Passage à Kiew


RÉSUMÉ

Préface de Dominique Hallin-BertinÀ propos du livre (extrait de la Préface)

Il est toujours passionnant d’assister à la naissance d’un romancier qui éprouve pour la première fois ses thèmes et son langage. Si l’on se hâte d’oublier un récit publié en 1922, Le Goût du malheur – que Marcel Thiry lui-même a d’ailleurs rayé de sa bibliographie…


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Si j'écris sur la Russie, ce n'est pas pour sacrifier à une mode. Cette mode-là est finie; voici longtemps que les danseurs russes, après s'être une ou deux saisons réfugiés au music-hall où ce commencement de leur disgrâce leur donnait une mélancolie de plus, se sont effacés du monde léger et brillant dont ils avaient été pendant douze ou treize ans les plus ardentes fleurs de flammes. Carrière des ballets russes, ouverte sur les scandaleux triomphes de Nijinski, coupée par 1914 alors qu'elle déclinait, puis traînant après l'armistice une éblouissante agonie parée de la gloire et du mystère du malheur! Où sont, où iront toutes celles dont nous avons aimé les noms en chute de neige, Nemtchinova, Tchernitcheva, celles qui savaient évoquer parfois en dansant le noblesse triste d'un palais de Peterhof aperçu un soir d'hiver, façade comme un visage sans regard, à travers les branches mortes d'un parc, et parfois le traktir où l'on boit du feu… Leurs images reposent comme en des herbiers entre les feuillets glacés des revues d'élégance. Je n'irai donc plus demander à ces spectacles de chants et de danses, à ces Chauves-Souris, à ces Coqs d'Or, l'écho de ces années de fin d'enfance où je traversais, avec mon insouciance et mon ignorance de très jeune soldat, l'inconnu du monde ruse ; il est temps que je recueille un peu de cette cendre de souvenirs d'une époque dont il ne va plus rien rester, pas même la vanité d'une vogue.

J'écris sur la Russie malgré des scrupules. Au cinéma, quand un auteur sans délicatesse nous montre sur l'écran un enfant qui pleure de faim ou que l'on maltraite, nous sommes émus et furieux d'être émus, parce que nous voyons bien qu'on abuse de notre sensibilité, qu'il n'y a pas besoin d'art pour nous toucher avec les simples photographies de pareilles misères; ce faiseur de films est un tricheur : il est trop facile de compter sur nos réactions naturelles; c'est comme si tel mime s'était vanté de nous tirer des larmes, et puis se contentait pour nous faire pleurer de peler des oignons sous nos yeux.

À PROPOS DE L'AUTEUR
Marcel Thiry
Auteur de Passage à Kiew
Marcel Thiry est né en 1897 à Charleroi. Il a quelques mois quand ses parents viennent s'établir à Liège, qui constituera son point d'attache et lui fournira un de ses décors du cœur.Il est élève à l'Athénée de Liège quand la guerre 1914-1918 éclate. Sur le point de terminer ses humanités, il abandonne ses études pour s'engager. Le chemin du front, pour lui, passera par la Hollande, l'Angleterre puis la France.C'est là que se constitue une unité d'autos-canons (des «blindées», disait-on alors, en mettant le mot au féminin, parce qu'on sous-entendait le mot voiture) où le recrutement s'effectue un peu par cooptation : Marcel Thiry et son frère Oscar y sont intégrés.En vue de renforcer l'allié russe, les Occidentaux lui envoient troupes et matériel.Les autos-canons s'embarquent à Brest le 21 septembre 1915, débarquent à Arkhangelsk et gagnent Tsarskoïe-Selo (aujourd'hui Pouchkine), dans la banlieue de Saint-Pétersbourg, où les accueille le tsar lui-même.L'unité participe à différentes opérations militaires jusqu'à la révolution de 1917. À la guerre avec l'Allemagne et l'Autriche- Hongrie succède la guerre civile: Blancs contre Rouges. Dans ce genre de conflit, la présence de soldats étrangers en armes est toujours cause de difficultés.Comme la guerre se poursuit à l'Ouest, les Belges sont amenés à regagner leur pays. Ils le feront par l'Est, par le chemin le plus long, c'est-à-dire en faisant le tour du monde. Ils empruntent le transsibérien cher à Blaise Cendrars : Omsk, Karbine, Vladivostok. De là, passage aux États-Unis où la troupe est accueillie avec délire. Défilés, fêtes. Il faut dire aussi que ces jeunes hommes, qui ont vu le feu, servent la propagande du président Wilson qui, après avoir mené une politique visant à tenir son pays à l'écart de la guerre, vient de décider d'y entrer, suite à différents événements préjudiciables à son pays.Retour à Bordeaux le 28 juin 1918; la guerre est proche de son terme.Démobilisé, Thiry n'est détenteur d'aucun diplôme. Mais l'État décide d'accorder des facilités à ceux qui, à vingt ans ou un peu plus, sont des anciens combattants. Thiry entre à l'Université de Liège où il obtient le titre de docteur en droit. Comme il le racontera lui-même dans Falaises, il réussira à être diplômé d'Université... sans avoir son diplôme d'humanités.Marcel Thiry plaide jusqu'en 1928, année où, à la suite du décès de son père, il lui succède dans le commerce des bois et charbons.Le voilà parmi les marchands. Il en connaîtra l'existence bousculée, les incertitudes; il connaîtra la faillite et des moments d'exceptionnelle aisance. Au fil du temps, il donnera la préférence au négoce des bois, ce qui lui permettra de circuler de la Hollande à la France et de chanter les villes et l'«astrale automobile».Avec les remous nés de la montée des fascismes, Marcel Thiry prend position contre les dictatures (Hitler n'est pas jeune). Pendant la guerre, il publie des textes aux Éditions de Minuit clandestines (cf. Pierre Seghers, La résistance et ses poètes).Élu dès 1939 à l'Académie de Langue et de Littérature Françaises de Belgique, il ne prononce son discours de réception qu'au lendemain du conflit, le 15 avril 1946. En 1960, il devient secrétaire perpétuel de cette Académie, et le reste pendant douze ans.Défenseur de la cause française et de la communauté francophone, Marcel Thiry est élu, en 1968, sénateur de Liège, sur une liste du Rassemblement wallon. À ce titre, il représentera notre pays à plusieurs sessions de l'O.N.U.Il décède en 1977.

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