Alternatives théâtrales - 132 - juin 2017 - Lettres persanes et scènes d'Iran | Objectif plumes

Alternatives théâtrales - 132 - juin 2017 - Lettres persanes et scènes d'Iran

Sommaire

  • Editorial : Si loin, si proches
    Sylvie Martin-Lahmani
  • Politique culturelle et arts de la scène en Iran
    Entretien avec Payman Shariati, directeur du Théâtre de la Ville de Téhéran
    Sylvie Martin-Lahmani
  • La France et l’Iran, une passion commune pour le théâtre, Entretien avec François Sénémaud, ambassadeur de France à Téhéran,
    Sylvie Martin-Lahmani
  • La Conférence des oiseaux, de l’épopée d’Attar au spectacle de Peter Brook
    Georges Banu
  • La vie et le théâtre s’entremêlent dans l’existence
    Entretien avec Asghar Farhâdi
    Fernand Denis

    Le théâtre en Iran : un passé persan et une présence permanente
    Yassaman Khajehi

  • Le rou howzi et le personnage du Noir
    Davoud Fathalibeigi
  • Théâtre de marionnettes en Iran
    Yassaman Khajehi
  • Le renoncement éclairé des violentés.
    Réflexion esthétique sur la scène iranienne (2009-2013)
    Leyli Daryoush
  • Prémices d’un renouveau du théâtre iranien
    Jean-Pierre-Thibaudat
  • La vitalité du théâtre universitaire à Téhéran
    Fahimeh Najmi
  • Littérature dramatique iranienne : focus sur cinq auteurs vivants
    Rafigh Nosrati
  • Les codes de la représentation dans le théâtre iranien et le spectateur occidental :
    entente ou malentendu ? Entretien avec Farzan Sojoodi
    Mohammadamin Zamani
  • Éclosion des théâtres privés à Téhéran aujourd’hui
    Amin Azimi 

    Cahier critique

  • « Regarder dans les yeux de celui qui regarde son monde s’effondrer » :
    sur Ivanov d’Amir Rezâ Koohestâni 
    Mohammadamin Zamani
  • Regards croisés, voix entrelacées
    À propos de Hearing d’Amir Rezâ Koohestâni
    Joëlle Chambon
  • Du sous-sol au toit
    À propos de From the Basement to the Roof de Mahin Sadri et Afsâneh Mâhian
    Laurence Van Goethem
  • Danse en Iran : une position doublement critique
    Alix de Morant
  • Il était une femme qui rêvait d’être un homme…
    sur base d’un entretien avec Sâmân Arastou
    Leyli Daryoush
  • Sachli Gholamalizad ou la rage des origines
    Christian Jade
  • Veille de noces
    À propos de Le Papillon, écrit et mis en scène par Hossein Tavâzonizâdeh
    Sylvie Martin-Lahmani
  •  Voir aussi sur le blog d’Alternatives théâtrales, des extraits de textes publiés en ligne entre janvier et mars 2017   voir web 
  •  À propos de Vol n° 745 de Marjan PourgholâmHossein
    et Nuage rose de Hassan Majouni
    Sylvie Martin-Lahmani

     
    Alternatives théâtrales
    n°132 , juin 2017, revue des arts de la scène 
    80 pages – 15 euros 
    ISBN 978-2-87-428105-1

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Le tandem de Cuistax. Rencontre avec Fanny Dreyer et Chloé Perarnau

