Réponse de Françoise Lempereur. Hommage à Jean-Jacques Gaziaux

Monsieur le Président,
Messieurs les Sociétaires,
Je tiens tout d’abord à vous remercier pour votre chaleureux accueil et vous dire combien je suis ravie de succéder à Jean-Jacques Gaziaux,
ethnolinguiste exemplaire que j’ai eu la chance de côtoyer durant les années 1993 à 2007 au Conseil supérieur de l’Ethnologie de la Communauté française Wallonie-Bruxelles.

Il avait lui-même remplacé, en 1986, Maurice Piron qui fut mon professeur de «français de Belgique» et de littérature française à l’Université de Liège en 1970 et 1971.

*

C’est en ouvrant la chronique Wallonnes du 1er trimestre 2022 que j’ai appris le décès de Jean-Jacques Gaziaux, quelques semaines auparavant, le 31 janvier.

Je le savais malade mais ne pensais pas que la Grande Faucheuse l’emporterait si tôt, à 79 ans, car j’avais gardé de lui l’image d’un homme grand et fort qui n’épargnait ni son temps ni ses forces pour conjuguer un métier d’enseignant,…

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Qu’est-ce qu’un magneû d’ blanc ? Qu’est-ce qu’un « mangeur de blanc » ?

Lors du décès de Michel Galabru , en ce 4 janvier 2016, la télévision a rediffusé la version théâtrale de La femme du boulanger de Marcel Pagnol, dans laquelle l’acteur tient le rôle du protagoniste, Aimable Castanier. Aimable est un prénom tragiquement prédestiné pour celui qui devra camper un personnage de cocu, sinon content, du moins résigné... et pathétique. Et ceci n’a rien à voir avec le Bruno psychopathe, – d’une jalousie maladive, qui n’a de cesse de pousser sa femme à l’infidélité pour justifier ses propres soupçons – Le Cocu magnifique de Fernand Crommelynck, ni avec le Sganarelle, cocu imaginaire de Molière. Ces deux derniers sont des personnages de comédie, de farce, des personnages caricaturaux qui prêtent plutôt à rire (ou à faire grincer des dents). Aimable Castanier, lui, est pitoyable, parce qu’il est humain, profondément humain. M’est revenue en mémoire, à cette occasion, une expression qu’on utilisait dans ma jeunesse (et qu’on utilise peut-être encore), au pays de Herve, pour désigner ce type de personnage qu’on rencontre quelquefois dans notre entourage : un mari complaisant, un cocu qui s’ignore ou qui feint de s’ignorer, est qualifié de magneû d’ blanc, de « mangeur de blanc ». Et l’expression n’était utilisée que dans cette acception-là. Ayant consulté mes dictionnaires de référence – le Petit et le Grand Larousse, le Petit et le Grand Robert, le Littré... – sans rien y trouver, j’en avais conclu un peu vite que cette expression était dialectale. Et j’avais même imaginé que ce blanc-là dont il est question dans l’expression n’était autre que le blanc d’œuf, de l’œuf qu’on fait gober cru, entier, et d’une traite, comme on peut faire prendre à tout gobeur naïf des vessies pour des lanternes XX . Les dictionnaires dialectaux Les lexicographes