Image de l'oeuvre - NEB

Notre critique de NEB

Depuis quelque temps, Alex s’isole. Marre de l’école, des moqueries, des cours, de ce monde hostile, de son père toujours sur son dos. Quelques dessins émargent ses notes de cours, révélant un talent ni exploré ni exploité. Alors quand lui parvient une invitation à se connecter au NEB, un jeu en ligne révolutionnaire, le pas est vite franchi. Après un court mais surprenant questionnaire portant sur ses valeurs et sa pyramide des besoins, Alex crée son avatar, tout à l’opposé de la réalité, et immédiatement se sent revivre. Le jeu consiste à  se défaire des autres avatars par la ruse et la rapidité. La reconnaissance arrive très vite : les étapes du jeu sont franchies sans grand effort, les adversaires éliminés les uns après les autres, le podium se rapproche. Mais le jeu fonctionne sur un mode étonnant : le public s’attache aux avatars et se presse pour suivre les parties en ligne, à toute heure du jour et de la nuit. Sous la pression des webmasters, marionnettistes aux méthodes de manipulation éprouvées, Alex se connecte de plus en plus, en cachette, perd la notion du temps et quitte peu à peu la vraie vie pour s’abîmer dans une réalité parallèle qui l’accueille toujours bras ouverts. Son père s’inquiète : un stage de déconnexion ferait le plus grand bien à Alex. Justement, il a reçu un prospectus vantant les mérites d’un séjour de sevrage en Angleterre pour les ados les plus accros au jeu vidéo…

Si l’on doit le texte de NEB à la romancière française Caroline Solé, c’est Gaya Wisniewski, illustratrice belge, qui va donner une profondeur supplémentaire au roman par ses incursions graphiques. Se substituant au personnage d’Alex, elle fait écho à la narration, signe de fins croquis, entre deux lignes de texte ou à la marge, comme une ado rêveuse qui s’ennuie au cours. Tantôt, au contraire, à grands traits rapides et nerveux, placardant des sentences et des images rageuses sur une double page, à la manière d’un graffeur s’emparant d’un espace urbain laissé libre, l’illustratrice prend de la hauteur et peint la solitude, la révolte, le manque tantôt dans un espace urbain sombre et inquiétant, déshumanisé, tantôt au cœur d’une forêt épaisse où le temps et les turpitudes du monde passent à l’arrière-plan.

Si le texte de Caroline Solé nous questionne sur l’emprise des nouvelles technologies dans nos vies et sur l’usage de nos données, le dessin de Gaya Wisnieswki prend une dimension plus psychologique et nous renvoie à nos errances lorsque nous perdons de vue l’essentiel.

Caroline Berger