En janvier 2013 apparait sur les tables de librairies bruxelloises un étonnant fanzine pour enfants. Imprimé en bleu et rouge, le Cuistax numéro zéro débarque comme « une boite de chocolats de Noël qui arrive en retard » XX , c’est-à-dire comme une délicieuse surprise au creux de l’hiver. Onze auteures/illustratrices bruxelloises y racontent des histoires de chaussettes, proposent un tour de magie, un zoo à découper, expliquent la recette du cougnou ou tracent un ciel polaire à colorier. Depuis ce numéro inaugural, deux Cuistax paraissent chaque année. Ce joyeux magazine, ludique et graphiquement audacieux, tient grâce à la volonté de ses deux fondatrices, Fanny Dreyer et Chloé Perarnau, ainsi qu’à l’enthousiasme d’artistes qu’elles côtoient. Comme sur les voiturettes bien connues des digues belges, ils sont nombreux à pédaler pour faire avancer Cuistax. Nous avons rencontré le tandem dynamique qui le coordonne. Origine d’un collectif Fanny Dreyer et Chloé Perarnau font partie d’une génération prolifique de jeunes illustrateurs bruxellois, aussi motivés que talentueux. Lorsqu’elles sortent de l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, elles nourrissent l’envie de créer une publication et développent l’idée d’un fanzine pour faire « autre chose » que ce qu’elles vont créer pour le monde de l’édition, pour « gérer un projet de A à Z, pour ne pas être dépendant d’un éditeur » XX . À ce désir d’indépendance, de faire ce qu’elles veulent et comme elles le veulent, s’ajoute celui de s’entourer d’artistes, de travailler collectivement plutôt qu’individuellement. C’est la proposition d’une exposition à la Maison des Cultures de Saint-Gilles qui les aide à concrétiser ce projet en leur donnant l’occasion de fédérer un groupe et de publier ensemble. Elles organisent alors une première réunion, afin de rassembler ceux qui sont prêts à s’associer à cette publication alternative. Le collectif Cuistax est né. Petit à petit, celui-ci s’élargit, au gré des sollicitations et propositions, de la part d’auteurs comme de la part de Cuistax. De rencontres en découvertes, le groupe évolue. Certains ne participent qu’à l’un ou l’autre numéro, d’autres sont présents à tous les niveaux, depuis le début. Un véritable noyau dur s’est formé : Anne Brugni, Sarah Cheveau, Loïc Gaume, Nina Cosco, Adrien Herda, Sophie Daxhelet, Caterine Pellin, Isabelle Haymoz, Jina Choi, Bi-Hua Yang, Jasper Thys, Liesbeth Feys et la graphiste Myriam Dousse. Autant de talents pour qui Cuistax est l’occasion de faire « autrement », avec parfois plus de liberté, ce qu’ils aiment, tout en développant des projets individuels, en tant qu’auteurs de livres pour enfants ou en publiant dans la presse. Cette publication indépendante et atypique leur offre un espace de création unique en son genre. Ainsi, Chloé Perarnau et Fanny Dreyer ont à leur actif de très beaux albums jeunesse : la première a illustré sept livres pour enfants, dont Il y a belle lurette au Seuil et L’orchestre aux éditions L’agrume, tandis que la seconde a publié six albums dont Moi, canard chez Cambourakis et La poya à la Joie de lire. D’autres acteurs de Cuistax sont des auteurs publiés : Sophie Daxhelet, Anne Brugni ou encore Loïc Gaume. L’aspect collectif donne à chacun l’élan nécessaire pour élaborer le fanzine. « Ce qui est super avec Cuistax, c’est de défendre un projet que nous sommes plusieurs à porter. C’est alors beaucoup plus facile d’y croire, parce qu’on n’est pas seule face à ses doutes. » Les membres de cette association de passionnés travaillent tous bénévolement pour Cuistax. Mais les avantages par rapport aux magazines classiques en valent la chandelle : indépendance éditoriale, pas de censure, une belle liberté graphique. « Notre seule limite, c’est la compréhension. » Les illustrateurs ont une liberté presque totale. Pas de comité pédagogique ou de psychiatre pour leur dire ce que les enfants