Alors, cette thèse ?

NOS EXPERTS EN PARLENT...
Karoo

Dans un roman graphique hilarant – et parfois émouvant –, Tiphaine Rivière raconte sans amertume le parcours du combattant de ceux qui un jour sont traversés par l’impulsion irrésistible d’abandonner tout espoir de tranquillité d’esprit pour entreprendre une thèse.

Dans un roman graphique hilarant – et parfois émouvant –, Tiphaine Rivière raconte sans amertume le parcours du combattant de ceux qui un jour sont traversés par l’impulsion irrésistible d’abandonner tout espoir de tranquillité d’esprit pour entreprendre une thèse.

Les tribulations d’une thésarde. Déjà lasse d’enseigner au collège et de traîner au Louvre des élèves turbulents qui n’en ont rien à cirer, la toute jeune Jeanne Dargan…



FIRST:thèse - "Alors, cette thèse ?"
stdClass Object ( [audiences] => [domains] => )

Ceci pourrait également vous intéresser...

Réponse de Françoise Lempereur. Hommage à Jean-Jacques Gaziaux

Monsieur le Président, Messieurs les Sociétaires, Je tiens tout d’abord à vous remercier pour votre chaleureux accueil et vous dire combien je suis ravie de succéder à Jean-Jacques Gaziaux, ethnolinguiste exemplaire que j'ai eu la chance de côtoyer durant les années 1993 à 2007 au Conseil supérieur de l’Ethnologie de la Communauté française Wallonie-Bruxelles. Il avait lui-même remplacé, en 1986, Maurice Piron qui fut mon professeur de «français de Belgique» et de littérature française à l’Université de Liège en 1970 et 1971. * C’est en ouvrant la chronique Wallonnes du 1er trimestre 2022 que j’ai appris le décès de Jean-Jacques Gaziaux, quelques semaines auparavant, le 31 janvier. Je le savais malade mais ne pensais pas que la Grande Faucheuse l’emporterait si tôt, à 79 ans, car j’avais gardé de lui l’image d’un homme grand et fort qui n’épargnait ni son temps ni ses forces pour conjuguer un métier d’enseignant, une vie d’époux et de père, un goût pour les voyages ‒ le Portugal et surtout l’Irlande avaient sa préférence pour les vacances familiales ‒, une passion pour la recherche et la publication de nombreux travaux, très chronophages à n’en pas douter. L’In memoriam publié sous la plume de son ami Jean-Marie Pierret me fit découvrir des facettes méconnues de sa personnalité hors normes. À vrai dire, je n’avais jusqu’alors pas réellement pris conscience du caractère exceptionnel de ce chercheur infatigable et auteur prolifique, tant son talent était caché sous une modestie et une discrétion peu communes. J’avais, par exemple, acquis une dizaine de ses ouvrages mais n’imaginais pas qu’ils ne constituaient qu’une part réduite de son œuvre. * Lorsque, le 18 octobre dernier, je reçus un message du Président de la Société, Patrick Delcour, m’annonçant que celle-ci désirait me voir reprendre le siège de Jean-Jacques Gaziaux, j’en fus à la fois très heureuse et quelque peu mal à l’aise car j’estimais que je ne maîtrisais pas suffisamment le wallon pour remplacer un incontestable expert de l’ethnolinguistique. Mins, våt mîs tård qui måy et si, en trois mois, je n’ai guère amélioré ma connaissance de la langue, j’ai pu au moins en apprendre davantage sur celui qui a notamment rédigé une thèse de doctorat de 1791 pages manuscrites, calligraphiées et sans rature, intitulée "La Vie agricole à Jauchelette". Étude dialectologique et ethnographique… un travail de titan qui sera remanié ultérieurement pour donner naissance à cinq gros ouvrages publiés entre 1982 et 2003. Grâce au gestionnaire efficace de la Bibliothèque des Dialectes de Wallonie, Baptiste Frankinet, j’ai pu consulter l’ensemble de ses publications. Ma curiosité a alors cédé la place à une réelle sidération, à la fois devant son extraordinaire empathie avec le monde rural et devant sa rigueur scientifique. *   L’art de l’enquête Ne jugeant pas utile de reprendre ici les éléments biographiques et bibliographiques excellemment évoqués par Jean-Marie Pierret dans Wallonnes 2022/1, je voudrais, dans le présent hommage, faire ressortir l’intelligence et le savoir-faire de Jean-Jacques Gaziaux à travers sa maîtrise de l’art de l’enquête et celle de l’organisation et de la valorisation des éléments collectés. Un réel modèle à suivre. À la différence de bon nombre de chercheurs contemporains, il a toujours aspiré à développer ses connaissances non pas en élargissant son