Aux Pays du Fleuve et des Grands Lacs. Tome I.

RÉSUMÉ

Extrait de ‘L´Arbre blanc dans la Forêt noire’ publié en anthologie.

   lire la suite sur   Bela
À PROPOS DES AUTEURS
Georges Sion

Auteur de Aux Pays du Fleuve et des Grands Lacs. Tome I.

Georges Sion naît à Binche, le 7 décembre 1913. Des études de droit, à l'Université de Louvain, ne le distraient pas longtemps de ses deux passions, la musique et l'écriture, auxquelles il se livre dès son plus jeune âge, s'exerçant notamment dans des publications étudiantes au journalisme, qui le mobilisera toute sa vie. Mais le choc décisif de sa carrière est la rencontre qu'il fait, durant l'occupation, du comédien Claude Étienne, qui s'apprête à fonder une nouvelle compagnie théâtrale. Ce dernier compte entamer ses activités avec une pièce de Corneille. Il a l'occasion de lire le manuscrit d'un jeune homme appelé Georges Sion, et décide aussitôt qu'il a trouvé là le texte inaugural de son activité. Il crée, en mars 1943, au Palais des Beaux-Arts à Bruxelles, La Matrone d'Éphèse, et donne par la même occasion le coup d'envoi de sa compagnie, le Rideau de Bruxelles : le texte de Sion est donc intimement associé aux origines mêmes de la plus prestigieuse des troupes belges francophones, dont il put fêter le 50e anniversaire, quelques mois seulement après la mort de son fondateur. La Matrone d'Éphèse est une comédie douce-amère, très brillante par le style, dont l'argument, emprunté à La Fontaine notamment, permet à Sion, dans un dialogue étincelant, de ciseler quelques personnages dont les faiblesses sont dessinées avec une acuité bienveillante. Élégance de l'expression, ironie sous-jacente, conception optimiste quoique lucide de l'homme et de ses contradictions : un ton est donné, qui passe d'abord, et très naturellement par le théâtre, mais trouvera bien d'autres exutoires. Sion est appelé, en tant qu'auteur de théâtre, à être l'un des premiers représentants d'une dramaturgie que l'on qualifiera de néo-classique par le traitement limpide et intelligent de ses thèmes, par la clarté maîtrisée de sa langue. On retrouve la même alacrité que celle de La Matrone d'Éphèse dans d'autres comédies, comme La Princesse de Chine ou La Malle de Paméla, où l'on perçoit l'incidence de l'un de ses musiciens de prédilection, Mozart. Mais d'autres pièces abordent des registres plus graves, comme son drame historique Charles le Téméraire ou, surtout, Le Voyageur de Forceloup (1951), souvent considéré comme son chef-d'œuvre, qui traite de la prise en charge du mal et de la rédemption, avec une rigueur, une simplicité et une hauteur de vue qui en fait un des sommets du théâtre métaphysique contemporain. L'activité théâtrale de Sion ne se limite pas, loin s'en faut, à la composition de pièces originales. Il adapte de nombreuses œuvres du répertoire étranger, anglo-saxon notamment, et met ainsi son talent au service de Shakespeare (Antoine et Cléopâtre, Le Songe d'une nuit d'été) ou d'auteurs contemporains (Un homme pour toutes les saisons, de Robert Bolt, pièce avec laquelle le Théâtre National entame son installation dans ses nouveaux locaux de la place Rogier en 1961). Il est également un critique dramatique érudit et enthousiaste (au journal La Lanterne, par exemple). Il enseigne l'histoire du théâtre au Conservatoire de Mons, puis de Bruxelles. Il est durant de nombreuses années président du centre belge de l'Institut international du théâtre, ce qui lui permet d'être à l'écoute de l'activité des scènes internationales. Quoiqu'il ait, en contribuant à fonder le Conseil national de l'art dramatique, fortement marqué le soutien officiel au théâtre en Belgique francophone, et qu'il n'ait cessé, durant de longues années, d'exercer une action très dynamique de conseiller et d'instigateur en matière de politique culturelle, à l'état naissant, il ne faudrait pas limiter l'apport de Sion au seul secteur théâtral. Chroniqueur et conteur intarissable, il publie quelques ouvrages qui rendent compte de ses voyages et de ses découvertes, qui témoignent d'une justesse de perception, d'analyse et d'une curiosité jamais prise en défaut : Voyage aux quatre coins du Congo (1951), Puisque chacun a son Amérique (1956), Six villes, une Europe (1967). Mais il y aurait à glaner, dans son immense production journalistique (en quotidiens, notamment au Soir, où il publie des critiques littéraires depuis 1971, en hebdomadaires, comme le Vrai et le Pourquoi pas?, ou en revues, en particulier la Revue générale (dont il est l'un des directeurs), la matière de nombreux et abondants recueils. C'est que la culture, le sens de la synthèse, la finesse et la rapidité de jugement de Sion sont exceptionnels. Qu'il parle de musique, d'opéra, de théâtre, de littérature du passé ou du présent, mais aussi d'histoire ou des questions générales, sa démarche intellectuelle se caractérise par l'ouverture, la tolérance, le scrupule intellectuel, nourris par un humanisme et une élévation de pensée également vigilants. Ce sont là aussi les qualités qui n'ont cessé de faire de lui, au fil des années, un conférencier brillant autant que généreux de ses efforts. Homme de contact, épris de dialogue et d'échange, Sion est toujours très apprécié, pour ses avis, dans les conseils et les jurys. L'Académie Goncourt a fait tout naturellement de lui son membre belge, tout comme il exerce la présidence de la section francophone belge du Pen Club. Mais c'est au sein de l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, où il a été élu le 13 janvier 1962, qu'il a pu le mieux faire la preuve de ses talents d'animateur, surtout lorsqu'il en a été le secrétaire perpétuel de 1972 à 1988. Il a été fait baron en 1989. Cet homme affable autant qu'exigeant, d'abord à l'égard de lui-même, épris de culture dans ce qu'elle peut avoir de plus éclairant, soucieux de préserver l'héritage autant que d'encourager les nouvelles formes, est, depuis ses débuts dans la vie artistique, l'une des consciences les plus avisées et les plus écoutées de son pays.
Georges Simenon