doivent voir ou lire. Ici, on sort des cadres prescrits, on propose des images qui sortent des sentiers battus, on donne à voir autre chose aux enfants. En route / op weg met Cuistax Chaque Cuistax est axé sur un thème, décliné selon les histoires et rubriques du magazine. Il s’agit d’un sujet parfois saisonnier (Été indien), parfois tout autre selon l’inspiration du moment ou le couple de couleurs choisies en amont (En route, consacré aux moyens de transport). Une fois le thème choisi, les différentes rubriques se répartissent entre auteurs. « On essaie de garder un équilibre entre les histoires, les jeux et les bricolages. On aime que l’enfant puisse découper, colorier, puis qu’il y ait aussi une part pour la narration et de belles images », nous dit Fanny Dreyer. Le lecteur est invité à s’approprier l’objet. Chaque numéro propose un poster et un petit cadeau ludique, comme un sticker, des graines à faire pousser, un attrape-rêve à réaliser, un masque à découper, des tatouages… Ce petit plus fait pleinement partie de l’esprit du projet. Certaines rubriques se retrouvent de numéro en numéro, avec parfois un/e illustrateur/trice qui y est attaché/e. Ainsi, « Caterine Pellin a commencé dans le numéro zéro avec Lucius, son petit loup. Depuis, il revient régulièrement. » Sophie Daxhelet a installé de numéro en numéro sa rubrique magie, farce et attrape. D’autres rubriques récurrentes sont la recette de cuisine, l’interview, le jeu des sept erreurs, ainsi que de petites histoires sur deux ou quatre pages. En fonction du thème, Chloé Perarnau et Fanny Dreyer choisissent l’illustrateur qui réalisera la couverture et le poster. Les deux fondatrices passent un temps tel à toutes les étapes de la réalisation qu’il leur en reste peu pour contribuer au contenu de Cuistax. Elles disent se réserver de « petites choses ». Dernièrement, elles se sont accordé le plaisir de créer, ensemble, le poster de Dedans / dehors – Binnen / buiten, le numéro paru au printemps 2017. L’identité belge fait pleinement partie du projet éditorial initial de Cuistax. Le nom du fanzine a été bien évidemment choisi en tant qu’emblème de belgitude. C’est aussi pour cette raison que les deux langues s’imposent dès le départ : Cuistax est entièrement bilingue, adressé tant aux petits francophones qu’aux néerlandophones. Si les deux fondatrices et les différents auteurs sont loin d’être tous originaires du plat pays (Fanny Dreyer est suisse et Chloé Perarnau française), ils ont tous un lien avec Bruxelles. En ce qui concerne sa teneur, le fanzine comprend toujours une rubrique ou une interview en lien avec la capitale. La rubrique Un enfant et Bruxelles interroge un petit Bruxellois sur sa ville au quotidien. Alice, cinq ans, propose que les gens décorent leurs voitures avec des autocollants pour améliorer les routes tandis qu’Émilion, huit ans, explique qu’il ne peut pas faire de roller sur son trottoir parce qu’il est cabossé mais que l’herbe qui pousse entre les pavés, c’est rigolo. Le numéro 8, Dedans/dehors – Binnen/buiten, nous raconte la visite d’un botaniste martien au Parc Josaphat : c’est l’occasion pour Charline Colette et Myriam Raccah d’inviter les petits Bruxellois à observer leur environnement par le biais d’une histoire documentée. Collaborations et projets parallèles Au fur et à mesure des numéros, le fanzine bilingue et bicolore a gagné en reconnaissance et en notoriété et suscite intérêt et enthousiasme. Il donne à ses illustrateurs une visibilité certaine, grâce aux nombreux salons de microédition, autant de laboratoires de l’image, auxquels Cuistax est régulièrement convié. Ses deux fondatrices s’y nourrissent de rencontres et influences. Espace d’expression pour de jeunes illustrateurs pour qui il s’agit parfois d’une première publication, le magazine est également devenu le lieu de collaborations diverses. Ainsi, c’est le collectif qui a réalisé Le…

