Congo Inc. – un continent – mis en coupe déréglée

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Le jury du prix des Bibliothèques de la Ville de Bruxelles a récemment couronné Congo Inc., un roman impétueux de l’écrivain belgo-congolais In Koli Jean Bofane. Un choix judicieux pour un livre qui avait déjà reçu le prix Métis et allait également se voir récompensé du prix des Cinq Continents (jury présidé par J.-M. G. Le Clézio) et du prix Transfuge. Une pluie d’honneurs, une reconnaissance bien méritée pour un talent singulier.

Le jury du prix des Bibliothèques de la Ville de Bruxelles a récemment couronné Congo Inc., un roman impétueux de l’écrivain belgo-congolais In Koli Jean Bofane. Un choix judicieux pour un livre qui avait déjà reçu le prix Métis et allait également se voir récompensé du prix des Cinq Continents…



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Le prix Albert Ier. Un prix littéraire français réservé aux Belges [Histoire]

Le 17 février 1934 , une vague d’émotion traversa l’Europe: le Roi Chevalier, Albert Ier, était mort dans un accident d’alpinisme à Marches-les-Dames. Les hommages se multiplièrent et, parmi eux, un prix littéraire fut créé à Paris. L’initiative en vint d’une maison d’édition, Grasset. Celle-ci avait en effet perçu l’intérêt d’exploiter à la fois l’émotion engendrée par ce décès inattendu et la force symbolique de l’image internationale du souverain. Les journaux belges annoncèrent, dès le mois de mars, que l’éditeur avait commandé une biographie du roi à Louis-Dumont Wilden (Albert Ier, Roi des Belges), biographie qui parut en juillet 1934. Au mois de mai 1935, Grasset publia un ouvrage de taille plus modeste, Vie et mort d’Albert Ier de Pierre Daye. À l’occasion de cette parution, l’éditeur annonça le lancement d’un « Grand prix annuel de littérature » doté de 14.000 francs belges. Ce prix Albert Ier serait réservé exclusivement aux écrivains belges et serait arbitré par un « jury composé d’une série d’écrivains de choix ». * La révélation des noms des membres du jury joua un rôle essentiel dans la publicité du prix et la presse belge, manifestement flattée, ne cessa de les répéter. Louis Barthou, ministre des affaires étrangères français et membre de l’Académie française, était annoncé comme Président du jury. L’Académie était aussi représentée par François Mauriac et Paul Valéry. Pol Neveux de l’Académie Goncourt y siégeait ainsi que des écrivains prestigieux comme Paul Claudel, Colette, Georges Duhamel, Louis Gillet, Jean Giraudoux, Daniel Halévy, André Maurois et Edmond Jaloux. À la mort de Louis Barthou, qui fut assassiné en octobre 1934, Gaston Doumergue le remplaça à la présidence. La Belgique se sentit également honorée d’apprendre que le prix serait remis dans la dernière semaine de novembre, c’est-à-dire durant la période-clé de l’année littéraire, au milieu des grands prix d’automne, juste une semaine avant le Goncourt. Pour le monde littéraire belge, ce nouveau prix ouvrait la possibilité aux écrivains, mais aussi aux éditeurs nationaux de recevoir plus facilement une reconnaissance au-delà de la frontière et de percer sur le marché français. Cette tête de pont de la littérature belge à Paris apparaissait d’autant plus nécessaire que, comme le dit l’un des éditorialistes du Soir, les grands prix littéraires d’automne « sont réservés, pour la plupart, à des Français XX ». Cette idée que les Belges sont exclus des compétitions littéraires parisiennes les plus prestigieuses, comme le Femina, le Renaudot et le Goncourt, est alors largement partagée et la raison d’être du prix Albert Ier semble être de corriger ce manque. Or, rien dans le règlement du Goncourt n’a jamais empêché les écrivains étrangers d’être candidats et, le cas échéant, de remporter le prix. Cependant, il semble que, parce qu’aucun Belge n’avait jamais remporté un grand prix littéraire français, le monde littéraire belge s’était persuadé qu’une telle victoire était impossible. Cet état de fait était accepté sans remise en cause ni indignation particulière. Les