Auteur de Aux Pays du Fleuve et des Grands Lacs. Tome I.

Georges Simenon naît le 13 février 1903 à Liège, dans le quartier populaire d'Outremeuse, dont il a retracé la vie et l'ambiance dans le roman autobiographique Pedigree (1948). Son père est comptable dans une compagnie d'assurances; sa mère, Henriette Brüll, loue des chambres à des étudiants étrangers, notamment slaves, qui ont inspiré les personnages d'apatrides que l'on retrouvera fréquemment dans les romans. En 1918, Simenon interrompt ses études secondaires au Collège Saint-Servais; il est alors engagé à La Gazette de Liège, où il s'exerce au journalisme, passant du fait divers à la chronique politique ou d'humeur, tout en fréquentant la bohème liégeoise (qui lui inspirera Le Pendu de Saint-Pholien). En 1922, à la mort de son père, il part tenter sa chance à Paris, avec Régine Renchon (surnommée Tigy), qu'il épousera l'année suivante. D'abord secrétaire du marquis de Tracy, il écrit bientôt des récits grivois pour des revues légères, publie des contes dans les journaux et des romans populaires sous différents pseudonymes (Georges Sim, Jean du Perry Christian Brulls, etc.) chez Ferenczi, Tallandier et Fayard. C'est chez ce dernier éditeur qu'il fait paraître en 1931 Piotr-le-Letton, premier roman de la série des Maigret, qu'il signe de son nom véritable. Le succès est immédiat et durable; Simenon mène alors à Paris une vie mondaine brillante et fastueuse (il noue une relation avec Joséphine Baker, lance les Maigret par un bal anthropométrique qui attire le Tout-Paris), qu'il entrecoupe de voyages en péniche à travers la France et la Hollande. En 1934, il quitte Fayard pour Gallimard et abandonne provisoirement la série des Maigret, qui comptait dix-neuf volumes, pour passer à un nouveau type de romans, dits de la destinée, dont l'aspect policier s'efface pour céder la place à une intrigue plus existentielle (Les Fiançailles de Monsieur Hire, Le Coup de lune, Le Bourgmestre de Furnes). Parallèlement, Simenon négocie des droits de traduction ou d'adaptation cinématographique (Duvivier, Renoir, Carné, Verneuil, Melville, Tavernier entre autres l'adapteront) qui lui assureront des revenus importants. Dès cette époque, le personnage de Simenon fascine, notamment le comte de Keyserling ou André Gide, qui sera son plus fidèle soutien chez Gallimard et avec qui il entretiendra une correspondance suivie. La guerre ne change guère la vie de Simenon. Des ennuis de santé le poussent à écrire une première version de Pedigree pour son fils Marc, né en 1939. À la Libération, la suspicion régnante l'incite à s'installer en Amérique du Nord, au Québec d'abord (où il rencontre sa seconde femme, Denyse Ouimet, dont il aura trois enfants), puis à Lakeville dans le Connecticut, où il séjournera jusqu'en 1955. Il se lie également en 1945 avec Nielsen, le jeune éditeur des Presses de la Cité, qui lui propose un contrat exceptionnellement avantageux. De cette période datent Trois chambres à Manhattan, inspiré de sa rencontre avec Denyse, La Neige était sale ou L'Horloger d'Everton. En 1955, Simenon retourne en Europe et s'installe, définitivement cette fois, en Suisse, d'abord dans le château d'Échandens, puis dans la luxueuse propriété d'Épalinges. En 1972, il décide d'arrêter d'écrire. Mais la rupture violente avec Denyse et le suicide de sa fille Marie Jo l'amènent à revenir à l'écriture par l'autobiographie (Lettre à ma mère, Mémoires intimes) ou les fameuses dictées. En 1977, il fait don de ses archives à l'Université de Liège. Il meurt 1e 4 septembre 1989, à Lausanne, dans 1a petite maison qu'il occupait avec sa compagne Teresa. Une véritable légende s'est constituée autour du personnage de Simenon, qui a lui-même entretenu son image en sacrifiant avec complaisance aux pratiques du vedettariat et en menant une vie souvent tapageuse. Ce qui fascine chez lui, c'est sans conteste une forme de pléthore généralisée et fanfaronne, qu'il s'agisse des femmes ou de l'écriture. Sur ce dernier point précisément, l'écrivain ne fut pas avare de confidences et l'on connaît bien le rituel qui était le sien (le plan noté sur de grandes enveloppes jaunes, le calendrier strict de la rédaction, qui s'effectuait dans une véritable transe…). D'ailleurs, malgré sa quantité (plus de deux cents romans signés de son nom), la production de Georges Simenon reste foncièrement homogène : elle revisite sans cesse les mêmes thèmes obsessionnels, avec une sensibilité très stable et un style qui a peu varié. Le romancier se distingue notamment par la description qu'il propose de la vie plate, du quotidien monotone des petites gens, auxquels allait naturellement sa sympathie; il en résulte cette fameuse atmosphère simenonienne, qu'on invoque toujours sans la définir. Mais on découvre aussi chez lui une très grande attention à la déviance, à la marginalité ou au déracinement, qui sont des thèmes centraux de son œuvre. Et quoique le personnage qui lui assura la célébrité, Maigret, incarne au plus haut point la solidité et l'équilibre, il apparaît finalement que l'œuvre de Simenon est hantée par le fantasme de la rupture avec le conformisme petit-bourgeois, le désir d'une dérive que l'auteur a lui-même appelée le passage de la ligne. L'élection de Georges Simenon à l'Académie royale de langue et de littérature françaises le 10 septembre 1951 a consacré l'écrivain belge le plus lu, le plus traduit et le plus adapté dans le monde; mais elle a surtout honoré un romancier à la réputation ambiguë : son œuvre suscita souvent l'admiration (Gide déclara qu'«il était le plus grand peut-être et [le] plus vraiment romancier que nous ayions eu en littérature française aujourd'hui», il fut l'ami de Chaplin et de Miller), mais l'ampleur de cette œuvre et surtout son étiquette populaire lui barrèrent longtemps l'accès à une légitimité pleine et entière.
Jacques-Gérard Linze

Auteur de Aux Pays du Fleuve et des Grands Lacs. Tome I.

