Notre critique de Dans l’atelier de Jean Dubuffet

Peintre, sculpteur et plasticien mais aussi écrivain, poète et philosophe, Jean Dubuffet fut avant tout connu de son vivant comme théoricien et défenseur de l’art brut. L’art brut : peintures, sculptures, calligraphies, œuvres diverses réalisées par des artistes autodidactes, marginaux, malades mentaux… dont Dubuffet reconnaissait s’être lui-même inspiré largement. Je me souviens avoir « fait la connaissance » de l’artiste grâce à son livre, « La Botte à nique » publié chez Skira en 1973. En écoutant les fou-rires de mes filles tentant d’en déchiffrer le texte – « Ski fo sur tou se daro zé fo dlo toultan » – je découvrais en même temps que cet homme là, ce touche à tout, ce réfractaire aux normes, avait des choses à partager avec le monde des enfants. (Plus tard, j’ai appris par hasard que pendant son séjour à Vence, il avait répondu à des lettres d’enseignants Freinet.) 




Et voici que les Éditions À pas de loups lui consacrent un album avec Sophie Daxhelet à la barre. Le choix ne pouvait être meilleur : depuis sa plus tendre enfance, cette auteure arpente les musées. Et si elle s’est tournée vers l’illustration et des études à l’Académie des Beaux Arts de Bruxelles, ce n’est qu’après avoir étudié l’histoire de l’art, et particulièrement l’art contemporain. Comment parler au grand public et particulièrement aux enfants du travail d’un artiste, est une question qui n’a jamais cessé de la titiller ! On avait déjà eu l’occasion de s’en rendre compte en feuilletant Sortie de Joueur paru chez la même éditrice. Mais « s’attaquer » à Dubuffet ce n’est pas une mince affaire tant est multiple le parcours créatif de ce diable d’homme. Paris gagné ! Même auprès de la Fondation Dubuffet qui a prodigué aide et conseils. Double page après double page, on découvre les périodes successives d’un parcours (les douze années de l’Hourloupe occupant évidemment une place de choix), les matériaux qu’il préfère, les supports qu’il affectionne (« les murs de la ville valent bien les toiles des musées »), les réactions outrées des visiteurs, les amis dont il peint le portrait, sa découverte du monde souterrain, ses voyages dans le Sahara… et ainsi de suite jusqu’à la double page noire d’encre de la fin de sa vie. Un album qui se lit et se relit : rien n’y est gratuit ; chaque objet, chaque visage, chaque détail est signifiant. En bonus des éléments biographiques, des pistes pour en savoir plus et une invitation à poursuivre sur le net la découverte « de territoires inconnus"!  (Maggy Rayet)