André Baillon   1875 - 1932

PRÉSENTATION
André Baillon est né à Anvers, le 27 avril 1875. Son père meurt un mois après sa naissance; il n'a pas sept ans que sa mère décède à son tour, fin 1881. André et son frère Julien sont recueillis par leur grand-père paternel, petit industriel à Termonde. La fille de ce dernier, leur tante Louise («Mademoiselle Autorité»), dévouée mais bigote et peu sensible, s'occupe de l'éducation des deux orphelins. De 1883 à 1889, André est pensionnaire au collège jésuite de Turnhout. Soupçonné d'amitié particulière, il en est renvoyé et se retrouve au Collège de la Trinité à Louvain où il reste de 1889 à 1893. Cette éducation stricte, empreinte d'une religiosité austère et culpabilisante le livre à la solitude et au désarroi. A partir d'octobre 1893, il est inscrit à l'Université de Louvain, aux cours préparatoires aux études d'ingénieur. Dès avril 1894, il rencontre une jeune ouvrière, Rosine, avec qui il découvre l'amour et la sensualité. Mais cette liaison devient rapidement une source permanente de souffrances : Rosine l'exploite et le bafoue. En même temps, il se lie avec un groupe d'étudiants non conformistes, voire anarchistes. Aussi, dès 1896, se voit-il exclu de l'université tout autant à cause de son absence aux cours que de sa participation à des «réunions socialistes» et de ses «relations coupables avec une femme de mauvaise vie» (La dupe, Labor, 1988, p.52). De 1896 à 1898, Baillon vit avec Rosine à Liège où il tient un café. Il dilapide son héritage (au Casino d'Ostende notamment) en essayant de retenir sa maîtresse. Ruiné, désespéré, il essaye une première fois de se suicider en 1896, mais ce n'est qu'à la fin de 1898 qu'il rompt avec Rosine. Pendant toutes ces années (depuis le collège), il lit énormément (Hugo, Mallarmé, Baudelaire, E. Hello, Villiers de l'Isle-Adam, Nietzsche, L. Bloy, etc.), note des passages qui le frappent et écrit lui-même ses premiers textes : La dupe est entamé, dès 1896; entre 1895 et 1899, il écrit des poèmes (Sonnets macabres) et formule ses doutes, ses espoirs dans des fragments de journal intime. Deux thèmes importants s'en dégagent déjà : l'aspiration à fuir dans l'art, à oublier la réalité blessante, grâce à la beauté; et d'autre part, la répulsion face à la sexualité. Après la rupture avec Rosine, il est accueilli à Bruxelles par son frère. La même année, en mai 1899, Le Thyrse, revue culturelle et littéraire voit le jour. Baillon y trouve ses premiers amis littéraires et y publie une série de brefs récits qui, soit illustrent la veine réaliste, soit se situent du côté de la littérature morbide et décadente. En 1900, il loue deux pièces à Forest et s'y installe; il rencontre Marie Vandenberghe, femme aimante et maternelle, qu'il épouse en 1902; elle deviendra le personnage central d'Histoire d'une Marie. Il occupe différents emplois et sa difficulté à vivre ne s'atténue pas. En 1903, il part avec Marie pour Westmalle où il veut vivre la vie simple et rude des paysans du Limbourg. Ils y restent jusqu'en 1910 (avec une interruption entre 1905 et 1907); une série de croquis, de tableaux minutieusement observés et écrits dans un style bref qui colle du plus près aux faits en résultera et paraîtra en 1919 sous le titre Moi, quelque part (qui devient En sabots dans l'édition suivante, modifiée et augmentée). En 1906, Baillon devient rédacteur à La Dernière Heure. Il y reste, avec des périodes d'arrêt, jusqu'en 1920. Plus tard, cette expérience lui inspirera Par fil spécial (courtes séquences de la vie d'un journal, 1924). Mais à ce moment, il ne publie plus depuis plusieurs années. En 1912, son existence est bouleversée par la rencontre de la pianiste Germaine Lievens dont il tombe éperdument amoureux : il pense avoir enfin rencontré la femme qui répondra à ses aspirations. Pour elle, il quitte Marie en 1913; le couple vit à Boendael pendant la guerre. Libéré de toute obligation professionnelle, Baillon écrit. En 1915, il achève Le pénitent exaspéré (resté inédit jusqu'en 1988), longue nouvelle (ou petit roman) qui se situe dans la ligne des écrits antérieurs marqués par le maniérisme morbide et l'esprit décadent. A la même époque, il rédige Moi, quelque part et Histoire d'une Marie ; il entreprend Zonzon Pépette. La publication de ces textes «se fait en deux étapes, à Bruxelles, puis à Paris, mais c'est un milieu analogue qui en assure la consécration» (P. Aron, dans Textyles, p. 10). Ce milieu est décrit par P. Aron comme étant celui des écrivains pacifistes qui se réunissent notamment pour défendre un écrivain attaqué à cause de positions adoptées pendant la guerre : il s'agit de Georges Eekhoud. André Baillon fait partie du premier Comité de soutien franco-belge en faveur d'Eekhoud et appartient, avec Raoul Ruttiens, Jean Tousseul et René Magritte, entre autres, au cercle des admirateurs de l'écrivain contesté. Celui-ci soutient la publication de Moi, quelque part (fin 1919) et rédige une préface élogieuse. En 1920, Baillon, qui veut essayer de vivre de sa plume, abandonne son travail à La Dernière Heure et s'installe à Paris avec Marie et Germaine. Grâce à Charles Vildrac, il entre aux éditions Rieder qui publient, en 1921, Histoire d'une Marie. L'accueil est tout à fait favorable, tant en France qu'en Belgique. Baillon, écrivain des gens simples, est reconnu dans les milieux littéraires français de gauche qui le soutiennent et le font connaître d'un large public. Il collabore à L'Humanité entre 1920 et 1922. En 1923, il s'installe à Bourg-la-Reine; Zonzon Pépette paraît chez Ferenczi. Mais sa santé se dégrade et il doit être interné à la Salpêtrière. A sa sortie, il sera logé à Marly-le-Roi. À partir de ce moment, et malgré une santé toujours fragile, sa production littéraire régulière lui permet de publier un livre par an. Il subit un autre internement en 1924. Par fil spécial paraît en 1924; Un homme si simple en 1925; Chalet I en 1926; Délires en 1927; Le Perce-oreille du Luxembourg en 1928; La vie est quotidienne (un recueil de contes) en 1929; Le Neveu de Mademoiselle Autorité en 1930; Roseau en 1932. En 1930, Pierre Fontaine, journaliste bruxellois qui, trois ans auparavant, avait créé une tribune libre Le Rouge et le Noir fonde un hebdomadaire (Le Rouge et le Noir), «anticonformiste, libre et indépendant» (J. -Fr. Füeg, dans Textyles, p. 22) dont l'attention se porta surtout sur la vie culturelle. Dès le début, ses rédacteurs s'attachèrent à promouvoir les lettres belges. Baillon y collabora rapidement et ses textes y parurent de manière régulière pendant près d'un an; Eve et Kiki y fut publié en août 1930. Mais, pour le reste, ses articles étaient plutôt anecdotiques. Par ailleurs, ce journal s'efforça avec ferveur, de faire sortir Baillon de l'oubli relatif dans lequel il était tombé en Belgique : des articles soulignèrent l'importance de son œuvre; un banquet fut organisé en son honneur dès 1930. P. Fontaine y fit un discours où il critiquait la Belgique d'avoir laissé s'exiler un écrivain aussi talentueux. La même année, Baillon entama une correspondance passionnée avec Marie de Vivier; il connut dès lors un nouveau déchirement intime (entre Germaine et Marie). En 1931, il essaya encore une fois de se suicider et reçut le prix triennal du roman pour Le Perce-oreille du Luxembourg. En avril 1932, il mourut d'avoir absorbé une dose excessive de somnifères. Biographie réalisée avec la complicité de Francine Mikolajczak Sources principales :Le Perce-oreille du Luxembourg, éléments biographiques, p. 227-228. Textyles (P. Aron et J.-Fr. Füeg). R. Trousson, Postface au Pénitent exaspéré.