Jacques-Gérard Linze naît à Liège le 10 septembre 1925, dans un milieu propice à l'écriture. Son père est commerçant, mais aussi journaliste et chroniqueur d'histoire locale. Le futur écrivain est le neveu du poète, romancier et critique Georges Linze, chez lequel l'enfant passe de longs après-midi pour y découvrir les livres de la bibliothèque. Tout en effectuant ses études, il s'initie très jeune au piano. À l'Université de Liège, il suit les cours de philosophie et lettres et devient rédacteur en chef du mensuel des étudiants catholiques de l'institution. Mais ses convictions personnelles l'en éloignent rapidement. Il découvre le jazz avec passion, se produit en public et exerce ses talents pour l'armée américaine à la fin de la seconde guerre mondiale. Devenu docteur en droit, Jacques-Gérard Linze est avocat de 1949 à 1952. Cette année-là, il part pour le Congo belge et travaille dans une société commerciale à Léopoldville. En 1953, il revient au pays et occupe des fonctions juridiques et administratives dans différentes entreprises. Il écrit des poèmes et des nouvelles, publiés en revues, ainsi que deux pièces de théâtre, qui resteront inédites. De 1956 à 1969, il s'occupe de publicité. En 1959, il se marie. Un premier recueil de poèmes, Confidentiel, voit le jour en 1960. Il sera suivi en 1963 d'une plaquette intitulée Trois tombeaux, dédiés à Supervielle, à Cendrars et à Apollinaire. Le thème de la destinée y tient une place essentielle, qui se retrouvera dans des textes à tirage limité, dédiés à Gustav Mahler, les poignants Cinq poèmes pour la mort, parus en 1974, la même année que Passé midi. Mais le poète ne se manifeste qu'à intervalles irréguliers : dix années ont séparé les premiers recueils des publications suivantes. Il faudra attendre quinze ans pour que de nouveaux poèmes paraissent, en 1988, Terre ouverte, suivi de Graffiti, en 1991 et d'Au bord du monde en 1994. Dans le domaine lyrique, Linze a produit une œuvre peu abondante. L'ensemble comporte moins de trois cents pages, et l'on ne peut que le regretter. Le message transmis s'attache au mystère fondamental de l'homme. L'attitude face à la mort prend un aspect de révélations intimes qui dévoilent une sensibilité profonde à la souffrance existentielle et à l'incommunicabilité. Si la sensualité est toujours présente dans les objets et les êtres, la tendresse l'est aussi et confère à cette poésie déchirée un message d'espoir sans cesse renouvelé. De 1963 à 1969, Jacques-Gérard Linze est professeur de rédaction à l'École de publicité de Bruxelles. De 1969 à 1986, il occupe dans une multinationale la fonction de directeur de la publicité et des relations publiques. Il fait paraître deux essais en 1972, puis en 1974. Mieux connaître Constant Burniaux résume en un peu plus de cent pages l'apport de l'auteur de La Bêtise à notre littérature nationale (Linze a été un ami très proche du fils de Constant Burniaux, le regretté Jean Muno). Dans Humanisme et judaïsme chez David Scheinert, il souligne l'importance de la production d'un écrivain écorché par la vie, marqué par sa condition historique et par sa révolte devant la cruauté du destin. Si Jacques-Gérard Linze a publié des récits et des nouvelles dans diverses revues, notamment dans la Revue générale, et fourni à ces mêmes publications des collaborations dans les genres littéraires les plus divers, ce sont les huit romans parus à ce jour qui lui ont permis de donner sa pleine mesure. En 1962, Par le sable et par le feu inaugure une série de cinq volumes qui vont voir le jour en six ans. Ce premier texte, à l'écriture traditionnelle, contraste avec ceux qui vont suivre. La mémoire et l'élément féminin qui seront au premier plan des préoccupations de l'écrivain sont peu présents ici, alors que le thème de la solidarité demeure. Dès La Conquête de Prague, en 1965, c'est précisément le souvenir et la femme aimée, disparue dans des circonstances tragiques, qui sont au centre du débat. Quant à l'écriture, elle tend à rompre avec les schémas classiques pour éclater comme un puzzle qui devrait se reconstituer de lui-même, comme chez certains écrivains anglo-saxons, dont Linze avoue l'influence. Le Nouveau Roman exerce aussi une vive influence et marquera ses écrits. Désormais la mort est en toile de fond, comme dans la poésie. Le Fruit de cendre, en 1966, et L'Étang-cœur, un an plus tard, accentuent cet univers de fatalité quotidienne dans laquelle s'enlisent des personnages en proie à des énigmes qui les dépassent, mais auxquelles ils doivent impérativement faire face dans une sorte de rêve éveillé. Après La Fabulation, en 1968, Linze va entrer dans un silence romanesque de près de quatorze années. Dans cet ouvrage, le narrateur tente sans succès de découvrir les motifs d'un décès qui remonte à huit ans. Ici se situe la logique et la cohérence de l'œuvre de Linze : la recherche n'aboutit jamais qu'à elle-même. Quand il publie Au nord d'ailleurs, en 1982, manière et matière se retrouvent : le héros est un être qui ne peut aller qu'à la recherche de lui-même, de façon obsessionnelle. Une nouvelle attente de dix ans sépare ce roman du Moment d'inertie, en 1993, et de La Trinité Harmelin, en 1994. De l'anti-héros brossé dans le premier aux réminiscences de l'ancien Congo où l'action du second est située, dans un contexte de sensualité exacerbée, Linze accentue l'atmosphère de huis clos. Il confirme ainsi de livre en livre un climat où la conclusion tragique de la vie est omniprésente, et la valeur d'une œuvre qui s'inscrit parmi les plus importantes de notre époque. Jacques-Gérard Linze est mort le 11 mai 1997. Il avait été élu à l'Académie royale de langue et de littérature françaises le 14 février 1987.
Marie Gevers

