Congo Inc. – un continent – mis en coupe déréglée

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Le jury du prix des Bibliothèques de la Ville de Bruxelles a récemment couronné Congo Inc., un roman impétueux de l’écrivain belgo-congolais In Koli Jean Bofane. Un choix judicieux pour un livre qui avait déjà reçu le prix Métis et allait également se voir récompensé du prix des Cinq Continents (jury présidé par J.-M. G. Le Clézio) et du prix Transfuge. Une pluie d’honneurs, une reconnaissance bien méritée pour un talent singulier.

Le jury du prix des Bibliothèques de la Ville de Bruxelles a récemment couronné Congo Inc., un roman impétueux de l’écrivain belgo-congolais In Koli Jean Bofane. Un choix judicieux pour un livre qui avait déjà reçu le prix Métis et allait également se voir récompensé du prix des Cinq Continents…



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Georges Simenon et Jean Cocteau, une amitié jouant à cache-cache

Personne n’ignore que Georges Simenon , presque toute son existence durant, est resté en marge des milieux littéraires et même, d’une manière plus générale, des milieux qualifiés d’intellectuels, bien que quelques-uns de ses amis s’appellent Marcel Achard, Marcel Pagnol, Jean Renoir, Francis Carco, Maurice Garçon, Henry Miller ou encore, après le XIIIe festival de Cannes dont il a été le président du jury en 1960, Federico Fellini. Personne n’ignore non plus qu’en raison de cette attitude, sans doute prise à contrecœur mais de plein gré, l’institution littéraire a mis de longues années avant de se pencher sérieusement sur l’œuvre immense de l’écrivain liégeois. Avec les multiples manifestations commémorant en 2003 le centenaire de sa naissance, la parution de nombreux ouvrages critiques et biographiques ainsi que l’édition de vingt et un de ses romans dans deux copieux volumes de la « Bibliothèque de la Pléiade », ce temps n’est plus – et tout se passe désormais comme si Simenon était un classique primordial de la littérature du XXe siècle. À cet égard, le consensus dont il fait aujourd’hui l’objet dans les médias est des plus révélateurs. Il y a quelques années encore, il aurait été inimaginable. Je viens de mentionner Marcel Achard, Marcel Pagnol, Jean Renoir, Francis Carco, Maurice Garçon, Henry Miller et Federico Fellini parmi les relations les plus célèbres de Simenon, je devrais ajouter Jean Cocteau. Les deux hommes se sont connus au début des années 1920, après que Simenon s’est installé en France avec sa jeune femme, Régine Renchon. Dans sa dictée Vent du nord, vent du sud (1976), Simenon consacre quelques pages à la vie parisienne de l’époque et, en particulier, à Montparnasse en train de devenir « le centre du monde » avec, précise-t-il, « ses artistes venus des quatre coins d’Europe et même des États-Unis ». Il y est question, pêle-mêle, de la mode à la garçonne 1 , sur le modèle du best-seller de Victor Margueritte, du charleston, du black-bottom, du fox-trot, de gigolos professionnels, du Café du Dôme, de La Boule blanche, de La Coupole « qui était alors aussi peu bourgeois que possible 2 », du Jockey « où l’on pouvait à peine remuer les jambes tant on était pressés les uns contre les autres »... « Le cabaret le plus moderne, rapporte Simenon, s’appelait Le Bœuf sur le toit et on y rencontrait Cocteau avec son inséparable Radiguet 3 ... » Que le futur auteur des Maigret ait fait la connaissance du futur cinéaste du Sang d’un poète dans le Paris insoucieux des années 1920 et, selon toute probabilité, dans ce fameux cabaret immortalisé par l’entraînante musique de Darius Milhaud, rue Boissy-d’Anglas, cela semble une certitude. Il paraît assez improbable en revanche que Simenon y ait rencontré Cocteau en compagnie de Radiguet, vu que ce dernier est mort en décembre 1923 et qu’en 1923, justement, Simenon se trouvait le plus souvent à Paray-le-Frésil dans l’Allier, exerçant les fonctions de secrétaire auprès du marquis Raymond d’Estutt de Tracy, riche propriétaire, entre autres, de maisons et de châteaux, de vignobles et du journal nivernais Paris-Centre. En réalité, ce n’est qu’à partir de mars 1924 que les Simenon vont bel et bien se mêler de près à la vie parisienne – lui, le petit Sim, se mettant à écrire sans relâche des contes légers et des romans populaires sous une quinzaine de pseudonymes ; elle Régine, affectueusement