Une Parisienne à Bruxelles | Objectif plumes

Une Parisienne à Bruxelles

RÉSUMÉ

Peu connue, l’œuvre de Caroline Gravière (1821-1878) est représentative du réalisme belge du dix-neuvième siècle. En ce sens, on peut lire dans Une Parisienne à Bruxelles, l’histoire d’une jeune mariée confrontée à l’hostilité de sa belle-famille, la satire des mœurs de la petite bourgeoisie belge des années septante. Cependant, par certains côtés – critique du provincialisme bruxellois, détournement des clichés du roman populaire –, ce récit se distingue de la production romanesque…

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Lire un extrait Ma chère mère, Privée de tes entretiens, c'est pourtant encore auprès de toi que je me réfugie. Si quelque chose m'étonne ou m'émeut, mon premier mouvement est toujours celui de l'enfant qui s'écrie : Je vais le dire à ma mère! Eh bien! je te le dirai, malgré l'absence, malgré l'espace; je te raconterai mes impressions, mes sentiments, sans ordre, sans suite, sans soin. Je me sens mieux déjà depuis que j'ai préparé ce cahier qui t'est adressé, pages blanches sur lesquelles tomberont peut-être des larmes et qui ne seront guère saluées d'un sourire! En lisant ce mémoire, tu me suivras à la trace dans cette phase difficile de ma destinée. Cependant, je ne suis mariée que depuis trois mois, et s'il fut jamais un mariage d'amour, c'est le mien. Qui mieux le sait que toit, toi dont je suis la seule enfant, toi que j'ai pourtant quittée pour suivre en pays étranger, en pays inconnu, – en pays ennemi! – Alphonse Van Zee, que j'aimais tant et qui est aujourd'hui mon mari. Quitter Paris était pour moi un sacrifice, parce que je t'y laissais; à tous les autres points de vue, c'était un acte sensé, puisque j'épousais un ingénieur belge. Sa position l'obligeait d'habiter son pays, tout comme ta nationalité et tes habitudes te fixent à Paris. Et puis, nous nous sommes dit si souvent pour nous consoler : il n'y a plus de distance! C'et possible; mais il y a et il y aura toujours la séparation. Tu dois être étonnée de ne pas voir ma lettre datée, comme à l'ordinaire, de l'un ou de l'autre petit village des Ardennes, où nous avions décidé de passer notre lune de miel, moi prenant ma résidence dans quelque champêtre hôtellerie, tandis que mon mari explorait les localités environnantes, afin de lever le plan de son nouveau chemin de fer. Nous nous étions arrangés ainsi jusqu'à présent, quand voilà, tout à coup, mon mari rappelé à Bruxelles. Il s'agit du redressement de tout un quartier. Le genre de travail qui lui incombe nécessite sa présence pendant un certain nombre de mois; après cela, il aura une mission pour l'Italie. En attendant, au lieu de nous monter une maison pour un temps si court, le parti le plus raisonnable semble être de nous établir chez ma belle-mère, où nous aurons trois pièces au premier étage, plus la jouissance du salon, du piano, la société bruxelloise, la compagnie de mes belles-sœurs et toutes les distractions que comporte cet intérieur. Il va sans dire que nous payons notre table; la famille n'est pas riche et vit d'une pension de veuve (trois mille cinq cents francs) augmentée d'un revenu de quatre mille francs, plus la propriété de la maison. On nous attendait à bras ouverts. «C'est pour mieux t'étouffer, mon enfant!» Avec quel désordre je t'écris, n'est-ce pas? L'incohérence même de mes discours peint le trouble de mes sentiments!
À PROPOS DES AUTEURS
Catherine Morren

Illustrateur de Une Parisienne à Bruxelles


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Soren disparu

«  Il a réglé la course, est sorti en sifflotant et, sans se retourner, il a soulevé son chapeau en guise d’adieu  », telle est la dernière image qu’a laissée Soren. Nous sommes à Bordeaux, en novembre 2017, et ce musicien et producteur âgé de cinquante-huit ans a demandé au chauffeur de taxi de le déposer à l’entrée du Pont de pierre. Après, plus rien… plus de Soren. Qu’est-il advenu ? Le roman de Francis Dannemark et Véronique Biefnot s’ouvre sur cette disparition et met en récit plusieurs voix. Elles ont toutes connu Soren, de près ou de loin. Chacune d’elles plonge dans ses souvenirs, exhume des moments passés en sa compagnie, des instants de sa vie et, dans une polyphonie où les sonorités tantôt se répondent tantôt dissonent, elles livrent au lecteur une reconfiguration de ce mystérieux Soren, tentant de lui éclairer le mobile de son départ. Chacune y va de sa modulation. «  On dira Soren ceci, Soren cela.. on dit tant de choses, mais au fond, qu’est-ce qu’on sait ?  » Lire aussi : un extrait de  Soren disparu  La construction du roman joue sur un décalage entre temps de narration et temps de récit. Tandis que cette volatilisation du personnage principal orchestre les interventions des différents narrateurs – celui-là l’a appris par téléphone, l’autre en écoutant la radio, celui-ci l’annonce à son père, un autre encore y songe à partir d’une photo de chanteuse dans un magazine etc. –, les récits font appel à une mémoire narrative qui reconstruit, rend présente une antériorité qui parcourt la vie du disparu, de son enfance à cette nuit sur le pont. «  Un souvenir entraîne l’autre. Quand on commence, on n’en finirait plus…  »Cette temporalité se déploie dans une spatialité qui accroît le côté mémoriel des interventions. Le lecteur arpente un Bruxelles d’autrefois ; de l’auditoires de l’ULB au Monty, le piano-bar-cinéma d’Ixelles, près de Fernand Cocq, de la chaussée de Ninove au Mirano Continental, la capitale se fait le lieu de ce festival narratif. [L]es soirs où je glandais, on traînait ici ou là, au Styx, on attendait une heure du mat’, avant ça, rien de bien ne se passait nulle part. À pied la plupart du temps, on allait jusqu’à la Bourse, au Falstaff, à l’Archiduc…, on se faisait parfois refouler à l’entrée quand on était trop murgés ou trop nombreux, ou qu’un truc nous avait énervés, un film ou un bouquin, et que la discussion déraillait. On buvait du maitrank ou des half en half, ou rien, ça dépendait de qui payait la tournée, ensuite, on montait le nord, sous le viaduc, vers l’Ex, ou alors à la rue du Sel parfois.  Cent-douze récits rythment ce roman choral où la musique est omniprésente . Fitzgerald, Les Stranglers, Wire, Chet Baker, Branduardi, Kevin Ayers, Neil Young, … La compilation forme une constellation où luisent les traits saillants qui permettent d’appréhender, par fragments, le disparu, de retracer son parcours, avec, en fond, ces musiques qui résonnent et accompagnent la lecture.Le duo Biefnot-Dannemark, déjà connu pour La route des coquelicots (2015), Au tour de l’amour (2015), Kyrielle Blues (2016) et Place des ombres, après la brume (2017), offre un nouveau quatre mains avec Soren disparu . Un roman kaléidoscope où se font échos les témoins de la vie de Soren ; lesquels, dans l’exploration du pourquoi et du comment d’une perte, mettent en lumière le temps qui passe, la complexité de l’existence et sa fugacité.Une nuit, traversant un pont, Soren disparaît. Tour à tour producteur, musicien, organisateur de festivals, cet homme multiple n'a eu de cesse d'arpenter le monde de la musique. Pour percer le mystère de sa disparition, une centaine de témoins…

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