On fait des choix. Il en découle une lecture, une direction; on trouve des adeptes ou des détracteurs. Des points de vue. Personnellement, je suis un adepte des gens qui jouent (de la musique). L’aspect embarrassant provient de l’immaturité de notre capacité de perception. Il faut pouvoir regarder au-delà. L’inoffensivité de la musique et de sa consommation ou la façon dont l’indistinct côtoie le charme du divertissement, voilà pourquoi je suis allé chercher du côté du théâtre. Avec la conviction qu’il s’agit d’une page blanche où l’on peut rechercher un autre contenu, peut-être plus parlant, mais où tout, y compris la musique, est utilisable en tant que matière, en tant que langage, tel qu’on y aspire ou que l’on s’en sert. BH: Dans tes productions personnelles, la matière musicale devient plastique. Elle prend corps, elle est un paramètre total de l’espace scénique et engage un rapport physique entre les performeurs, bien sûr, mais aussi avec le public. Comment génères-tu cette densité, cette matérialisation presque du son? MS: Je travaille exclusivement la musique comme un texte. Parce que la musique est une forme. Dans mes représentations, il y a une évolution allant de l’abstrait (la musicalité) au concret (l’humain). Telle est ma quête. Dire quelque chose de l’Homme en interprétant de la musique. Jouer une note jusqu’à ce qu’elle ne se raconte plus elle-même, mais révèle l’acteur. Je lutte sans cesse contre le contenu littéral. Je ne veux pas en entendre parler. Et en même temps, je ne veux pas céder à la grâce du formel. C’est, je pense, la raison pour laquelle je casse systématiquement la forme en mille morceaux, de sorte que, finalement, le contenu puisse s’exprimer à travers tous ces fragments, qui sont plus nuancés et moins pathétiques que le contenu qui s’exprimerait sans cette recherche formelle. Il y a tant de choses à dire. Et nous avons les mots pour le faire. Alors, quand on choisit malgré tout de ne pas tout dire avec ces mots, il en ressort une énorme densité de la matière que l’on travaille. Le choix ou le fait accompli de travailler exclusivement et obsessionnellement avec de la musique reflète aussi certainement ma vérité sociétale. Ma propre évolution, d’une part, et mon observation de la race humaine, d’autre part, ont…