L’auteur de ce livre n’aurait plus besoin d’être présenté au public si sa modestie ne se cachait derrière son métier de journaliste. Il est cependant de cette catégorie d’hommes de lettres qui s’adonnent au journalisme parce qu’ils ont une véritable vocation de romancier. Si Stanley, le plus grand reporter du siècle dernier, s’est laissé accaparer par l’information quotidienne, c’est qu’il y puisait des faits vécus plus romanesques que toute aventure imaginée. Stanley courut, durant sa vie entière, à la recherche d’histoires vivantes pour alimenter les feuilles américaines et anglaises. « Il était fou de journaux ! », écrivait ironiquement Trader Horn.
Aussi bien, l’aventure la plus étonnante n’est point celle qu’on invente, mais plutôt l’imprévisible, à laquelle on ne croyait pas. La simple aventure s’offre comme un but visé d’avance. Pour Stanley, elle consistait à retrouver les traces de Livingstone. Mais la véritable aventure de l’écrivain anglo-saxon fut la découverte du fleuve Congo, dont la relation passa pour du roman auprès des graves savants britanniques. Il fallut la clairvoyance du roi Léopold II pour deviner sous l’apparente invraisemblance du récit, l’authenticité de l’observation. Voilà ce qu’il importe de se rappeler avant d’aborder la lecture de la Griffe du Léopard.
Ce n’est pas le premier roman de M. André Villers, qui a déjà publié la Clé de la Nuit, dont la R.A.F. en Grande-Bretagne forme le cadre. Précisément, l’éditeur de ce volume nous a renseigné sur la personnalité de l’écrivain. Pendant vingt ans, celui-ci a parcouru toutes les régions du globe, un bloc-notes dans la poche, complété d’un appareil photographique en bandoulière. L’année 1930 le trouve au cœur de l’Afrique. A cette époque, la crise mondiale devait priver beaucoup de coloniaux de leur emploi. André Villers n’est pas de ceux que les circonstances découragent. Bon chasseur, il se rend à Stanleyville et obtient du gouverneur de la province un permis de chasse à l’éléphant…