Le parti de l’étranger. L’Image du «réfugié» dans la littérature néerlandophone d’aujourd’hui

[Traduit du néerlandais par Christian Marcipont.] Le sort du réfugié est devenu un thème de la littérature contemporaine, y compris des lettres de langue néerlandaise. quels sont les auteurs qui, dans les plats pays, ont eu le courage d’aborder le thème du réfugié, montrant chacun à leur manière que la littérature peut apporter une plus-value parce qu’elle sait observer ce sujet sensible sous une multitude d’angles différents? * De nos jours , il est un thème – avec le climat et le terrorisme – qui domine et détermine l’actualité: celui de la migration. C’est surtout depuis les années 1990, qui voient le déclenchement de la guerre civile en ex-Yougoslavie, que la question des « réfugiés » en Europe est devenue un sujet aux nombreuses implications éthiques, politiques et sociales, et que les brasiers en Syrie et au Moyen-Orient ont rendu plus prégnant encore. Il est devenu l’enjeu de campagnes électorales virulentes et est aujourd’hui instrumentalisé comme jamais auparavant par les politiques, et cela sur le dos de groupes de population qui ne se doutent pourtant de rien. C’est aussi une question qui attise la rhétorique belliqueuse des populistes européens. Que cette problématique ne soit pas sans influencer la culture et la littérature contemporaines, c’est là une quasi-évidence. La question s’est toutefois déjà posée à maintes reprises: le réfugié est-il devenu le cache-misère idéal pour l’artiste qui cherche à s’avancer armé de son engagement? Et, mutatis mutandis, cela vaut-il également pour le monde des lettres? S’agit-il d’un passage obligé, d’une thématique « prémâchée »? Toujours est-il qu’à l’heure actuelle les romans et récits dont les protagonistes sont des réfugiés s’accumulent. Nombre d’écrivains traitent dans leurs livres des motivations des migrants et plus particulièrement des réfugiés, des demandeurs d’asile et des sans-papiers. Ils racontent les obstacles à surmonter dans la quête d’une vie meilleure. Chose on ne peut plus logique si l’on considère que ce n’est pas d’hier que les écrivains observent les soubresauts du monde. Le sujet est au cœur de l’actualité et, de surcroît, ces dernières années les catastrophes se sont succédé sans relâche. Cependant, les écrivains ont parfaitement compris qu’il ne leur était pas permis de se jeter tête baissée dans la littérature pamphlétaire. Mieux vaut se tenir à quelque distance des versatilités de l’opinion. On ne peut sortir de son chapeau un « récit de réfugiés », sauf à espérer marquer un point par le biais du journalisme ou de l’essai. Il y a peu, par exemple, Valeria Luiselli a braqué les projecteurs sur les enfants mexicains qui traversent la frontière entre le Mexique et les États-Unis dans son livre de non-fiction Raconte-moi la fin, récit des expériences qu’elle a vécues comme interprète. Mais, récemment aussi, la même Valeria Luiselli leur a consacré un roman, Archives des enfants perdus, où elle raconte les vicissitudes d’une famille à la dérive, dans le contexte de la crise des réfugiés à la frontière du Mexique et des États-Unis. Or, les choses se présentent différemment dans un roman, qui est régi par d’autres règles: « Les récits qui trouvent leur origine dans la réalité nécessitent une plus longue période d’incubation s’ils veulent se transformer en fiction, beaucoup d’eau doit couler sous le pont avant que l’on atteigne la juste mesure », déclarait à ce propos l’auteur néerlandais Tommy Wieringa dans une interview accordée au quotidien flamand De Standaard. Si l’on considère la situation d’un point de vue international, on constate que les ouvrages dont les réfugiés occupent la première place suffiraient à remplir une bibliothèque entière. Dans le genre, Le Grand Quoi de Dave Eggers représente incontestablement un jalon: l’auteur, à travers