Pa-drî l's-uréyes

RÉSUMÉ

À sa disparition, en février 2001, Jean Guillaume laissait une bonne vingtaine d’inédits, manuscrits, rassemblés sous le titre Pa-drî l’s-uréyes, qu’il destinait aux Cahiers wallons. Publiés en l’état, ils constituèrent le numéro de mars 2001 de la revue.

Édition modeste, confidentielle presque. Ces vers méritaient mieux, pour la simple raison qu’ils prolongent et couronnent les recueils majeurs.

Même nostalgie de la pureté originelle, même goût de terre, même soif de dépouillement et d’absolu : tous les thèmes se rejoignent pour conduire cette fois vers une manière d’apaisement final. Et l’on ne s’étonnera pas si la mort, qui affleure à chaque page, est assumée comme l’épilogue d’une aventure spirituelle, qui tout rassemble et tout guérit.

Concision de la pensée, concision de l’expression. Il faut à l’auteur peu de mots pour dire l’essentiel, d’autant qu’il privilégie la manière allusive ou la formule resserrée. Proche de l’oral, dénuée de toute littérature, la phrase repose sur quelques termes, quelques images, élus pour leur pouvoir de suggestion…

Discrètement, avec un rare bonheur d’expression contenue, Pa-drî l’s-uréyes s’en vient accomplir l’œuvre de Jean Guillaume, fixant son visage, désormais immuable.

(L’édition présente le texte dactylographié en regard du texte écrit de la main de l’auteur. Elle comporte une introduction et le glossaire prévu par Jean Guillaume.)

À PROPOS DE L'AUTEUR
Jean Guillaume

Auteur de Pa-drî l's-uréyes

Jean Guillaume nait à Fosse-la-ville en 1918, au sein d’une famille paysanne, dont le père est fermier et marchand de chevaux. Après des humanités gréco-latines au Collège Saint-Paul de Godinne-sur-Meuse, il entre au noviciat des Jésuites, à Arlon, en 1937. Il entreprend des candidatures en Philologie classique et en Philologie romane aux Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur et est diplômé en 1945. La même année, il rejoint la société littéraire Lès Rèlîs namurwès. En 1948, il obtient sa licence en romanes à l’Université de Liège avant de faire sa Philosophie et sa Théologie à l’Université catholique de Louvain. Il est ordonné prêtre le 15 aout 1951. En 1954, toujours à l’Université catholique de Louvain, il termine une thèse de doctorat consacrée à La Chanson d’Ève de Charles Van Lerberghe. À partir de cette même année et jusqu’à 1984, il enseigne la littérature aux FUNDP de Namur. Il décède en 2001, à Namur. Sa carrière académique s’est orientée autour de deux axes. D’une part, son intérêt porte sur la littérature française, et en particulier sur l’œuvre de Gérard de Nerval. En 1977, il crée ainsi le Centre de recherche NERVAL aux FUNDP, tandis que de 1984 à 1993, il réalise, avec Claude Pichois et Jacques Bony, l’édition des Œuvres complètes de Nerval dans la prestigieuse collection de La Pléiade (Gallimard). D’autre part, il fait découvrir les lettres wallonnes à ses étudiants et s’attache à l’édition critique de plusieurs auteurs wallons (Georges Willame, Michel Renard, Franz Dewandelaer), ainsi qu’à la réalisation de profils de poètes wallons (Jules Claskin, Gabrielle Bernard, Willy Bal, Émile Gilliard, Louis Remacle, Georges Smal, etc.), qui constituent La poésie wallonne, en 1984. Enfin, en tant qu’auteur wallon, avec notamment Willy Bal, Louis Remacle et Albert Maquet, il est l’une des figures importantes de la génération d’auteurs wallons s’illustrant au sortir de la deuxième guerre mondiale. En 1947, il propose son premier recueil de poésie wallonne : Djusqu’au solia. En 1948, il participe au recueil collectif Poèmes wallons. Au tournant des années cinquante, il publie trois recueils de poésies supplémentaires : Inte li vesprèye èt l’ gnût (1948), Grègnes d’awous’ (1949) et Aurzîye (1951). Ces recueils ont par ailleurs été rassemblés plus tard, dan Œuvres poétiques wallonnes (1989), sous l’égide de la Société de Langue et de Littérature Wallonnes et des Rèlis Namurwès. Deux recueils non publiés, Tchaudès cindes et Tot ç’ qui flame, sont en outre mentionnés dans le Bulletin de l’Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises. Le premier est daté de 1950 et a valu à l’auteur le Prix du Brabant, le second n’est pas daté. Après la mi-siècle, Jean Guillaume, pris par ses travaux sur Van Lerberghe puis Nerval, n’écrit plus en wallon, si ce ne sont quelques poèmes, publiés notamment dans les Cahiers wallons (Lès Rèlîs Namurwès). Son dernier poème est daté de « 2000, blanc’ sèm’di », soit le samedi saint de 2000, c’est-à-dire le 22 avril 2000. Ces écrits plus tardifs feront l’objet d’une édition posthume : Pa-drî l's-uréyes (2001, puis 2012), dont une partie était cependant déjà rédigée dès 1953. En 2007, son œuvre prend la forme d’archives sonores, sous la forme de 3 CD accompagnés d’un livret. L’essentiel de son œuvre poétique, produite en un laps de temps assez court, correspond à une période qui a sans doute représenté un tournant dans sa vie : il termine ses études, s’apprête à être ordonné prêtre, le devient…. Son œuvre peut sans doute être lue à cette lumière. Quoi qu’il en soit, les thématiques privilégiées de l’œuvre du père Guillaume sont le souvenir des parents et de l’enfance, la terre (en accord avec ses origines paysannes), les préoccupations sociales pour les simples gens et leurs souffrances, la référence à la guerre (qui vient à peine de se terminer) et l’inspiration religieuse, visible dès le liminaire de son premier recueil : « C’èst vos, mon Diè, qui mès simpès thansons / voûrin.n’ mostrer tot-au d’dilong di m’ voûye… » Ses écrits lui auront valu plusieurs prix : le prix Biennal de la Ville de Liège (1949), le prix de la province du Brabant (1950) et le prix triennal de littérature wallonne du Gouvernement (1952).    