Belges se contentaient qu’une petite cage leur soit réservée dans le grand zoo des prix littéraires de l’automne parisien. Seules quelques voix divergentes se firent entendre, comme celle de Paul Prist dans L’indépendance belge XX , qui s’inquiéta de voir les écrivains belges marginalisés. A posteriori, on comprend en effet qu’un tel prix risquait de consacrer le problème qu’il prétendait résoudre. Puisque les auteurs belges auraient une compétition qui leur serait réservée, les jurys des autres prix risqueraient d’être moins enclins à les mettre dans leur sélection et l’ouvrage du lauréat n’aurait aucune chance de recevoir le Goncourt une semaine plus tard. L’annonce de ce prix suscita pourtant l’enthousiasme dans la presse belge comme dans la presse française, qui salua la « généreuse initiative » de Bernard Grasset. Plus de quatre-vingts ouvrages furent reçus par le jury. Au terme des délibérations, Robert Vivier l’emporta, pour deux de ses romans : Folle qui s’ennuie et Non. « Pour un écrivain belge, il n’est qu’une consécration, celle des grands confrères français », déclara le lauréat XX . * Si le prix Albert Ier est aujourd’hui totalement oublié, cette victoire eut un grand retentissement dans les médias et Robert Vivier fut reçu au palais par Léopold III. Pendant plusieurs années, chaque fois que son nom fut cité, le prix Albert Ier y fut accolé. Après cette première édition couronnée de succès, le prix Albert Ier en connut une seconde. Très vite, la mécanique du prix sembla se gripper. Dès le mois de mars, le jury annonça que les livres reçus en 1934 seraient de nouveaux candidats pour 1935 – ce qui est étrange pour un prix annuel. Au début du mois de novembre, à quelques semaines de la date de remise théorique, il fut communiqué que le jury allait intégrer des écrivains belges – Maurice Maeterlinck, Franz Hellens et Maurice Wilmotte –, tandis que Paul Claudel et Gaston Doumergue le quittaient. Le prix ne fut finalement remis qu’avec un important retard, en février 1936. Il récompensa Le voyage aux Îles Galapagos d’Éric de Haulleville et, si le prix reçut de nouveau une belle couverture médiatique, plusieurs journalistes laissèrent entendre que son sort était probablement scellé. Comment expliquer cette subite désaffection envers le prix Albert Ier ?  Pour les Français, cette compétition présentait l’intérêt de découvrir une autre littérature et de nouveaux auteurs. À la deuxième édition, cet exotisme avait disparu. En outre, le prix perdit sa spécificité lorsque des écrivains belges entrèrent dans le jury. Il n’était alors plus cette compétition dans laquelle des écrivains français de renom, supposés neutres par rapport aux amitiés, aux querelles et aux questions belgo-belges, viendraient départager des écrivains belges et permettre à l’un d’entre eux de monter à Paris. On dit aussi que Bernard Grasset, qui revenait à la tête de sa maison d’édition, n’avait jamais réellement aimé cette idée d’un prix fondé sur la nationalité. Surtout, en 1936, les Belges s’apprêtaient à sortir de leur petite cage pour entrer dans la grande arène du Goncourt. Avec la polémique autour de Mariages de Charles Plisnier, qui occupa la fin de l’année 1936 et toute l’année 1937 *  XX , il devint clair que les Belges ne voulaient plus se contenter d’une compétition séparée. © François-Xavier Lavenne, revue Le Carnet et les Instants, n° 205, 1er trim. 2020 *   Voir web: F.-X. Lavenne « Le Premier Prix Goncourt belge a 80 ans», Le Carnet et les Instants, 1er trim. 2018,  prix Goncourt 1937 attribué conjointement à Mariages et à Faux Passeports de Charles Plisnier.  Richard Dupierreux, « Amitié française et Lettres de Belgique », dans Le soir, 1er décembre 1934, p. 1. Paul Prist, « À propos du prix Albert », dans L’indépendance belge, 4 juillet 1934, p. 6. Propos rapportés notamment dans Comoedia, 30 novembre 1934, p. 1. Pour l'attribution du prix Goncourt 1937 conjointement à Mariages et à Faux Passeports par Charles Plisnier, voir F.-X. Lavenne « Le premier prix Goncourt belge a 80 ans», Le Carnet et les Instants…