un roman, raconte l’histoire de Valentino Achak Deng, un enfant réfugié soudanais qui émigre aux États-Unis sous les auspices du Lost Boys of Sudan Program. Citons ensuite le très populaire Khaled Hosseini. Ce dernier a acquis une réputation planétaire grâce à son livre consacré aux atrocités vécues en Afghanistan sous le régime des talibans. En définitive, le protagoniste des Cerfs-volants de Kaboul, après un passage par le Pakistan, finira par débarquer aux États-Unis. Dans le roman qui lui fait suite, Mille soleils splendides, Hosseini évoque également les camps de réfugiés en Afghanistan. « Voilà plusieurs siècles que la littérature prend fait et cause pour l’étranger, l’« autre », le réfugié », observait Margot Dijkgraaf dans le quotidien néerlandais NRC, renvoyant explicitement à l’œuvre du Français Philippe Claudel, qui n’a jamais fait mystère de son indignation quant au sort réservé aux réfugiés. Amer, humain, allégorique, factuel, pamphlétaire ou moralisateur: les angles d’attaque ne manquent pas dès lors que des auteurs se penchent sur le sujet. À quoi il faut ajouter que la question ne divise pas seulement la société, mais les écrivains eux-mêmes. Tommy Wieringa, par exemple, s’est depuis peu rangé à l’idée qu’« une frontière extérieure européenne sûre est nécessaire », ce qui est un point de vue d’adoption récente. Pour ne rien dire ici de Thierry Baudet, chef de file du parti de droite populiste Forum voor Democratie, qui ne répugne pas à se présenter comme écrivain. Parmi les représentants de la littérature d’expression néerlandaise, Kader Abdolah, originaire d’Iran, fut l’un des premiers à coucher par écrit son vécu de réfugié, entre autres dans De adelaars (Les Aigles) et Le Voyage des bouteilles vides XX . Depuis lors, les textes en prose consacrés à l’immigration sont quasiment devenus un genre en soi. Pourtant, des années-lumière séparent Hôtel Problemski XX, Dimitri Verhulst s’immerge dans un centre pour demandeurs d’asile, et l’effrayant L’oiseau est malade XX d’Arnon Grunberg. Souvent, le réfugié offre matière à opter pour des thèmes plus vastes. C’est ce qu’a réussi à faire, par exemple, Joke van Leeuwen avec Hier (Ici), une parabole sur les frontières et sur les contours de la liberté. « Les frontières maintiennent une pensée de type nous / eux, ce qui ne ressortit pas exclusivement au passé. Au contraire, j’ai l’impression que ce type de pensée binaire s’est renforcé ces dernières années », déclare-t-elle à ce sujet. Jeroen Theunissen, de son côté, a introduit subrepticement le thème des réfugiés dans son roman Onschuld (Innoncence) XX , où l’on voit le photographe de guerre Manuel Horst se faire enlever et torturer par des djihadistes dans le guêpier syrien avant, la chance aidant, de parvenir à s’échapper. Il est très peu disert à propos de sa nouvelle liberté, assure qu’il n’a nul besoin d’un soutien posttraumatique et tombe amoureux de Nada, une réfugiée syrienne. Il rentre avec elle en Belgique, où il leur faut batailler pour se construire une nouvelle existence avec le jeune fils de Nada, Basil. Mentionnons également Rosita Steenbeek, auteure de Wie is mijn naaste? (Qui est mon prochain?), un ouvrage engagé non fictionnel s’apparentant au reportage et consacré à l’accueil des réfugiés à Lampedusa, en Sicile et au Liban. Présenter un miroir au lecteur Venons-en à trois œuvres néerlandaises en prose qui traitent du thème des réfugiés d’une manière beaucoup plus directe et qui, pour se baser sur un récit nettement personnel, n’en parviennent pas moins à donner à cette problématique une portée universelle. Elvis Peeters (° 1957) – qui écrit ses romans en collaboration avec son épouse Nicole Van Bael – est un de ces auteurs flamands qui abordent régulièrement ce thème avec maestria, quoique sans menacer quiconque d’un doigt moralisateur. Plus d’une fois on trouve chez lui un penchant…

