Notre critique de Une histoire grande comme la main


En principe, une interview, c'est facile : une personne interroge et une autre répond. Mais quand l'interviewée est Anne Herbauts cela ne se passe pas nécessairement ainsi. Bien sûr, on a devant soi une artiste talentueuse et bienveillante qui écoute attentivement vos questions. Mais ses réponses renferment au moins autant d'interrogations que de certitudes. Et l'on comprend d'emblée que son travail est tissé d'hypothèses et de réflexions que le temps a fait évoluer sans pour autant en venir à bout. Si on lui demande (question traditionnelle mais souvent fructueuse) quelle est le point de départ de Une histoire grande comme la main, il est probable qu'elle nous ramènera loin en arrière. Au moins jusqu'à l'automne 2016 et à cette fascinante exposition  Là où la forêt fait un bruit de mer, que la Vênerie présentait joliment ainsi :"Anne Herbauts glane en lisière de ville des échos de marées, miettes, images et objets hétéroclites quotidiens ou lointains qu'elle rend précieux ou particuliers, traces inventées des marées sur Boitsfort". L'artiste, on le sait, habite à la lisière de la forêt de Soignes, dans ce "Coin du Balai" qu'elle a jadis évoqué dans le titre d'un album. Et voici qu'elle lie "forêt" et "marées". Et qu'à propos des marées, elle s'interroge. Et que pour le vernissage de son exposition un professeur de physique vient en expliquer le phénomène. Car même si sa langue est poésie, l'artiste reste à travers tout avide de se frotter au mode de penser scientifique. Plus d'un an après, "lisière" et "marées" se retrouvent enfin au cœur d'un album. "Personne ne devinait que, chaque nuit, une marée remontait de la forêt, puis se retirait en fanant avec un goût d'écume" est-il dit dans les premières pages. Mais plus loin, il est précisé que "de ces marées forestières", l'Enfant Branche ne parlait à personne "car personne des grandes personnes ne croirait à cette histoire de mer en forêt".





Est-il incongru d'avancer que depuis la naissance de son fils, l'œuvre de Anne Herbauts a profondément changé? Que Broutille ou même Un jour moineau n'auraient pas existé sans la présence de ce petit garçon qui a "la chance d'avoir un Y comme première lettre de son nom. Y. Comme une branche." Davantage encore qu'auparavant, l'artiste parle à hauteur d'enfant. Les indices sont nombreux. Le sol tout proche avec ses ornières et ses flaques d'eau ; les bottes rouges que l'on ne veut pas quitter pour dormir ; le doudou-tigre sentencieux et raisonnable; la grand-mère qui panse les plaies et raconte les histoires : "une pour grandir", "une très petite", "une à dix doigts", "une silencieuse", et la cinquième enfin "grande comme la main". Cette petite main présente dès le titre qui ne peut pas encore contenir grand-chose mais qui peut déjà désigner le monde entier et dont les doigts peuvent compter les histoires.





Est-il besoin d'ajouter que cet album s'adresse –bien au-delà des prescriptions de l'éditeur – à tous les âges de la vie? (Maggy Rayet)