« Alors dans un frisson, s’ouvre l’espace derrière nous, seule confidence possible. »De but en blanc, le dernier opus en date de Jean-Marie Corbusier, publié au Taillis Pré, laisse entrevoir un grand lecteur de la poésie d’André du Bouchet. De fait, celui-ci est explicitement cité à la page 78 du recueil, après Philippe Jaccottet et Yves Bonnefoy dans les pages précédentes. Sans doute issue de cette constellation poétique (rappelons que la revue L’éphémère a notamment lié Yves Bonnefoy et André du Bouchet à la fin des années 1960), la voix de Jean-Marie Corbusier se distingue toutefois par une poétique de la neutralité, très sensible. Entre l’aube et l’ombre, la parole de Corbusier tente de capter et de formuler les éclaircies : celles-ci semblent émaner…
« Rassurés par un jet de lumière aux avant-postes de la nuit, nous alimenterons la poésie aux ailes de nos désirs. »Après le recueil De but en blanc, Jean-Marie Corbusier délivre son ouvrage Ordonnance du réel, également publié au Taillis Pré. En une suite de poèmes en prose, adressés initialement à un « tu », le poète évoque l’essence et le mouvement de la poésie : « L’ombre et le sommet cohabitent dans une fertilité qui les dépasse, telle est la poésie insaisissable et une. »Qu’est-ce que le sable de notre présence ajoute au monde ? Quelle parole fuit de la main de la langue ? De quelle vérité sont nervurés le poème, la voix ? Jean-Marie Corbusier élague et creuse ces questionnements, en ramenant la langue à sa part de neige, à sa part de solitude.…
Au téléphone, Jean-Marie Corbusier me dit qu’il est perfectionniste et pessimiste. Quel paradoxe ! Vouloir atteindre le sommet et ne pas y croire… Pour justifier cette apparente contradiction, il ajoute que pour lui, le mot est un obstacle derrière lequel il existe un espace nouveau et plus grand : le bonheur. À l’exemple du boxeur qui trouve la victoire après le combat. Autre explication : il fait une différence majeure entre le poème et la poésie.le mur soudain levéL’air est ce qu’il respire, c’est un besoin vital ; l’air, c’est le poème. Bleu est la couleur du ciel, c’est un artifice, c’est une illusoire perception chromatique ; bleu, c’est la poésie. Si celle-ci est intangible et insaisissable, le poème quant à lui est comme un caillou bel et bien…