en langue régionale qui répertorient cette expression sont souvent peu explicites. Je n’ai trouvé le « mangeur de blanc » qu’en ces endroits : – Jean WISIMUS, dans son Dictionnaire populaire wallon-français en dialecte verviétois (1947), se contente de citer l’expression magneû d’ blanc, sub v° blanc, p. 50a, sans la traduire. – Anne-Marie FOSSOUL-RISSELIN, Le vocabulaire de la vie familiale à Saint-Vaast (1890-1914), Mémoire de la CTD (Commission de Toponymie et de Dialectologie), n° 12, p. 115 : « Un homme se fait-il entretenir par une femme ? On dira de lui : C’è-st-in manjeùr [sic pour l’accent] dè blanc (influence française). » [JL, lire Jean Lechanteur] – Léon MAES (1898-1956), dont Le Patois mouscronnois a été édité en 1979, écrit : « Minjeû d’ blanc, entremetteur. » (p. 33). [JL] – Joseph COPPENS, dans son Dictionnaire aclot wallon-français, du parler populaire de Nivelles (1950), sub v° mindjeû, cite « In mindjeû d’ blanc (souteneur). » (p. 259a). Et dans son Dictionnaire aclot français-wallon (1962), sub v° souteneur, il traduit « mindjeû d’ blanc », expression qu’il illustre de l’exemple suivant : « in mindjeû d’ blanc qui vike su l’ dos dès couméres ». – Michel FRANCARD, dans son Dictionnaire des parlers wallons du pays de Bastogne (1994), sub v° blanc, écrit : « C’è-st-ou mindjeû d’ blanc, litt. ‘c’est un mangeur de blanc’, c’est un proxénète. » (p. 173a). – P. MAHIEU, dans son Lexique picard, « meots a moute el’ bahut a meots, choix de textes », (1994) écrit : « minjeu d’ blanc : litt. mangeur de blanc, homme entretenu par une femme. » (p.158b) – Dans le BTD (Bulletin de toponymie et de dialectologie) XXVIII (1953), Élisée Legros fait un compte rendu très sévère – et sans appel – du Lexique liégeois (Dinant, Bourdeaux-Capelle, 1952) de Dominique Beaufort, dont voici un extrait : « Les temps ont bien changé depuis que Haust devait se défendre pour avoir admis trop de mots français ! De-ci de-là seulement, un mot à relever, du langage plus ou moins vulgaire d’aujourd’hui souvent : caca « jeune fat », mèyus´ « ivrogne », çoula n’ vout nin dîre tchèrète (que l’auteur n’est pas le premier à enregistrer)... Notons encore magneû d’ blanc [= franç. popul. bouffeur de blanc] « souteneur », omis volontairement par Haust, et aler so l’ bate à gauche « aller chez les femmes [sic] y demeurant [y, c’est so l’ bate, traduit « quai de Maestricht (à Liège) » : n’est-ce pas plutôt d’abord « quai de la Batte » ?... XX ] (p. 160). Dans son Dictionnaire populaire liégeois (2004), Simon Stasse recopie la même définition, sub v° blanc « magneû d’ blanc, souteneur » (p. 53) et sub v° magneû « Magneû d’ blanc, marlou, souteneur ; syn. mêsse dogueû. → makeû, maquero. » (p. 250a) De Mouscron à Verviers, de Nivelles à Bastogne... toute la partie francophone de notre pays connaît l’expression. On est passé de « mari complaisant » à « souteneur » ou à « proxénète ». Ou l’inverse. Rien