Melchior Marmont voudrait bien ne pas mourir avant l’an 2000. Nous sommes au milieu des années quatre-vingt et il est en bonne santé, même si la mort de sa femme l’a beaucoup diminué, même s’il vient d’enterrer son frère aîné. Il a longtemps été producteur de films, a connu beaucoup de gens célèbres, et des télévisions le pressent de se raconter en public. Il hésite. Il préférerait publier ses Mémoires, en en confiant la rédaction à son fils, poète, qu’il a entretenu jusqu’à présent. Etrange collaboration qui n’est pas sans rappeler le couple Méphisto-Faust. Le jour de son anniversaire, Melchior surprend tout le monde en annulant la fête prévue par sa famille et annonce qu’il va tourner un film dont il sera scénariste, réalisateur et producteur : la Démence du boxeur. Le tournage sera très difficile, et sans Linda, une jeune actrice inconnue dont il veut faire une vedette, Melchior aurait-il eu la force de terminer, à quatre-vingt-cinq ans, son premier long métrage ? Plus tard, réfugié dans la maison où il a passé son enfance, un malaise lui fera connaître quarante-huit heures de ce qu’il appellera une extase. Il aura l’impression, ou l’illusion, de comprendre, enfin et pour toujours, ce que signifie le fait d’être vivant. Loin de l’adoucir ou de le faire basculer dans le mysticisme, cette « extase » le rend prêt à affronter la suite et fin de sa vie dans le refus de tout. « Tu me parlais de Faust, dira-t-il à son fils, je ne veux pas finir comme lui, enlevé au ciel par des anges sous une pluie de roses. Quelle indécence ! »
Auteur de La démence du boxeur
Ni pardon, ni talion : la question de l'impunité dans les crimes contre l'humanité
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