terrain d’enquête initial mais bien en le cernant avec précision et en l’approfondissant. Après une enfance à Jauchelette, il vécut, jusqu’à son décès, à Jodoigne, ville de 15 000 habitants aux confins du Brabant et de la Hesbaye et jeta son dévolu sur une zone rurale d’une superficie d’environ 60 km², au sud et à l’ouest de cette ville. Il est, à ma connaissance, un des rares collecteurs wallons à avoir sillonné durant plus de quarante ans le même territoire, pour en explorer les moindres recoins et y interroger un maximum de témoins différents. * Jean-Jacques Gaziaux définissait le parler brabançon comme une variété de dialecte namurois et, lorsqu’il recueillait des termes ou des expressions qui dépassaient le cadre initialement défini (le seul village de Jauchelette, par exemple), il prenait soin d’indiquer si la forme recueillie existait dans un dictionnaire publié et si elle était «largement», «partiellement» ou «très localement» répandue. Ainsi, dans son article «À propos de quelques mots de l’est du Brabant wallon», il analyse, p. 58-64, les appellations locales des fanes de pommes de terre et de betteraves et «tente de délimiter avec le plus de précision possible les aires de répartition des différents mots», selon le modèle de l’Atlas linguistique de Wallonie. Pour ce faire, il ira jusqu’à entreprendre des enquêtes systématiques dans 43 anciennes communes des cantons de Jodoigne et de Perwez, plus Longueville, à raison de deux ou trois témoins dans chacune d’elles …amon Gaziaux, on n’ mache nin lès scwaces, lès cwasses, lès cwades, lès ranches èt lès trḗts (dès canadas) avou lès fouyes, lès cheûves et lès chėmes (dès pétrâles)! Dans le même article, alors qu’il examine, p. 48-50, le mot wastia, qui désigne un gros bâton ou un gourdin, il introduit d’autres acceptions, disparues ou éloignées, liées, selon les villages ‒ dûment précisés ‒, au djeu do wastia, jeu de décapitation de l’oie ou jeu de quilles, ou au grand gâteau, aujourd’hui remplacé par des pains fleuris, porté et bénit lors du « pèlerinage annuel du Wastia » à Basse-Wavre. Pour tenter d’expliquer le lien entre ces appellations, il renvoie non seulement au FEW et à plusieurs dictionnaires wallons mais aussi à des travaux d’historiens et de folkloristes, désavouant même, grâce à ces sources, une proposition d’étymologie qu’il avait formulée une dizaine d’années plus tôt dans sa thèse de doctorat. C’est peu dire en effet que J.-J. Gaziaux linguiste se doublait d’un J.-J. Gaziaux ethnographe. Le Conseil supérieur de l’Ethnologie ne s’était pas trompé en l’intégrant en son sein car il alliait mieux que quiconque le sens de l’observation de terrain, le contact avec le témoin et la volonté de circonscrire la matière en organisant avec habileté les données récoltées. La collection Tradition wallonne – hélas disparue! ‒ peut se féliciter d’avoir publié deux de ses meilleures monographies ethnographiques: Des gens et des bêtes (1995) et De quoi nourrir gens et bêtes (2003), ainsi que plusieurs articles, notamment: «Échos du carnaval à Jodoigne au XXe siècle» et «Le temps qu’il fait à Jauchelette». Dans ce dernier, il recense, en près de 100 pages, l’ensemble des termes et des expressions qu’utilisent lès vîyès djins pour décrire les phénomènes météorologiques locaux. Comme à l’ordinaire, il s’efforce de vérifier chaque information et demande à sa tante Maria Léonard, ancienne cultivatrice née en 1915, de noter en wallon le temps de chaque jour, d’avril 1982 à mars 1983, soit durant une année entière. Il s’assure ainsi de traiter toutes les situations possibles et de recouper efficacement les enquêtes déjà réalisées auprès d’autres témoins du village. * Jean-Jacques Gaziaux sait que la langue vernaculaire est menacée et qu’elle constitue «un vecteur du patrimoine culturel immatériel», pour reprendre la formule utilisée par l’UNESCO, patrimoine qui ne cesse d’évoluer car tributaire des modes de vie, des mutations sociales et des contraintes environnementales et climatiques. Il intègre donc cette problématique dans son œuvre et, après chaque enquête, s’efforce de comparer l’état contemporain de la question avec les données récoltées auparavant. Ainsi, lorsqu’il termine la rédaction de sa thèse de doctorat, en 1981, après vingt ans de collectes de témoignages, il fait le point sur l’évolution…