surnommée Tigy, n’arrêtant pas de dessiner, de peindre et de fréquenter le milieu des artistes, à Montmartre et à Montparnasse : Kisling, Foujita, Soutine, Vlaminck, Colin, Derain, Vertès, Van Dongen, les dadaïstes puis les premiers surréalistes... Le Georges Simenon d’alors n’a pas grand-chose à voir avec l’homme comblé et fortuné dont l’image s’est répandue dans le grand public après la Seconde Guerre mondiale (et que Simenon lui-même, sans conteste, a contribué à répandre), rien à voir avec le gentleman farmer comme retranché dans les campagnes du Connecticut, le châtelain d’Échandens sur les hauteurs de Lausanne, le maître de la forteresse d’Épalinges, le romancier de langue française le plus traduit sur les cinq continents et le plus choyé par les cinéastes 4 . C’est une sorte de bellâtre de vingt et un ans à peine, un tantinet hâbleur, bravache et frivole – et comme au Café du Dôme, à La Boule blanche ou, sur la rive droite, au Bœuf sur le toit, on ne sait trop à quoi il occupe ses journées ni comment il parvient à subvenir à ses besoins, on ne voit en lui que le beau chevalier servant de Madame Tigy, artiste peintre 5 ... Il suffit du reste d’examiner les différentes photos réalisées à l’époque pour s’en convaincre : sur la plupart d’entre elles, Simenon est tout sourire, l’air de n’avoir aucun état d’âme ou l’air de fomenter un innocent canular. Autant dire que ce Simenon-là est le type même du mondain. Si ce n’est, pour utiliser une expression plus prosaïque, le type même du joyeux fêtard. Tigy en est parfaitement consciente et quand, en octobre ou en novembre 1925, son bonhomme de mari et l’ardente, l’impétueuse, Joséphine Baker s’éprennent l’un de l’autre, elle ne peut hélas que se résigner. Et voilà donc qu’entre lui et Cocteau se nouent des relations amicales – et elles sont d’autant plus franches que Cocteau adore, lui aussi, les mondanités et se comporte très volontiers, au cours de ces années 1920, comme un prince frivole. Et de là à ce que ses écrits soient de la même manière taxés de frivoles... « La frivolité caractérise toute son œuvre, remarque ainsi le toujours pertinent Pascal Pia, dans un article sur les débuts du poète. Même quand il se donne des airs de gravité, même quand il se prétend abîmé de douleur, ses accents restent ceux d’un enfant gâté, qui agace plus qu’il n’apitoie. On ne saurait l’imaginer en proie à un chagrin dont il eût négligé la mise en scène 6 . » Dans ses livres autobiographiques – un gigantesque corpus de vingt-cinq volumes –, Simenon cite une quinzaine de fois le nom de Cocteau. Ce n’est pas rien, quoique l’écrivain français récoltant le plus de références directes soit André Gide avec lequel, on le sait, Simenon a longtemps correspondu mais qui n’a jamais été un de ses amis, au sens où on entend d’ordinaire ce terme 7 . À quelques exceptions près, les évocations de Cocteau sont toutes fort anecdotiques et, en général, assez convenues et des plus aimables, notamment pour dire qu’ils se voyaient fréquemment à Cannes, au bar du Carlton ou ailleurs, à l’époque des festivals, quand ils séjournaient tous les deux à la Côte d’Azur, Simenon après son retour des États-Unis, en 1955, et Cocteau chez Francine et Alec Weisweiller (villa Santo-Sospir à Saint-Jean-Cap-Ferrat 8 ). C’est du genre « mon vieil ami » – une formule qui revient souvent dans sa bouche et à laquelle il a pareillement recours presque toutes les fois qu’il parle par exemple de Fellini, de Pagnol ou encore de Chaplin. Voire de n’importe quel illustre personnage. Mais, entre deux observations anodines ou entre deux menus propos à bâtons rompus, on relève de loin en loin des phrases qui ne manquent pas d’intérêt. Dans La Main dans la main (1978), Simenon constate ainsi à quel point certains hommes célèbres racontent toujours les mêmes histoires avec, dit-il, « la même intonation de voix » et « les mêmes gestes ». Et après avoir fait allusion à Sacha Guitry répétant « à l’infini » plus ou moins les mêmes blagues à ses interlocuteurs, il enchaîne sur cette confidence, un peu dans le registre de la remarque piquante de Pascal Pia : « Un autre, dont je crois que je peux parler aussi et que j’ai connu pendant de longues années, qui passait pour un enfant espiègle lançant des feux d’artifice, Jean Cocteau, m’avouait qu’avant d’aller dans le monde, comme on disait…