Être juré du Prix Goncourt. Une responsabilité devant l’Histoire

François-Xavier Lavenne – Avant de devenir journaliste, homme de Lettres et membre du jury du plus prestigieux des prix littéraires, vous intéressiez-vous aux prix? Jouaient-ils un rôle dans vos choix de lecteur? Pierre Assouline – Oui, ça m’intéressait parce que l’histoire littéraire m’intéresse et, notamment, depuis que j’avais écrit la biographie de Gaston Gallimard – donc, ça fait trente-cinq ans à peu près. Pour cette biographie, j’avais fait beaucoup de recherches d’histoire littéraire et les prix y avaient leur importance. Mon intérêt s’est manifesté à partir de là d’une manière systématique et historique alors que, jusque-là, je m’y intéressais comme n’importe quel lecteur et amateur de littérature. En un peu plus d’un siècle, les prix ont acquis une grande place dans la vie et l’histoire littéraires. Quelle vision avez-vous de leur évolution et de leur rôle? Il n’y a pas réellement d’évolution des prix classiques parce que leur importance, leur statut, leur impact ont tout de suite été énormes sur le plan intellectuel et commercial. Cela n’a pas changé. Ce qui a évolué, c’est qu’il y a eu de plus en plus de prix qui sont venus s’ajouter à ceux de l’automne. En France, il y a deux mille prix littéraires, il ne faut pas l’oublier. Il n’y a pas une ville qui n’ait pas son prix littéraire, pas un salon du livre qui n’en ait pas! En plus, il y a des prix littéraires décernés par des médias, comme France Inter, RTL, France Télévision, le magazine Elle… C’est aussi le cas du Soir à Bruxelles avec le Prix Rossel. Ces prix de médias ont pris beaucoup d’importance parce que le jury est différent et parce que leur récompense est un soutien médiatique qui a un impact sur le public. Ces prix se sont imposés à côté des prix classiques. Il y a donc eu une diversification et une multiplication formidable des prix. Pour parler des quatre grands prix, les choses n’ont pas beaucoup changé. Je ne peux parler que du Goncourt, mais les autres ont très peu évolué. Si l’on parle du Goncourt, on remarque que l’Académie Goncourt s’est féminisée – et encore, ce n’est que trois femmes sur dix. Avant, il n’y en avait pas ou seulement la présidente, Colette. Il y a eu aussi Françoise Mallet-Joris, Edmonde Charles-Roux… Ce n’était pas beaucoup! Outre la féminisation, il y a eu le souci d’assurer l’indépendance du prix. Il faut dire que, jamais dans son histoire, le Goncourt n’a été aussi indépendant. Il y a quelques années, sept ou huit ans, le règlement a été réformé sous l’impulsion de Bernard Pivot, qui n’était pas président à l’époque, d’Edmonde Charles-Roux et de Françoise Chandernagor, notamment. Ce changement implique que, quand un membre du jury atteint quatre-vingts ans, il est automatiquement admis à l’honorariat. Il ne peut donc plus voter, ce qui est une bonne chose. En outre, il est interdit d’avoir un poste salarié dans une maison d’édition et cela, c’est une révolution, parce qu’il y a eu beaucoup d’abus par le passé à cause de cette situation. Le Prix Goncourt est un prix qui a une histoire et un rituel inscrits dans l’imaginaire collectif. Quels sont les souvenirs que vous gardez de votre entrée dans l’Académie et de votre première délibération chez Drouant? C’est particulier parce que les nouveaux jurés sont impressionnés par le lieu, par le prestige… C’est nouveau pour eux. Or, moi, qui suis journaliste littéraire depuis trente ans, je vais chez Drouant pour la remise du prix depuis très longtemps. Évidemment, je n’assistais pas à la délibération, mais j’étais là, chaque année, avec tous les autres journalistes pour avoir des informations, donc j’étais familier de l’endroit et c’était moins impressionnant pour moi sur ce plan-là. Ce qui m’a frappé lorsque j’ai été élu, c’est l’extraordinaire compagnonnage entre les Dix, le sens de l’amitié, la rigolade, le