Kipjiru 42… 195

Jean-Marc RIGAUX , Kipjiru 42… 195 , Murmure des Soirs, 2020, 413 p., 22 €, ISBN :…

Quand la vie prend le dessus. Les interactions entre l’utopie bâtie et l’habiter

Maintenant, dans le projet, les murs étaient de la même couleur pour tous. De la peinture blanche, et c’est tout. Mais ma mère, vu qu’elle n’avait pas d’argent pour le matériel scolaire ni pour beaucoup de papier, est allée à la quincaillerie centrale, elle a pris une boîte de peinture noire, et elle a peint un des murs, puis a obtenu de la craie et de la gomme, et c’est devenu notre mur des devoirs. Nous y résolvions les problèmes, nous y exercions notre calligraphie, nous avons tout fait sur ce mur. Puis nous avons reçu un avis du bureau de l’administration qui annonçait une inspection. J’avais tellement peur qu’ils nous excluent du projet, et quand la dame a vu ce mur noir, elle a dit : « Madame Blair, c’est quoi ça ? », et ma mère lui a répondu : « Je n’ai pas d’argent pour le papier et je veux que mes enfants réussissent à l’école, et ils doivent s’entraîner. » La dame était simplement terrassée, elle ne pouvait pas croire que c’était ça la raison, et elle a dit : « Vous savez quoi, vous êtes en train d’essayer d’élever vos enfants, laissez donc ce mur noir, et si vous voulez peindre un autre mur aussi, c’est très bien pour nous. »         Jacquelyn Williams, ancienne résidente de Pruitt-Igoe,         St. Louis (The Pruitt-Igoe Myth, 2011) XX Les simples changements apportés à l’un des murs des 2.870 logements qui composaient le complexe tristement célèbre de Pruitt-Igoe à Saint-Louis dans le Missouri signifient plus que la reconnaissance sommaire de la façon dont les habitants utilisent et ajustent leur milieu de vie sur la base de leurs aspirations et de leurs besoins essentiels. Le témoignage de Jacquelyn Williams démontre l’importance d’adapter son habitat par le biais de transformations matérielles spontanées, bien au-delà des besoins quotidiens de base. Dans ce qui est considéré comme le plus infâme complexe de logements sociaux de tous les temps, comme l’apothéose de tout ce qui a mal tourné dans la conception moderniste XX   XX  , les modifications entreprises par les résidents se révèlent comme une étape fondamentale dans la fabrication de leur espace de vie. Pruitt-Igoe pourrait être considéré comme un cas extrême. Certes, d’autres réalisations comparables à cet exemple nord-américain n’ont pas subi son destin. Pourtant, il est utile de reconsidérer cet ensemble de logements pour comprendre les tensions générées par l’écart entre l’envergure utopique des idéaux modernistes et leur héritage, une fois bâtis et utilisés au quotidien. Même si ce questionnement n’est pas neuf XX , son exploration reste néanmoins capitale pour les contextes du Sud planétaire XX où le modernisme a fait l’objet d’une double réinterprétation au fil du temps. D’un côté, les modèles modernistes prétendument universels ont dû se reconfigurer à chaque « atterrissage » dans un contexte spécifique, mais de l’autre côté, une fois construits, ils ont aussi souvent (mais pas toujours) été significativement transformés par l’usage. Dans ce dossier, les auteurs portent donc leur attention sur le décalage entre, d’une part, l’intention, la réalisation et l’appréciation des utopies bâties par les critiques et l’opinion publique, et, d’autre part, leur usage, qui implique le plus souvent des interventions sur le bâti aussi significatives que signifiantes. Les articles rassemblés ici se focalisent sur la transformation radicale des constructions réalisées – c’est-à-dire sur leur appropriation – sans pourtant négliger de considérer des cas de figure où les architectes modernistes ont pu s’emparer des pratiques sociospatiales locales pour revisiter les modèles que l’on pensait planétaires. Le Sud planétaire est, en effet, un contexte qui appelle des questions fondamentales. Au-delà du débat sur la préservation matérielle des œuvres