ne permet vraiment d’assurer le sens dans lequel s’est faite cette évolution sémantique. Dans ce cas, le blanc d’œuf pourrait devenir un beau morceau, du blanc de poulet, par exemple. Dictionnaire de belgicismes De tous les dictionnaires de belgicismes, seul le dictionnaire des Belgicismes (Duculot, 1994), de W. Bal et alii, sub v° mangeur, cite « Un mangeur de blanc. Un souteneur. » (p. 87). Toutefois, le FEW (Französisches Etymologisches Wörterbuch), 6/1, 174b, désormais consultable sur Internet, écrit ceci sub v° manducare : « nfr. mangeur de blanc ‘homme qui se laisse entretenir par des femmes’ BL 1808, argot ‘souteneur’ (Michel 1856-SandryC 1953), ‘argot belge’ Lc, ‘bluffeur’ Lc. XX » Notons l’expression « argot belge ». Quelques enquêtes orales Il y a quelques années, faisant une petite enquête orale auprès de quelques amis et connaissances, j’ai reçu les modestes informations que voici : – Un ami borain m’écrivait ceci : « Je ne peux pas répondre pour toute la Picardie, mais le borain connaît minjeû d’ blanc dans le sens général de ‘profiteur’, celui qui vit aux dépens d’autrui, des femmes, de sa femme, sans qu’il y ait forcément connotation sexuelle ». – Dans le Condroz-Famenne, sans faire référence à un ‘pauvre type’ dont la femme (épouse, concubine) userait vénalement de « son cul » (comme m’a dit rabelaisiennement un Wallon du coin), on emploie aussi cette expression pour désigner tout profiteur. – Un témoin de Chênée (périphérie liégeoise) donne de magneû d’ blanc, dans un premier temps, la traduction « souteneur, maquereau », puis, dans un second temps, il traduit « un homme qui vit aux crochets de sa femme ». – Un ami verviétois, médecin, m’a fait le récit suivant : « Pendant ma 2e candidature, j’ai travaillé occasionnellement comme garçon de café en Outre-Meuse, l’établissement étant assez proche de la Batte et de son quartier chaud, maintenant un désert après le départ des prostituées. On était peu après mai 68. Un soir, le patron de l’époque, X***, m’a fait venir dans la cuisine pour bien me préciser, une fois pour toutes, que dans son établissement, il n’était pas question d’accepter des « mangeurs de blanc ». J’étais censé comprendre ; je n’ai pas osé lui demander d’explication et avouer à la fois ma naïveté et mes ignorances lexicales. Un autre garçon, comme moi, étudiant et travaillant en extra, m’a dit qu’il s’agissait des souteneurs, des proxénètes. Je n’ai jamais entendu cette expression que là, dans la bouche de X***, dans ce café... Dans l’acception de cocu plus ou moins consentant et pitoyable, je n’ai jamais entendu employer cette expression. » – Un ami herstalien (de la périphérie liégeoise), m’écrivait en 2004 : « Je pense que cette expression ne s’emploierait pas à propos des importateurs de filles de l’Est ou d’Afrique particulièrement actifs en ce moment. À mon humble avis, le mangeur de blanc est, si je puis risquer cette…