côté bon vivant. C’est important, cette vie de l’Académie. Dès que je suis arrivé, Bernard Pivot m’a dit: «La règle ici, c’est que tout le monde se tutoie!» J’avais voussoyé avec Bernard Pivot durant trente ans quand nous travaillions ensemble. Cet esprit de franche camaraderie est très agréable. L’autre chose qui m’a surpris est que j’avais toujours entendu dire que les prix étaient attribués des mois à l’avance à travers des combinaisons d’éditeurs… Ça a pu être vrai par le passé, bien sûr, mais depuis que j’y suis – et ça va faire ma sixième année – je peux certifier que ce n’est absolument pas le cas. Déjà, il n’y a pas d’accord entre nous. Nous avons des sensibilités, des opinions, des goûts très, très différents. Cette année encore, et même l’année précédente, on s’est engueulés! On s’engueule très amicalement, mais aussi très fermement, avec passion, sur des livres, sur des auteurs. Chaque fois que j’ai participé à une délibération, donc depuis six ans, le nom du lauréat s’est décidé cinq minutes avant qu’il ne soit proclamé publiquement! C’est toujours sur le fil, à une voix souvent! Ces histoires de Goncourts attribués à l’avance, même avant l’été, toutes ces légendes, c’est du bla-bla. Je peux témoigner que la lutte se fait jusqu’à la dernière seconde et qu’elle est sanglante! La troisième chose qui m’a frappé, c’est le travail. Être membre du jury du Goncourt est une activité bénévole, mais ça prend beaucoup de temps. On ne s’y consacre pas seulement tout l’été, mais toute l’année parce qu’on remet cinq prix, qu’on parraine les Goncourt étrangers, qu’on se réunit tous les mois, qu’on est invités en groupe dans beaucoup de salons, de festivals pour défendre des causes… Je ne dirais pas que c’est un full time job, mais c’est un vrai travail qui prend beaucoup de temps et qui est passionnant. Comment s’organise le travail pour faire la présélection? Tout le monde lit-il les mêmes livres? C’est très simple: on reçoit tous les livres, chacun lit ce qu’il veut et on s’écrit pendant l’été, parce que l’été est le seul moment de l’année où on ne déjeune pas ensemble à cause des vacances. Donc on s’écrit régulièrement, tout au long de l’été, pour se dire ce que l’on pense de tel ou tel livre. Au moment où je vous parle (ndlr: août 2018), je viens à nouveau de lire le plus grand nombre possible de livres de la rentrée littéraire et les neuf autres membres de l’Académie ont fait de même. Il y a des livres qu’on lit tous et d’autres que personne ne lit. Quand nous nous retrouverons en septembre, tout le terrain sera bien déblayé grâce à ces échanges. Le Prix Goncourt est un prix qui a une histoire. Cela implique-t-il une responsabilité particulière? Est-ce que vous ressentez le poids de ce devoir de laisser un palmarès qui va résister au temps et qui doit, en quelque sorte, écrire l’histoire de la littérature d’aujourd’hui? Oui, tout à fait. Il y a pour les jurés la conscience d’une responsabilité particulière. Avant de parler de l’histoire, il faut avoir à l’esprit, quand on est dans le jury du Goncourt, que beaucoup de gens qui achètent un livre par an achètent le Goncourt, et que beaucoup de gens qui offrent un livre par an pour Noël choisissent le Goncourt. On ne peut donc pas leur recommander n’importe quoi. Donc, il y a une vraie responsabilité vis-à-vis du public et des libraires. Ensuite, il y a un autre niveau de responsabilité qui est la responsabilité devant l’Histoire. En tant que membre de l’Académie Goncourt, on s’inscrit dans une continuité, on est les héritiers d’une histoire qu’on le veuille ou non. Dans cette histoire, il y a bien sûr des choses dont on est fiers et d’autres dont on est moins fiers, mais il faut assumer l’ensemble. Chacun a la conscience de s’inscrire dans cette lignée, d’être responsable par rapport à ce passé et par rapport…

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