modernistes, le Sud planétaire invite à repenser les alternatives à venir en matière de pratiques urbaines. Ila Bêka et Louise Lemoine ont bien montré la vulnérabilité de l’architecture européenne à travers des cas illustres, comme celui du Barbican Estate de Londres (Barbicania, 2014 XX ), mais ce sont les pratiques inattendues et spécifiques des espaces de Zouerate, Séoul ou Buenos Aires qui nous interpellent. La rencontre entre, d’une part, les résidus d’un contenu utopique étroitement associé au projet moderniste, et, de l’autre, l’appropriation de ces lieux au fil du temps, dessine des constellations susceptibles d’ouvrir à nouvelle compréhension du phénomène urbain. APPROPRIATE(D) MODERNISMS ou L’APPROPRIATION DES MODERNISMES POUR UN MODERNISME APPROPRIÉ Les vicissitudes de Pruitt-Igoe font écho à celles d’autres lieux construits pour abriter les plus vulnérables dans un monde en voie d’urbanisation, ainsi que pour accompagner l’expansion des villes : des équipements modernes, tels que des hôpitaux, des universités et des musées. Ces interventions, souvent de grande échelle et à forte intensité de capital, ont joué un rôle important dans la mise en valeur de la démocratisation, du processus de décolonisation et dans l’exportation internationale de l’État providence, comme l’a montré une abondante littérature scientifique (Avermaete et Casciato, 2014 ; Avermaete et al., 2010 ; Crinson, 2003 ; le Roux, 2003 ; Lim et Chang, 2011 ; Rabinow, 1989 ; Wright, 1991). Certaines études se sont concentrées sur la circulation internationale des modèles architecturaux et urbains en toute indifférence au contact de conditions autres, ainsi que sur la réception différenciée de ces conceptions modernistes dans divers contextes géographiques et culturels XX . L’« agentivité XX » des architectes, des urbanistes, des autorités locales et des résidents en ce qui concerne la modification et la contestation des projets a été également mise en avant afin de complexifier les récits occidentaux qui décrivaient le modernisme comme un processus facilement transposable et élaboré à partir d’un seul point d’origine.  (Avermaete et al., 2015 ; Craggs et Wintle, 2015 ; Healey et Upton, 2011 ; Mercer, 2005 ; Nasr et Volait, 2003.) La diffusion, au cours du XXe siècle, du modernisme comme un style en soi et de la modernité comme un ensemble d’aspirations disponible à l’adoption est donc désormais aussi contestée par l’historiographie que par les usagers. En effet, les critiques se sont non seulement attaquées au transfert de modèles effectué sous et après la domination coloniale, mais aussi et surtout au pacte scellé entre, d’une part, l’architecture et l’urbanisme modernes, et de l’autre part, l’impératif du développement. (d’Auria, 2012 ; Lu, 2011 ; Muzaffar, 2007.)  Avec le recul, il est devenu clair que, dans de nombreux pays du monde, l’association explicite entre la construction des villes et les formes et normes modernistes ne garantissait ni l’amélioration des conditions économique et sociale des résidents ni le bien-être des territoires au sens le plus large. Lorsque l’urbanisation et l’industrialisation se sont engagées sur des chemins séparés, les villes d’Amérique latine, d’Asie et d’Afrique n’ont plus été en mesure d’accueillir les nouveaux arrivants et de leur fournir un abri, de l’emploi et un environnement socialement juste. Au-delà des critiques spécifiques soulevées par les économistes à l’encontre du « développementisme XX », les théoriciens du post-colonialisme ont également pointé les contradictions inhérentes au processus de modernisation XX . Visant, tous-azimuts, toutes les sphères de la culture, du langage à la planification de villes nouvelles, ils ont dénoncé le caractère insidieux du modernisme et du «développementisme» dans l’élaboration de cultures et d’économies postcoloniales qui ont fini par reproduire les différences et les dépendances caractéristiques du colonialisme. En parallèle, des…