BIBLIOGRAPHIE


PRIX

DOCUMENT(S) ASSOCIÉ(S)


NOS EXPERTS EN PARLENT
Le Carnet et les Instants

Qu’est-ce qu’une confession ? Comment, sacré par Rousseau, le genre littéraire de la confession se noue-t-il aux registres du religieux et de la psychanalyse ? Paru en 1925, Un homme si simple délivre une confession en cinq actes prononcée par un homme, Jean Martin, interné à la Salpêtrière. Dans sa remarquable postface, Maria Chiara Gnocchi analyse les rapprochements entre le roman d’André Baillon et les grands modèles des œuvres « confessantes » — Saint Augustin le précurseur, Rousseau le fondateur du genre, Dostoïevski, Tolstoï, Duhamel… Comme nombre de personnages d’André Baillon, le narrateur traverse une crise qui lézarde son existence. Écrivain montant à Paris afin de se consacrer à la littérature, affligé depuis l’enfance d’une hypersensibilité,…


Karoo

« L’esprit est prompt, la chaire faible et le cerveau fragile ». Tels sont les mots d’André Baillon qui tente dans ce roman de dresser une autopsie des souffrances de l’humanité, de ses péchés et des vérités qu’elle ne cesse de chercher.
Roman à la dimension autobiographique sous-jacente, Un homme si simple d’André Baillon est le récit d’un homme a priori simple, dont la vie s’inspire de celle de l’auteur. Jean Martin est un écrivain interné à l’hôpital psychiatrique de la Salpêtrière qui, au moyen de cinq « Confessions », justifie la raison de sa présence entre ces murs abritant la folie même. Son interlocuteur est un psychiatre de l’hôpital dont le discours n’est suggéré que par une répétition des questions par Jean Martin.
« Mon…