Autrice de Aux Pays du Fleuve et des Grands Lacs. Tome I.

C'est à Edegem, près d'Anvers, au bord de l'Escaut, que Marie Gevers voit le jour le 30 décembre 1883, dans le domaine de Missembourg, vaste paradis de verdure devenu mythique dans l'histoire de notre littérature. Marie est la dernière enfant d'une famille dans laquelle cinq frères l'ont précédée. Son père est retiré des affaires (il a fait prospérer la raffinerie paternelle), il s'adonne à la météorologie, à la chasse et à la lecture. L'enfant n'ira jamais à l'école, excepté pour suivre les cours de catéchisme, qui se donnent en flamand. Elle reçoit des cours particuliers de sa mère qui l'initie à l'histoire, à la géographie et à la littérature. Les dictées quotidiennes tirées du Télémaque de Fénelon servent à l'apprentissage de la langue française; un instituteur est chargé des leçons de calcul. Le domaine de Missembourg, sa grande maison, son étang (la présence de l'eau dans son œuvre est un thème fréquent), son jardin bercent le cadre d'une enfance émerveillée. Marie est passionnée de lecture; à l'âge de cinq ans, elle découvre la poésie de Lamartine grâce à son frère Charles. Elle dévore tous les ouvrages qui lui tombent sous la main, de la comtesse de Ségur à l'astronomie, des récits du Magasin pittoresque à la botanique, de Montaigne à Maeterlinck, dont les Serres chaudes la plongent avec ravissement dans l'atmosphère feutrée d'une poésie ouverte au mystère et au rêve. En 1900, elle tombe gravement malade (une fièvre typhoïde). Après une longue convalescence, elle effectue son premier séjour à l'étranger : la descente du Rhin. Marie Gevers écrit des vers, rencontre Verhaeren, qui l'encourage et la conseille; elle fait de nombreux séjours dans la demeure du poète à Saint-Cloud. En 1904, elle fait la connaissance de Frans Willems qui, après des études de droit, travaille à Anvers dans une lustrerie. Elle l'épouse en 1907 et le couple s'installe à Missembourg. Trois enfants naîtront de cette union; parmi eux, le futur écrivain Paul Willems. La jeune femme s'adonne à l'écriture et après quelques pièces lyriques parues dans Durendal, cinq poèmes, Chansons pour mon merveilleux petit enfant, sont publiés par le Mercure de France en 1913. Pendant la première guerre mondiale, son mari est appelé dans un service sanitaire en Angleterre; la séparation est douloureuse. Grâce à l'aide de Max Elskamp auquel elle rend visite régulièrement à Anvers et qui l'introduit chez son propre éditeur, elle publie son premier recueil de poèmes, orné d'un bois d'Elskamp. Il porte tout naturellement le titre de Missembourg (1917). Avant son décès accidentel, Verhaeren avait lu ces textes et les avaient appréciés. Pour rendre compte de l'œuvre de Marie Gevers, deux approches sont possibles. L'une, chronologique, se révèle aride pour une lecture qui doit avant tout être sensible; la seconde doit tenir compte des thèmes fondamentaux qui traversent un monde où l'éblouissement face à la nature et aux êtres est constant. Marie Gevers est une femme dont l'instinct est de vivre en harmonie avec elle-même et avec la vie. Bien qu'elle