Les idées des autres

RÉSUMÉ

(Pour l’amusement des lecteurs oisifs)
Une anthologie de textes choisis par Simon Leys qui tendent à montrer la façon dont certaines personnes forgent leur culture à partir des pensées des autres.

À PROPOS DE L'AUTEUR
Simon Leys

Auteur de Les idées des autres

Pierre Ryckmans naît le 28 septembre 1935 à Bruxelles, de parents d'origine anversoise, grands amateurs de livres. Dès 1955, étudiant en droit et en histoire de l'art à Louvain, il participe à une délégation de jeunes Belges invités en Chine. Ce voyage initiatique déterminera le cours de son itinéraire intellectuel et de sa carrière sinologique. Ses études en Belgique terminées, son apprentissage de la Chine se passe de 1959 à 1970, à Taiwan, à Singapour et à Hong-Kong. C'est au contact des milieux universitaires et des réalités vécues dans ces grandes banlieues extrêmement actives et dynamiques d'une Chine continentale alors en proie à une révolution chaotique que s'accomplit sa seconde éducation, élective celle-ci. Le double accès à la Chine, savant et quotidien, alimentera l'étonnante diversité d'une bibliographie où les austères travaux d'érudition classique de Pierre Ryckmans voisinent avec les flamboyants pamphlets d'actualité politique de Simon Leys. Il favorisera aussi l'éclosion d'une vocation littéraire et d'une indépendance d'esprit qui cadraient mal avec les contraintes académiques de la sinologie conventionnelle. Ce qui constitue en effet la marque singulière de l'apport de Pierre Ryckmans à la sinologie, c'est bien la qualité littéraire de tous ses ouvrages. Avec lui, on redécouvre que la littérature n'est pas ornement, mais la force et la vérité même du langage. Il est fort rare que ces facultés soient mises au service de la science! Ses deux premiers ouvrages relèvent du versant classique de son activité. Dans les Propos sur la peinture du moine Citrouille-amère, pour l'étude du célèbre traité de Shitao (début du XVIIIe siècle) qui se situe à la fois au terme et au sommet d'une littérature esthétique développée durant quelque mille cinq cents ans, Ryckmans privilégie une approche rigoureusement philologique. Il s'agit donc d'accompagner la traduction du traité d'un glossaire des termes philosophiques, esthétiques et techniques. L'édition originale (1970) portait en sous-titre «Contribution à l'étude terminologique des théories chinoises de la peinture» et ne s'adressait qu'à une audience spécialisée. Mais le livre fut repris ensuite par un éditeur commercial (1984) pour atteindre le grand public, plus particulièrement celui des artistes. Toujours dans le domaine de la peinture, on signalera au passage que les notices biographiques des grands peintres rédigées par Ryckmans pour l'Encyclopaedia universalis constituent à ce jour une des plus abordables et des plus sûres introductions à l'histoire de la peinture chinoise. Avec sa traduction de Shen Fu, Six récits au fil inconstant des jours (1966; réédition 1982), Ryckmans aborde une série de traductions littéraires. Les mémoires de Shen Fu constituent un document unique sur la vie quotidienne dans la Chine de la fin du XVIIIe siècle. Il s'attache aussi à Guo Mo-ruo : Mes années d'enfance (1970) et à Chen Jo-hsi : Le Préfet Yin. Un séjour prolongé à Hong-Kong aboutit à la publication presque simultanée de deux livres; le premier, La vie et l'œuvre de Su Renshan, rebelle, peintre et fou, 1814-1849 (1970) est une monographie sur un peintre maudit dont la personne et l'œuvre échappèrent de peu à un oubli complet. Cette méditation sur la fragilité de la mémoire historique se présentait comme un travail classique d'histoire de l'art (couronné du prix Stanislas Julien, de l'Institut de France, la plus haute récompense couronnant un ouvrage sinologique), mais il préfigurait aussi cette conception de la mission morale de l'historien qu'allait développer Simon Leys dans sa dénonciation de l'imposture maoïste. Simon Leys est né avec Les habits neufs du président Mao : chronique de la révolution culturelle (1971). Le style de combat du livre ne doit pas masquer qu'il s'agit essentiellement d'un travail de recherche et d'analyse politique dont les jugements, qui firent scandale à l'époque, furent entièrement confirmés par les événements qui suivirent l'ère maoïste. Récit personnel d'un séjour en Chine, Ombres chinoises (1974) est une dénonciation du mensonge maoïste et de la complicité de ses thuriféraires occidentaux. Traduit en neuf langues et couronné de nombreux prix, Ombres chinoises devait consacrer la réputation internationale de son auteur. Deux recueils d'essais sur la culture et la politique chinoises, La Forêt en feu (1983) et L'humeur, l'honneur, l'horreur (1991) permettent à l'universitaire Ryckmans et au pamphlétaire Leys de se rejoindre en un seul auteur. La jonction de l'érudition et de la polémique permet également à l'écrivain, avec un court essai sur 0rwell ou l'horreur politique (1984), de s'acquitter d'une dette intellectuelle et morale envers un des esprits les plus lucides et les plus courageux de notre siècle — comme il l'avait déjà fait dix ans plus tôt envers l'Orwell chinois : Lu Xun (La mauvaise herbe de Lu Xun dans les plates-bandes officielles, 1975). Un des plus ambitieux de tous ses travaux littéraires, paradoxalement, n'est pas un travail chinois : il s'agit de sa traduction d'un classique américain de 1840, Richard Henry Dana : Deux années sur le gaillard d'avant (1990), chef-d'œuvre de la littérature de la mer qui avait inspiré Melville. La Mort de Napoléon (1986) est le seul ouvrage de fiction publié à ce jour par Simon Leys. Comme tel, il a marqué un tournant dans sa carrière. Traduit en plusieurs langues, dont prochainement le japonais, c'est dans sa version anglaise que The Death of Napoleon semble avoir trouvé sa forme la plus naturelle et sa langue véritablement maternelle, ce que confirment ses multiples rééditions anglaises, les prix littéraires qui lui ont été décernés en Angleterre et en Australie. Cette affinité avec la sensibilité anglo-saxonne, réelle et profonde, a fait de Simon Leys un écrivain de langue anglaise à part entière. Simon Leys a été élu à l'Académie le 10 novembre 1990. Simon Leys est mort à Sidney le 11 août 2014.