Eve Bonfanti et Yves Hunstad, accueillir l'inattendu : dialogue avec Frédérique Dolphijn

On connaît déjà les différentes collections littéraires et imagées des éditions belges Esperluète , cette maison qui soigne particulièrement les écritures singulières alliées à un art visuel de choix. La rentrée littéraire est pour Esperluète l’occasion de présenter une toute nouvelle collection, « Orbe », qui offre à lire, sous la forme des dialogues, des réflexions d’auteurs à propos de leur pratique d’écriture et de lecture. « Qui suis je ? C’est la question que les autres posent – et elle est sans réponse. Moi ? Je suis ma langue  » écrivait si justement le poète palestinien Mahmoud Darwish dans Une rime pour les Mu’allaqât en 1995. C’est par cette question complexe posée à l’auteur que s’entame chacun des dialogues d’« Orbe » . On habite sa langue moins qu’elle nous habite, moins qu’elle nous façonne et qu’elle nous hante. Disons-le : la langue évolue moins avec nous que nous auprès d’elle. Avec « Orbe », il est question de définir ce qui, pour chaque auteur a provoqué un désir lié à l’écrit. Ce désir, individuel et propre à chacun, s’inscrit dans un rapport au monde, à soi et à la lecture. L’enjeu, ici, sera de découvrir différents mécanismes et processus d’écriture et de création.La collection se veut ouverte à tous les genres littéraires, qu’il s’agisse du roman, de poésie, de nouvelles, de traduction, de théâtre, d’un scénario de film, de bande dessinée ou de littérature de jeunesse. Elle s’adresse à ceux qui s’intéressent au processus d’écriture ou aux auteurs interrogés en particulier, ainsi qu’aux enseignants et participants des ateliers d’écriture.Initiée par l’écrivain et cinéaste Frédérique Dolphijn , la collection présente trois premiers ouvrages dont elle signe le dialogue. Pour chacun d’eux, elle a choisi des mots à l’intention des auteurs. Ces derniers ont été piochés de manière aléatoire, les uns après les autres, et ont initié le début d’un nouveau chapitre et d’une ébauche de réflexion.L’emploi de la deuxième personne, tu , lors de chacun des entretiens, souligne le caractère spontané et non artificiel des dires de l’interrogeant comme de l’interrogé. Nul besoin de faire beau, ici, et c’est ce qui émeut dans le propos : d’entendre les rires et les hésitations entre les lignes nous fait nous, lecteurs, prendre part au dialogue à notre tour. Ève Bonfanti et Yves Hunstad, Accueillir l’inattendu Comment écrire pour enfin dire en public ? Dans cette conversation, il sera question de théâtre et d’une certaine écriture de la transmission.Eve Bonfanti et Yves Hunstad, tous deux acteurs et auteurs de théâtre, ont décidé de mêler leur virtuosité pour fonder la compagnie La fabrique imaginaire . Écrire en duo implique le challenge de la symbiose et de l’entente qui force à passer outre les questions d’égo. Deux écritures faites une, en perpétuel mouvement, donc, inattendue ;  en allers-retours de l’une à l’autre, où le public est partie prenante de la création et interroge sans cesse l’auteur. Imprévu Yves : On parle bien de l’écriture… Dans l’acte de jouer, il y a zéro imprévu. Sauf s’il y a un accident qui vient de l’extérieur. Mais de notre part, on ne crée pas d’imprévu quand on joue. On espère qu’il arrive pour orienter l’écriture, pour l’enrichir. Eve : Cet imprévu positif, là dans l’écriture et qui est reproduit après de manière illusoire dans le jeu, provoque une tension… presque une supra conscience dans le cerveau du public… Tout se tend vers ce moment : qu’est-ce qui va se passer ? Colette Nys-Mazure, Quelque chose se déploie C’est par ce dialogue avec Colette Nys-Mazure que s’est lancée la collection « Orbe ».Grande lectrice et enseignante inaltérable, l’incontournable poète, nouvelliste, romancière et essayiste dont l’œuvre a été récompensée de nombreux prix incarne plusieurs facettes de l’écriture poétique. Elle pose, dans ses pages comme dans son quotidien, un regard et une attention soutenus aux autres et à leurs écritures. L’autre C’est vraiment exigeant, l’autre… C’est à la fois l’autre en soi… d’étrange, de différent, d’inquiétant ; c’est l’autre, immédiat, avec qui on vit avec qui on tente de composer (…) Dans les livres que je fréquente, il y a une part des auteurs que j’ai appris à connaître. Mais il y a aussi tous ceux que j’ai envie de découvrir, que je ne connais absolument pas, et qui sont à des milliers de kilomètres de mes préoccupations ou de mes façons d’écrire (…) Il y a une rencontre avec un livre… mais une rencontre qui présuppose des deux côtés une disponibilité. Jaco Van Dormael, Écrire le chaos Qui sommes-nous ? Qu’est-ce que le sens, existe-t-il un sens, que faire de ce chaos qui nous traverse ? Cinéaste de l’imaginaire et de ce qu’il peut y avoir de grand dans l’enfance, Jaco Van Dormael pose chacune de ses réponses sous le signe du questionnement. Se définissant, à la suite de Luigi Pirandello, comme « Un, personne et cent mille  », il interroge avec nous le processus de création.C’est à l’écriture de scénario que Frédéric Dolphijn s’intéresse avec Jaco Van Dormael. On y découvre comment, écriture à part entière, elle induit également une création multiforme. Incarnation Celui qui incarne le plus, c’est l’acteur. C’est en ça que l’écriture que je fais est une écriture collective ! C’est à dire que je vis avec des fantômes pendant des années, dont je note les conversations par bribes, qui me sont très familiers, pour lesquels parfois j’ai de l’amour, parce que je les connais bien. Ils changent de visage régulièrement. (…) ce sont des « multi personnages. (…) En général on dit qu’il y a  trois écritures : l’écriture du scénario, l’écriture sur le plateau et l’écriture au montage. On ne parle jamais de la quatrième écriture, la plus importante : celle du spectateur qui retient certaines choses, en oublie d’autres, inverse les scènes, fait dire à tel personnage des choses qu’il n’a pas dites, et qui se réapproprie le film. Victoire de Changy Dans cette conversation, il sera question de théâtre et de l’écriture de la transmission. Comment dire pour un public ? Le spectateur devient partie prenante de la création dans les interrogations de ces deux auteurs de théâtre. Eve Bonfanti et Yves Hunstad ont décidé de mêler leurs talents ; écrire en duo implique une symbiose et une entente de travail qui dépasse les questions d’ego. La finalité est directement au centre du processus. Il ne s’agit donc pas de double jeu mais de construire cette présence à l’autre, induire la lecture d’un spectacle, l’écoute d’un texte. Accueillir l’inattendu, c’est admettre cette place du jeu, de l’improvisation, de l’accident et de l’imprévu. C’est le faire sien pour mieux avancer dans le processus d’écriture. Écriture qui se place ici clairement dans l’oralité, le son et le sens des mots faisant un, le jeu de l’acteur participant à l’écriture... Partageant avec générosité et enthousiasme ces moments d’écriture, Eve Bonfanti et Yves Hunstad mêlent leurs voix à celle de Frédérique Dolphijn pour une conversation…