Dimanche 13 septembre, trois heures du matin…
Dans une ruelle de Venise, un homme court à perdre haleine. À ses basques, trois malfrats armés jusqu’aux dents. L’homme réussit à échapper à ses poursuivants. Juste le temps de briser la vitrine d’une agence de voyages. Juste le temps de gribouiller quelques mots sur une feuille de papier et d’engager la feuille dans un fax. Deux secondes plus tard, l’homme meurt, criblé de balles. Mais le fax est bel et bien envoyé. Il y est écrit : « Largo Winch, prenez garde au doge et à… ». Le bal peut commencer.
Éric Derkenne a fait du visage le théâtre de ses précises opérations.Jour après jour cerné de lignes ombrageuses, le siège du combat se disloque en de sombres cavités. Les yeux, les oreilles, les narines, la bouche sont autant de gouffres que l'artiste sonde inlassablement et qui emportent celui qui les scrute dans des tourbillons vertigineux. Les têtes prennent corps et dans ce bataillon de figures totémiques, chaque soldat se distingue grâce à une infinité de détails graphiques.Parti d'un bigbang de formes colorées et isolées dans l'espace, Éric Derkenne a mis en place au fil des ans une méthode précise et immuable, un réseau de circonvolutions de cercles et de serpentins qui envahit la feuille blanche, donnant naissance à d'énigmatiques portraits. Tel une « dentellière du stylo à bille », il s'est abîmé avec application dans ce lent ouvrage de tissage, d'entrelacement de lignes, ceignant sa propre image, par maints assauts répétés. À l'identité qui défaille, Éric Derkenne a répondu…