Le prix Albert Ier. Un prix littéraire français réservé aux Belges [Histoire]

Le 17 février 1934 , une vague d’émotion traversa l’Europe: le Roi Chevalier, Albert Ier, était mort dans un accident d’alpinisme à Marches-les-Dames. Les hommages se multiplièrent et, parmi eux, un prix littéraire fut créé à Paris. L’initiative en vint d’une maison d’édition, Grasset. Celle-ci avait en effet perçu l’intérêt d’exploiter à la fois l’émotion engendrée par ce décès inattendu et la force symbolique de l’image internationale du souverain. Les journaux belges annoncèrent, dès le mois de mars, que l’éditeur avait commandé une biographie du roi à Louis-Dumont Wilden (Albert Ier, Roi des Belges), biographie qui parut en juillet 1934. Au mois de mai 1935, Grasset publia un ouvrage de taille plus modeste, Vie et mort d’Albert Ier de Pierre Daye. À l’occasion de cette parution, l’éditeur annonça le lancement d’un « Grand prix annuel de littérature » doté de 14.000 francs belges. Ce prix Albert Ier serait réservé exclusivement aux écrivains belges et serait arbitré par un « jury composé d’une série d’écrivains de choix ». * La révélation des noms des membres du jury joua un rôle essentiel dans la publicité du prix et la presse belge, manifestement flattée, ne cessa de les répéter. Louis Barthou, ministre des affaires étrangères français et membre de l’Académie française, était annoncé comme Président du jury. L’Académie était aussi représentée par François Mauriac et Paul Valéry. Pol Neveux de l’Académie Goncourt y siégeait ainsi que des écrivains prestigieux comme Paul Claudel, Colette, Georges Duhamel, Louis Gillet, Jean Giraudoux, Daniel Halévy, André Maurois et Edmond Jaloux. À la mort de Louis Barthou, qui fut assassiné en octobre 1934, Gaston Doumergue le remplaça à la présidence. La Belgique se sentit également honorée d’apprendre que le prix serait remis dans la dernière semaine de novembre, c’est-à-dire durant la période-clé de l’année littéraire, au milieu des grands prix d’automne, juste une semaine avant le Goncourt. Pour le monde littéraire belge, ce nouveau prix ouvrait la possibilité aux écrivains, mais aussi aux éditeurs nationaux de recevoir plus facilement une reconnaissance au-delà de la frontière et de percer sur le marché français. Cette tête de pont de la littérature belge à Paris apparaissait d’autant plus nécessaire que, comme le dit l’un des éditorialistes du Soir, les grands prix littéraires d’automne « sont réservés, pour la plupart, à des Français XX ». Cette idée que les Belges sont exclus des compétitions littéraires parisiennes les plus prestigieuses, comme le Femina, le Renaudot et le Goncourt, est alors largement partagée et la raison d’être du prix Albert Ier semble être de corriger ce manque. Or, rien dans le règlement du Goncourt n’a jamais empêché les écrivains étrangers d’être candidats et, le cas échéant, de remporter le prix. Cependant, il semble que, parce qu’aucun Belge n’avait jamais remporté un grand prix littéraire français, le monde littéraire belge s’était persuadé qu’une telle victoire était impossible. Cet état de fait était accepté sans remise en cause ni indignation particulière. Les Belges se contentaient qu’une petite cage leur soit réservée dans le grand zoo des prix littéraires de l’automne parisien. Seules quelques voix divergentes se firent entendre, comme celle de Paul Prist dans L’indépendance belge XX , qui s’inquiéta de voir les écrivains belges marginalisés. A posteriori, on comprend en effet qu’un tel prix risquait de consacrer le problème qu’il prétendait résoudre. Puisque les auteurs belges auraient une compétition qui leur serait