AVIS D'UTILISATEURS

FIRST:xfirstword - "Les idées des autres"
stdClass Object ( [audiences] => [domains] => Array ( [0] => 9174 ) )

Ceci pourrait également vous intéresser...

Marie Gevers et la nature

À propos du livre Née il y a près de cent ans (le 30 décembre 1883),…

Le fantastique dans l’oeuvre en prose de Marcel Thiry

À propos du livre Il est toujours périlleux d'aborder l'oeuvre d'un grand écrivain en isolant un des aspects de sa personnalité et une des faces de son talent. À force d'examiner l'arbre à la loupe, l'analyste risque de perdre de vue la forêt qui l'entoure et le justifie. Je ne me dissimule nullement que le sujet de cette étude m'expose ainsi à un double danger : étudier l'oeuvre — et encore uniquement l'oeuvre en prose de fiction — d'un homme que la renommée range d'abord parmi les poètes et, dans cette oeuvre, tenter de mettre en lumière l'élément fantastique de préférence à tout autre, peut apparaître comme un propos qui ne rend pas à l'un de nos plus grands écrivains une justice suffisante. À l'issue de cette étude ces craintes se sont quelque peu effacées. La vérité est que, en prose aussi bien qu'en vers, Marcel Thiry ne cesse pas un instant d'être poète, et que le regard posé sur le monde par le romancier et le nouvelliste a la même acuité, les mêmes qualités d'invention que celui de l'auteur des poèmes. C'est presque simultanément que se sont amorcées, vers les années vingt, les voies multiples qu'allait emprunter l'oeuvre littéraire de M. Thiry pendant plus de cinquante années : la voie de la poésie avec, en 1919, Le Coeur et les Sens mais surtout avec Toi qui pâlis au nom de Vancouver en 1924; la voie très diverse de l'écriture en prose avec, en 1922, un roman intitulé Le Goût du Malheur , un récit autobiographique paru en 1919, Soldats belges à l'armée russe , ou encore, en 1921, un court essai politique, Voir Grand. Quelques idées sur l'alliance française . Cet opuscule relève de cette branche très féconde de son activité littéraire que je n'étudierai pas mais qui témoigne que M. Thiry a participé aux événements de son temps aussi bien sur le plan de l'écriture que sur celui de l'action. On verra que j'ai tenté, aussi fréquemment que je l'ai pu, de situer en concordance les vers et la prose qui, à travers toute l'oeuvre, s'interpellent et se répondent. Le dialogue devient parfois à ce point étroit qu'il tend à l'unisson comme dans les Attouchements des sonnets de Shakespeare où commentaires critiques, traductions, transpositions poétiques participent d'une même rêverie qui prend conscience d'elle-même tantôt en prose, tantôt en vers, ou encore comme dans Marchands qui propose une alternance de poèmes et de nouvelles qui, groupés par deux, sont comme le double signifiant d'un même signifié. Il n'est pas rare de trouver ainsi de véritables doublets qui révèlent une source d'inspiration identique. Outre l'exemple de Marchands , on pourrait encore évoquer la nouvelle Simul qui apparaît comme une certaine occurrence de cette vérité générale et abstraite dont le poème de Vie Poésie qui porte le même titre recèle tous les possibles. Citons aussi le roman Voie-Lactée dont le dénouement rappelle un événement réel qui a aussi inspiré à M. Thiry la Prose des cellules He La. Je n'ai donc eu que l'embarras du choix pour placer en épigraphe à chaque chapitre quelques vers qui exprimaient ou confirmaient ce que l'analyse des oeuvres tentait de dégager. Bien sûr, la forme n'est pas indifférente, et même s'il y a concordance entre les thèmes et identité entre les motifs d'inspiration, il n'y a jamais équivalence : le recours à l'écriture en prose est une nécessité que la chose à dire, à la recherche d'un langage propre, impose pour son accession à l'existence. C'est précisément aux «rapports qui peuvent être décelés entre ces deux aspects» de l'activité littéraire de Marcel Thiry que Robert Vivier a consacré son Introduction aux récits en prose d'un poète qui préface l'édition originale des Nouvelles du Grand Possible . Cette étude d'une dizaine de pages constitue sans doute ce que l'on a écrit de plus fin et