Léon Leloir. Un Père Blanc au destin contrarié par l’ombre de Degrelle

Qui, après avoir lu le livre de Fernand Lisse sur le Père Léon Leloir, pourra encore soutenir que les ecclésiastiques sont des hommes sans biographie ? Bien sûr, les vœux qu’ils prononcent les engagent sur la voie d’un total sacrifice de soi, dans la mesure où, épousant le Christ, ils se donnent, corps, biens et âme, à Dieu et à l’Église. Mais, pour eux, le renoncement et l’abnégation ne représentent pas la «  perte de soi  » ; ils permettent au contraire la construction d’une destinée spirituelle qui demeure inscrite dans une temporalité séculière, donc inscrite dans ce temps des hommes qu’on appelle l’Histoire. En cela, leur existence individuelle n’est pas moins intéressante à retracer que celle d’un écrivain, d’un militaire, d’un ingénieur, d’un artisan ou de n’importe quel inconnu qui ne mérite jamais de le rester. Il faut néanmoins reconnaître au « cas Leloir » une plus-value d’intérêt, liée à divers aspects de sa vie aussi intense que brève. D’abord l’étrange hasard parental qui en fait le cousin d’un certain Léon Degrelle, par la branche maternelle de son arbre généalogique. Puis la précocité de sa vocation, qui le pousse à requérir du Père Provincial des Pères blancs, Benoît Hellemans, d’être ordonné et envoyé le plus vite possible en mission à Maison-Carrée, en Algérie – l’adolescent de dix-sept ans à peine veut ainsi, comme il le clame dans sa lettre, remporter «  une éclatante victoire sur [s]a lâcheté  ». Enfin, par la multiplicité et le déploiement de ses activités au service de l’Église pendant près de vingt ans.On le voit à Carthage, assister le Père Delattre dans ses fouilles archéologiques, et à Tigazza, relisant Salluste. À Rome, échangeant avec des séminaristes polonais et rencontrant l’abbé Kiwanuka, «  premier homme de couleur élevé à l’épiscopat en Afrique centrale  » comme l’explique Lisse. Après avoir obtenu 48/50 à sa thèse intitulée La méditation mariale dans la théologie contemporaine , le voici nommé professeur au scolasticat de Louvain, où il met à profit son rare temps libre pour étudier Saint-Paul ou le prophétisme hébreu. À l’Université coloniale d’Anvers, il enseigne la missiologie et à Namur, il dirige Grands lacs , la plus importante revue missionnaire de langue française.La Seconde Guerre mondiale, dont il va être témoin et acteur des premiers jours de l’agression à la reddition du IIIe Reich, demeure cependant la période la plus mouvementée de son existence. Réfugié dans le Sud de la France, il prêche dans quatre paroisses rurales des Hautes-Pyrénées, où il commence l’écriture d’un roman. Contraint par Vichy de regagner la Belgique, il reprend la direction de sa revue et crée une collection littéraire. Leloir n’en néglige pas pour autant ses activités pédagogiques, puisqu’il développe un cours par correspondance pour de jeunes gens en carence de diplôme, en vue de leur préparation au Jury Central. Entre 1942 et 1944, sa route croise celle des maquisards, qu’il soutient activement. Insoucieux de toute prudence, Leloir est repéré, arrêté, et se retrouve incarcéré à la prison de Dinant avant d’échouer à Buchenwald, qu’il ne quittera qu’à la libération du camp le 18 avril 1945. Entre juin et juillet, c’est à Rome (où l’a invité l’ambassadeur près le Saint-Siège Jacques Maritain) qu’il témoignera de sa douloureuse expérience concentrationnaire. Puis il reprend ses prêches, ses activités éditoriales, initie une série de causeries à la radio… Gageons qu’il serait devenu l’une des figures intellectuelles catholiques les plus éminentes de l’après-guerre en Belgique s’il n’avait été tué, à trente-huit ans à peine, des suites d’un banal accident de la route, dans le Loiret le 29 septembre 1945.L’évocation du Père Leloir que signe Fernand Lisse est passionnante à maints égards. Elle permet de découvrir un homme de foi, de pensée et d’action, infatigable cheville ouvrière de la propagande missionnaire en métropole à travers sa revue à grand tirage, qu’il gère en communicateur mais aussi… en écrivain. Lisse souligne en effet l’entrisme du Père Leloir dans les milieux littéraires stratégiques de son temps (l’Association des Écrivains Belges par exemple) ainsi que son flair, quand il a l’initiative de créer, en complément à Grands Lacs , la collection Lavigerie, proposant un éventail varié de genres et de sujets et répondant au principe énoncé par Leloir «  Pour penser missionnaire, il faut lire missionnaire  ».Comme bien des études qui ont pour toile de fond le monde ecclésial, traversé de multiples courants de pensée, structuré en réseaux complexes et étendus, le travail de Fernand Lisse nous confronte à une autre réalité de la société belge, étrangère au grand public, car peu de noms cités dans ce volume sont passés à la postérité. On n’entre pourtant pas dans la vie du Père Leloir comme dans le couloir obscur d’un collège jésuite, où flotterait une vague odeur de cierge froid et où les murs ne seraient ornés que de portraits d’inconnus ; mais bien comme dans le dossier d’une enquête, complet de ses pièces les plus variées : correspondances, témoignages, photos, documents officiels, articles de presse, etc.Une telle investigation en profondeur n’apporte pas qu’un éclairage inattendu sur le «  Führer wallon  », en traitant de son cousin. C’est un véritable trésor archivistique qui s’ouvre là, sur un pan méconnu – ou complaisamment ignoré – de l’histoire de la Belgique catholique. Libre au lecteur ensuite d’y porter un jugement selon ses propres convictions ou opinions. L’essentiel est que l’information dont il dispose soit fiable. Mission…