Auteur de Contes naïfs
Jean Muno (1924-1988) est une sorte de passager clandestin des lettres belges, dont il est pourtant l’un des représentants les plus significatifs. Son œuvre, insolite par ses thèmes autant que par ses formes, révèle un tempérament singulier, qui rompt en visière avec les usages, affirme son irréductible originalité en se voulant faussement rassurante, alors qu’elle est tranquillement subversive.
Né d’un couple de gens de lettres (son père, Constant Burniaux, était un auteur réputé ; sa mère, Jeanne Taillieu,écrivait elle aussi), il s’avance à son tour en littérature, adoptant un pseudonyme discret, presque anonyme, emprunté à un village où il passait ses vacances enfantines. Une suite de proses s’élabore ainsi, qui le font approcher du fantastique à pas mesurés, mais avec une force qui ne cesse pour autant de croître.
Il n’est pas indifférent qu’il débute à l’âge de trente ans par une manière de sotie, Saint-Bedon. Suivent des récits où la composante étrange s’affirme davantage, avant qu’il ne publie L’Île des pas perdus, texte important quoique méconnu (dont on trouve ici la première réédition) où l’on mesure avec émotion combien les thèmes rendus familiers de L’Homme qui s’efface ou Le Joker révèlent leur matrice dans le récit faussement réaliste d’une villégiature rassurante au premier regard, mais que des angoisses et des hantises viennent troubler.
Ripple-marks, élément central de la triade réunie ici, est un livre clé et à clés, très remarqué à sa sortie en 1976, qui va puissamment imposer son auteur dans le paysage littéraire. Un humour féroce s’y fait jour, que l’on va retrouver huit ans plus tard dans Histoire exécrable d’un héros brabançon, grand jeu de massacre qui fut salué comme le couronnement de l’œuvre. Cet ensemble-boîte à surprises recèle enfin un « conte de Noël » qui est en fait, une fois encore, un trompe-l’oeil. Les Petits Pingouins, qui en sont les protagonistes, sont bien entendu, comme tout l’univers de Muno, à multiples fonds.