réservée, les jurys des autres prix risqueraient d’être moins enclins à les mettre dans leur sélection et l’ouvrage du lauréat n’aurait aucune chance de recevoir le Goncourt une semaine plus tard. L’annonce de ce prix suscita pourtant l’enthousiasme dans la presse belge comme dans la presse française, qui salua la « généreuse initiative » de Bernard Grasset. Plus de quatre-vingts ouvrages furent reçus par le jury. Au terme des délibérations, Robert Vivier l’emporta, pour deux de ses romans : Folle qui s’ennuie et Non. « Pour un écrivain belge, il n’est qu’une consécration, celle des grands confrères français », déclara le lauréat XX . * Si le prix Albert Ier est aujourd’hui totalement oublié, cette victoire eut un grand retentissement dans les médias et Robert Vivier fut reçu au palais par Léopold III. Pendant plusieurs années, chaque fois que son nom fut cité, le prix Albert Ier y fut accolé. Après cette première édition couronnée de succès, le prix Albert Ier en connut une seconde. Très vite, la mécanique du prix sembla se gripper. Dès le mois de mars, le jury annonça que les livres reçus en 1934 seraient de nouveaux candidats pour 1935 – ce qui est étrange pour un prix annuel. Au début du mois de novembre, à quelques semaines de la date de remise théorique, il fut communiqué que le jury allait intégrer des écrivains belges – Maurice Maeterlinck, Franz Hellens et Maurice Wilmotte –, tandis que Paul Claudel et Gaston Doumergue le quittaient. Le prix ne fut finalement remis qu’avec un important retard, en février 1936. Il récompensa Le voyage aux Îles Galapagos d’Éric de Haulleville et, si le prix reçut de nouveau une belle couverture médiatique, plusieurs journalistes laissèrent entendre que son sort était probablement scellé. Comment expliquer cette subite désaffection envers le prix Albert Ier ?  Pour les Français, cette compétition présentait l’intérêt de découvrir une autre littérature et de nouveaux auteurs. À la deuxième édition, cet exotisme avait disparu. En outre, le prix perdit sa spécificité lorsque des écrivains belges entrèrent dans le jury. Il n’était alors plus cette compétition dans laquelle des écrivains français de renom, supposés neutres par rapport aux amitiés, aux querelles et aux questions belgo-belges, viendraient départager des écrivains belges et permettre à l’un d’entre eux de monter à Paris. On dit aussi que Bernard Grasset, qui revenait à la tête de sa maison d’édition, n’avait jamais réellement aimé cette idée d’un prix fondé sur la nationalité. Surtout, en 1936, les Belges s’apprêtaient à sortir de leur petite cage pour entrer dans la grande arène du Goncourt. Avec la polémique autour de Mariages de Charles Plisnier, qui occupa la fin de l’année 1936 et toute l’année 1937 *  XX , il devint clair que les Belges ne voulaient plus se contenter d’une compétition séparée. © François-Xavier Lavenne, revue Le Carnet et les Instants, n° 205, 1er trim. 2020 *   Voir web: F.-X. Lavenne « Le Premier Prix Goncourt belge a 80 ans», Le Carnet et les Instants, 1er trim. 2018,  prix Goncourt 1937 attribué conjointement à Mariages et à Faux Passeports de Charles Plisnier.  Richard Dupierreux, « Amitié française et Lettres de Belgique », dans Le soir, 1er décembre 1934, p. 1. Paul Prist, « À propos du prix Albert », dans L’indépendance belge, 4 juillet 1934, p. 6. Propos rapportés notamment dans Comoedia, 30 novembre 1934, p. 1. Pour l'attribution du prix Goncourt 1937 conjointement à Mariages et à Faux Passeports par Charles Plisnier, voir F.-X. Lavenne « Le premier prix Goncourt belge a 80 ans», Le Carnet et les Instants…

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