Le souffleur de feuilles. La biodiversité n’est pas un luxe, elle est vitale





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Marc SCHMITZ (coordination), Le souffleur de feuilles. La biodiversité n’est pas un luxe, elle est vitale, Préface de Vinciane Despret, Couleur livres, 2022, 128 p., 12 €, ISBN : 9782870039342C’est à partir d’un lieu bien précis, de la réserve naturelle du Kinsendael située dans le sud de Bruxelles que l’ouvrage collectif Le souffleur de feuilles. La biodiversité n’est pas un luxe, elle est vitale interroge les ressources conceptuelles et les scénarios à mettre en œuvre sur le terrain afin de fabriquer « des mondes encore habitables » (Vinciane Despret) où se nouent des liens harmonieux entre humains et non-humains. Composé d’acteurs issus de diverses disciplines, un collectif de contributeurs (Isabelle Stengers,…


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Une autre fin du monde est possible. Vivre l’effondrement (et pas seulement y survivre)

Après le remarqué Comment tout peut s’effondrer sorti en 2015, les ingénieurs agronomes Pablo Servigne, Gauthier Chapelle et l’écoconseiller Raphaël Stevens,  « chercheurs in-Terre indépendants »,  poursuivent leurs réflexions dans un essai qui prolonge la « collapsologie » (dont ils sont les pionniers) en une collapsosophie. L’axiome des collapsonautes se définit comme «  apprendre à vivre avec  », avec la catastrophe en cours, avec la débâcle environnementale, avec l’effondrement de la société actuelle. De ce diagnostic condensé dans le vocable de collapsologie découle la mise en œuvre d’une éthique, d’une collapsosophie. S’appuyant sur un tableau clinique précis, incontestable (l’humanité menacée d’extinction dans le sillage de l’hécatombe de la biodiversité), les auteurs proposent des pistes fécondes qui réconcilient «  méditants  » et «  militants  », qui explorent l’idée de ré-ensauvagement, de nouvelles manières de coexister avec les non-humains, d’habiter la Terre. Lire aussi : un extrait d’ Une autre fin du monde est possible Croire que les choses peuvent encore être modifiées, redressées globalement relève à leurs yeux d’une illusion. Le futur n’existe que barré par l’impossible. Face à cet impossible, l’appel est lancé : creuser des niches, des îlots au cœur de l’apocalypse, inventer à la fois un chemin, un salut intérieur et des actions collectives dotées d’un impact sur l’extérieur. On a parfois l’impression que, pour les auteurs, les jeux sont faits. Il ne resterait qu’à assister au déferlement du pire en assortissant la course à l’abîme d’une morale stoïcienne. Un stoïcisme prônant, dans le fil du stoïcisme antique et de Descartes, de changer soi-même, son rapport au monde plutôt que l’état des choses. Or, les jeux ne sont jamais faits même lorsqu’ils semblent l’être. L’accent porté sur le «  l’activisme de l’âme  » minore par endroits la recherche d’une collapsosophie vue comme un prérequis à la politique, à une tentative d’infléchir la marche des choses. Dans cet «  apprendre à vivre avec l’effondrement  », on peut lire une sagesse mais aussi l’acceptation d’une défaite. Le présupposé discutable du (sur-)vivalisme, de la collapsologie est celui de l’inéluctable : l’effondrement, la pulsion de mort, l’autodestruction est un fait entériné sur lequel nous n’avons plus prise. Tout se réduit alors à un sauvetage moral, à une prise de conscience, à une résilience qui s’accompagne, certes, d’activités locales de résistance, ZAD, laboratoires de créativité, activisme. La phrase de Valéry, «  Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles  » engage le choix d’un «  Changement de Cap  » (Joanna Macy), à savoir l’alliance entre activisme, proposition d’alternatives concrètes et changement intérieur. «  Au service du vivant  », les auteurs en appellent à des mobilisations collectives créant les rapports de force nécessaires afin de rompre avec le néolibéralisme. Le principe de responsabilité à l’égard des générations futures formulé par Hans Jonas implique de léguer un monde viable, digne d’être vécu, tissant de nouveaux «  liens réels avec le sauvage retrouvé  », dans une harmonie entre les formes du vivant.Louons les auteurs de parier pour la mise en œuvre des passions joyeuses de Spinoza, pour une résistance au camp de ceux qui détruisent la Terre, ses écosystèmes, ses collectifs humains et non-humains. À l’heure où le deuil de l’idée de révolution affaiblit en un sens la logique de la résistance, Une autre fin du monde est possible oppose salutairement un contre-feu au nihilisme, et ce, en dépit de l’oscillation relevée. La possibilité de prendre les armes, de lutter contre ceux qui mènent le monde à la ruine se dessine.  «  Le contrat politique avec les autres qu’humains n’est pas à réinventer, il est d’abord à découvrir chez eux ! À quoi pourrait ressembler un immense parlement interspécifique ? (…) Les animaux, les arbres, les champignons et les microbes  ne sont pas des êtres passifs, ce sont de redoutables politiciens. Ce sont même des paysagistes, et même des activistes, car ils transforment la terre depuis des millions d’années, contribuant ainsi à former et à maintenir la zone critique , ce minuscule espace de vie commun sur lequel nous vivons, et dans lequel nous puisons sans relâche. Autrement, ils nous donnent (…) Cette…