de plus éclairant sur les caractères spécifiques de l'oeuvre en prose; elle en arrive à formuler la proposition suivante : «Aussi ne doit-on pas s'étonner que, tout en gardant le vers pour l'examen immédiat et comme privé des émotions, il se soit décidé à en confier l'examen différé et public à la prose, avec tous les développements persuasifs et les détours didactiques dont elle offre la possibilité. Et sa narration accueillera dans la clarté de l'aventure signifiante plus d'un thème et d'une obsession dont son lyrisme s'était sourdement nourri.» Car, sans pour autant adopter la position extrême que défend, par exemple, Tzvetan Todorov dans son Introduction à la littérature fantastique, et qui consiste à affirmer que la poésie ne renvoie pas à un monde extérieur à elle-même, n'est pas représentative du monde sensible (et d'en déduire — j'y reviendrai dans la quatrième partie — que poésie et fantastique sont, pour cette raison, incompatibles), on peut cependant accepter comme relativement sûr que la traduction en termes de réalité ne s'opère pas de la même façon lors de la lecture d'un texte en prose ou d'un poème. C'est donc tout naturellement qu'un écrivain recourra à la prose, dont l'effet de réel est plus assuré, dont le caractère de vraisemblance est plus certain, chaque fois qu'il s'agira pour lui, essentiellement, d'interroger la réalité pour en solliciter les failles, d'analyser la condition humaine pour en déceler les contraintes ou en tester les latitudes. Le développement dans la durée permet l'épanouissement d'une idée, la mise à l'épreuve d'une hypothèse que la poésie aurait tendance à suspendre hors du réel et à cristalliser en objet de langage, pour les porter, en quelque sorte, à un degré supérieur d'existence, celui de la non-contingence. Il n'est sans doute pas sans intérêt de rappeler que, dans un discours académique dont l'objet était de définir la fonction du poème, M. Thiry n'a pas craint de reprendre à son compte, avec ce mélange d'audace et d'ironie envers lui-même qui caractérise nombre de ses communications, cette proposition de G. Benn et de T. S. Eliot pour qui la poésie n'a pas à communiquer et qui ne reconnaissent comme fonction du poème que celle d'être. La projection dans une histoire, l'incarnation par des personnages, la mise en situation dans un décor comme l'utilisation de procédés propres à la narration permettent une mise à distance qui favorise l'analyse et la spéculation et qui appelle en même temps une participation du lecteur. Parallèlement, on peut sans doute comprendre pourquoi presque toute l'oeuvre de fiction est de nature fantastique ou, dans les cas moins flagrants, teintée de fantastique. Car la création d'histoires où l'étrange et l'insolite ont leur part est aussi une manière de manifester ce désir de remettre en cause les structures du réel ou tout au moins de les interroger. Pour l'auteur d' Échec au Temps , la tentation de l'impossible est une constante et l'événement fantastique est le dernier refuge de l'espérance. Son oeuvre se nourrit à la fois de révolte et de nostalgie. Révolte contre l'irréversibilité du temps humain dans Échec au Temps , révolte contre le caractère irréparable de la mort qui sépare ceux qui s'aiment dans Nondum Jam Non , dans Distances , révolte contre l'injustice des choix imposés à l'homme dans Simul , révolte contre les tyrannies médiocres du commerce dans Marchands … Nostalgie du temps passé, du temps perdu, du temps d'avant la faute, nostalgie de tous les possibles non réalisés, de la liberté défendue, de la pureté impossible. Nostalgie complémentaire de la révolte et qui traverse toute l'oeuvre de Marcel Thiry comme un leitmotiv douloureux. Comme l'écrit Robert Vivier, «le thème secret et constant de Thiry, c'est évidemment l'amour anxieux du bonheur de vivre ou plus exactement peut-être le désir, perpétuellement menacé par la lucidité, de trouver du bonheur à vivre». Où trouver, où retrouver un bonheur que la vie interdit sinon dans la grande surprise du hasard qui suspendrait les lois du monde? La première maîtresse de ce hasard est justement la…