n'ait presque jamais quitté Missembourg, en dehors de quelques voyages au Ruanda et au Congo belge pour rendre visite à sa fille – elle racontera ses impressions dans Des mille collines aux neuf volcans (1953) et dans Plaisir des parallèles (1958) –, elle est en connivence avec le temps et avec l'espace. Elle s'efforcera toujours de transcender sa vérité personnelle pour aller à la rencontre des Paravérités (titre d'un ouvrage paru en 1968) qui donnent accès à l'onirisme ou à l'intimité des objets et des hommes. L'harmonie et la sérénité qui se dégagent de sa production sont à l'image de sa personnalité, accueillante et généreuse. Une grande part autobiographique est décelable dans les livres de Marie Gevers. Épouse et mère, elle se voue entièrement à sa famille. Pour les poèmes d'Antoinette dédiés à sa fille (1925), elle reçoit le prix Eugène Schmitz de l'Académie. Mais la poésie la tente de moins en moins. Elle a près de quarante ans lorsqu'elle publie son premier recueil de récits traversés de souvenirs d'enfance, Ceux qui reviennent (1922); elle approche de la cinquantaine quand parait son premier roman, La Comtesse des digues (1931), dans lequel elle exalte l'Escaut et son amour de l'eau. Introduite dans les réunions littéraires, Marie Gevers fascine par ses qualités de cœur. Avant la première guerre mondiale, elle écrit Madame Orpha ou la Sérénade de mai (1933), où elle raconte les sensations d'une petite fille qui découvre la nature, Guldentop, histoire d'un fantôme (Prix populiste 1934), roman qui retouche les récits de 1922 et met en évidence le cycle des saisons, Plaisir des météores (1938), qui amplifie le même thème. Elle collabore à plusieurs journaux et revues, elle traduit des ouvrages flamands avec l'aide de son mari. La seconde guerre mondiale est une période douloureuse pour Marie Gevers : l'un de ses fils, médecin, est tué dans le bombardement de Malines en 1944; quelques mois plus tard, en janvier 1945, Frans Willems meurt. C'est toutefois pendant les hostilités qu'elle publie Paix sur les champs (1941), ouvrage qui dévoile un autre aspect de son œuvre, déjà esquissé dans La Ligne de vie (1937); elle se penche ici sur les paysans de la Campine dans un récit plein de passions contrastées, dont les héros sont si proches de la terre qu'ils font corps avec elle. Le reste de l'existence de Marie Gevers est voué à Missembourg, aux siens et à l'écriture. Elle publie régulièrement. Ses livres sont centrés sur des intérêts sans cesse renouvelés : l'enfance, la perte des êtres proches, l'amour, l'eau, le rythme des saisons, les plantes et les fleurs. De Château de l'Ouest (1948) à Vie et mort d'un étang (1961), considéré comme son chef-d'œuvre – il contient à lui seul tous les thèmes qui lui sont chers – comme dans Parabotanique (1964), son inspiration oscille entre sa poésie intime et celle qu'elle rencontre dans tous les moments de la vie. Le Prix quinquennal de littérature lui est octroyé en 1960. Comblée d'honneurs, respectée de tous, elle meurt dans son sommeil le 9 mars 1975. Elle avait été élue à l'Académie le 9 avril 1938.
Edmond Picard