L’écrivain et le politique. Six essais sur Yourcenar

Tanguy DE WILDE D’ESTMAEL (dir.), L’écrivain et le politique. Six essais sur Yourcenar , Avant-propos de Jacques De Decker, Presses Universitaires de Louvain, 2018, 114 p., 14,50 € / PDF : 9,99 €, ISBN : 978-2-87558-728-2 Actes de la journée qui s’est tenue à l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique le 19 décembre 2017 à l’occasion du trentième anniversaire de la disparition de Marguerite Yourcenar, L’écrivain et le politique. Six essais sur Yourcenar interroge le rapport de l’auteure de Mémoires d’Hadrien, L’œuvre au noir, Le coup de grâce au politique. Un rapport de prime abord peu évident tant il est médié par le souci de l’universalisme. Jacques De Decker qui signe l’avant-propos, Bruno Blanckeman, Michèle Goslar, Tanguy de Wilde, Luc Devoldere dégagent la spécificité de Yourcenar, à savoir un détachement, une méfiance envers la politique (en tant que gestion des affaires humaines) et un intérêt omniprésent pour le politique. Cet intérêt se traduit doublement, au niveau de son œuvre et au niveau de sa vie, notamment au travers de ses engagements écologiques à une époque où seuls quelques visionnaires, des décennies avant le réchauffement climatique qui frappe la planète, alertaient sur la crise environnementale, la sixième extinction des espèces animales, la déforestation, le saccage des écosystèmes et de la biodiversité. Au travers des six interventions (Bruno Blanckeman, Francesca Counihan, Luc Devoldere, Michèle Goslar, Alexandre Terneuil, Tanguy de Wilde), deux champs de questionnement se dessinent : d’une part, «  le grand livre du politique  » (Bruno Blanckeman) qu’est Mémoires d’Hadrien (1951), chef d’œuvre qui, dans une vision rétrospective à vertu prospective, sonde l’empire d’Hadrien, plonge dans le passé afin de proposer des schèmes d’intelligibilité, des modèles politiques à l’exercice du pouvoir après la Deuxième Guerre mondiale, d’autre part, la pensée écologique que, pionnière, Yourcenar a déployée dans ses romans, ses essais. Comme l’évoque Michèle Goslar, ses préoccupations se déplaceront de l’histoire à la géologie, de l’homme à la Terre : si «  elle a constamment dénoncé les brutalités à l’égard des bêtes, la pollution des eaux, de la terre et des airs, elle alerta une des premières sur les risques de percement de la couche d’ozone, milita contre l’abattage des jeunes phoques au Canada (…), fustigea la destruction des forêts, les dangers de l’industrialisation (….), la production de l’inutile et des gadgets  ».Méditations sub specie aeternitatis sur un modèle de gouvernance avec l’empereur Hadrien, interrogations sur la tension entre «  idéal et principe de réalité  » (Bruno Blanckeman) dans l’exercice du pouvoir… Yourcenar éclaire le présent, ses apories, par sa confrontation avec un passé antique, avec le passé de la Renaissance ( L’œuvre au noir ) ou l’Italie mussolinienne ( Denier du rêve ) autant qu’elle réinterprète le jadis par l’éclairage que lui procure notre présent. Dans ce jeu sur des temporalités éloignées qui se croisent, l’Histoire, sa mémoire se voient ressaisies sous la focale intemporelle d’une vision métaphysique des âges de l’humanité et de la Terre.Deux figures se découpent dans son œuvre : l’empereur Hadrien en qui se condense la quête du dirigeant à la hauteur de sa tâche (creusement de la question platonicienne «  quel individu fera un bon gouvernant pour les autres hommes ?  ») et Zénon comme figure de résistance à l’intolérance, à l’entreprise de domestication du monde, une entreprise prométhéenne d’apprentis sorciers qui mena à la dévastation actuelle de la Terre. Au travers de Zénon, Yourcenar met en garde ses contemporains et les générations futures contre le pouvoir de destruction que l’homme exerce sur lui-même et sur les formes du vivant. «  L’homme est une entreprise qui a contre elle le temps, la nécessité, la fortune, et l’imbécile et toujours croissante primauté du nombre (…) Les hommes tueront l’homme  » ( L’œuvre au noir ).Nous avons, depuis lors, été sourds aux cris d’alerte lancés par Yourcenar et d’autres sentinelles de la lucidité. Celle qui milita et mit en garde contre les conséquences planétaires délétères d’une métaphysique occidentale au sein de laquelle l’homme, «  maître et possesseur de la nature  » (Descartes), est «  le prédateur-roi, le bûcheron des bêtes et l’assassin des arbres  » (Yourcenar), celle qui s’inquiétait de la possibilité grandissante «  de la destruction de la Terre elle-même  » ne pourrait qu’exprimer son désespoir si elle revenait, le temps d’une permission, sur une planète dévastée, ayant perdu en quarante ans et continuant de perdre à un rythme accéléré ses forêts, soixante pourcents des espèces animales, dans une détérioration assassine de l’Indice Planète…