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[Ils auront dérobé nos terres, / fermes et forêts, / peu à peu, sans fracas, / (…) comme des taupes / qu’on détecte toujours trop tard, / quand elles ont accompli leurs méfaits / et qu’elles ont tout creusé. // Une éternité / qu’on a quasi œuvré / sous tutelle, / (…) sur nos propres terres.] Ailleurs, il reprend les questionnements d’ordre métaphysique qui traversaient À ipe , cette autre œuvre importante, rééditée dans la collection micRomania en 2021. Èt si nosse bole âréve bukéconte one sitwale ? […] Èt nos-ôtes bèrôderèt r’nachî à non-syinceaprès l’ dêrène ruwale ? [Et si notre globe / avait cogné une étoile ? (…) // Nous aurions erré, / cherché inutilement / une ultime issue ?] Ces deux veines majeures de l’œuvre gilliardienne — le questionnement sur l’homme et son environnement, la défiance envers l’exploiteur, en communion avec tous les exploités — trouvent un point de rencontre dans les pages les plus fortes du recueil. C’est alors la métaphore de la maison qui exprime la détresse du « je » (non, du « dji » ) face aux communs massacrés au bénéfice de quelques-uns. ’L ont rauyî djustotes lès pîres dissotéyesèt lès tchèssî au lon,à gros moncias.Èt c’èst cauzucome s’il ârén´ ieû v’luchwarchî è vike,chwarchî è m’ pia.Come si l’ maujoneâréve ieû stîon niër, on burton d’ mès-oûchas. [Ils ont arraché / toutes les pierres descellées / et les entasser au loin, / et c’est quasi comme / s’ils avaient voulu / m’écorcher vif, / charcuter ma peau, / comme si la maison eût été un nerf, / un moignon de mes os.] De manière plus explicite, Émile Gilliard fait le lien avec le désastre écologique dans le poème d’épilogue, écrit spécialement en vue de cette deuxième édition. Vêrè ként’fîye on djoûki l’eûwe ni gotinerè pus wêre foû dès sourdants.On s’ capougnerè po sayî d’ ramouyî sès lèpes.Vêrè ki l’ têre toûnerè à trîs et tot flani,ki nos maujones si staureront su nos djoûs,èt nosse lingadje ni pus rén volu dîre. [Peut-être viendra-t-il un jour / où l’eau filtrera à peine de la source. / On s’empoignera pour se rafraîchir les lèvres. / Une terre stérile fera flétrir les plantes. / Notre maison s’écrasera sur nos jours, / et notre langue n’aura plus de sens.] Au possible effondrement des équilibres naturels fait écho ici celui d’une langue. Bokèts po l’ dêrène chîje est aussi traversé des préoccupations d’un homme qui a donné tous ses loisirs à la langue wallonne et laisse parfois libre cours à son pessimisme : « po ç’ k’il è d’meûre : / on batch di cindes èt dès spiyûres, / sacants scrabîyes / k’on îrè cheûre èt staurer sul pî-sinte » [ « pour ce qu’il en reste : / un bac de cendres, des déchets, / des escarbilles / à secouer et à répandre sur le sentier » ]Et c’est en cela que cette réédition prend une valeur supplémentaire : en redonnant à lire des poèmes qui ne taisent pas son sentiment de lassitude et d’isolement, elle nous rappelle que leur auteur a toujours su le dépasser. Émile Gilliard, en effet, n’a jamais cessé d’écrire dans sa langue première et a consacré ses dernières années à d’importants travaux philologiques. Ce livre prend donc, en creux, la valeur d’une ode à sa résilience et à son formidable engagement. Julien Noël Les traductions offertes ici sont les adaptations littéraires de l’auteur. Plus d’information Ce tryptique a été publié artisanalement, en wallon, à compte d'auteur, en tirage restreint, en 2004. Le dernier volet Crèchinces a également fait l'objet d'un numéro des Cahiers wallons . La présente édition est assortie d'une adaptation en langue française. L'ordre des textes comporte des modifications et un poème d'épilogue résume l'esprit du recueil. L'actuelle situation du monde donne à ces poèmes un reflet d'authenticité. Y pointent heureusement des germes d'espérance et de lumière. 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