Auteur de Aux Pays du Fleuve et des Grands Lacs. Tome I.

Edmond Picard est un jurisconsulte et  écrivain belge, né à Bruxelles  le 15 décembre 1836  et mort à Dave le 19 févier 1924.  Il fut le fondateur en 1881 du Journal des Tribunaux et des Pandectes belges. Avocat à la cour d’appel de Bruxelles et à la Cour de Cassation  il fut bâtonnier, professeur de droit, écrivain, dramaturge, sénateur socialiste, journaliste et mécène. Il fut aussi un influent théoricien de l'antisémitisme. C'est un socialiste de la première heure, avant la création du parti ouvrier belge. Il se range parmi les libéraux progressistes. Il se prononce rapidement pour l'adoption du suffrage universel pur et simple en Belgique. Il fit partie de la franc-maçonnerie.

AVIS D'UTILISATEURS

FIRST:xfirstword - "Aux Pays du Fleuve et des Grands Lacs. Tome I."
stdClass Object ( [audiences] => [domains] => )

Ceci pourrait également vous intéresser...

Le malade et le médecin

Toute la difficulté et l’ambiguïté actuelles des relations médecin-patient s’articulent…

Poésies

Une anthologie des poèmes de Norge, éditée et préfacée par Lorand Gaspar.