Tous les matins, c’est la même rengaine. Sitôt le cri strident du réveil : douche rapide, saut dans le boxer, puis costume cravate préparé la veille – bienheureuse initiative ! – tartine grillée à moitié engloutie, café soluble micro ondé toujours trop froid ou trop chaud et de toute façon imbuvable, toujours la course après le temps.
Chaque jour, même heure, même supplique : «Pourvu qu’il reste une place de parking ! Pourvu que je ne rate pas ce foutu train !»
6h30′. Il est là. Sale. Poussiéreux. Majestueux. Toujours là. Parfois en retard. Jamais en avance.
Moi, homme d’affaires d’une trentaine d’années, je prends ce train, tous les jours de la semaine. Toujours dans le même compartiment : premier wagon après la locomotive, deuxième banquette côté gauche, près de la fenêtre. Dans le sens de la marche. Toujours. (…) Aucun des autres passagers ne se risquerait à prendre mon siège. D’ailleurs, ils ont chacun leur banquette attitrée. Je suppose que, moi non plus, je n’oserais m’aventurer sur leur territoire. Cela fait partie d’un pacte entre nous…
Autrice de 5 minutes de retard
Monsieur Satie : L'homme qui avait un petit piano dans la tête
Pour découvrir l'oeuvre d'Erik Satie à travers une histoire et des extraits des plus célèbres pièces du compositeur. Mélancolique et triste à souhait, cet album-CD n’en est pas moins magnifique. Parler d’Erik Satie - le solitaire, le marginal, l’excentrique souvent incompris -impliquait un ton décalé, gentiment moqueur et grinçant, que rend très bien la voix du récitant François Morel (qui doit sa célébrité, rappelons-le, à l’émission télévisée des Deschiens sur Canal +). Ce n’est pas une araignée au plafond mais juste un petit piano que Monsieur Satie a dans la tête. Les notes de musique y trottent, y vagabondent sans relâche. Il est audacieux, anticonformiste, se moque du wagnérisme et des vaniteux. De son cœur s’échappent des mélodies simples pour rêveurs et poètes, un public qui lui ressemble. « Monsieur Satie parle parfois à la lune. » Et parfois aussi, « Monsieur Satie met son smoking pour écrire une partition. » Il compose, explore, mélange les genres au risque d’être méprisé. Certains l’admirent cependant, comme Cocteau ou Picasso. L’illustratrice Elodie Nouhen évoque bien l’esprit des surréalistes et la solitude du petit monsieur perdu dans le tourbillon des notes. Touches de piano, métronome, partitions…sont surdimensionnés par rapport au musicien qui ne semble pas plus haut que trois chapeaux. Ce que Raymond Lulle appelait « la tristesse par surabondance de pensée » s’applique…