On m’excusera de « préfacer » moi-même ce livre. Mais au moment de mettre le point final aux pages de ces cahiers, l’idée m’est venue de dire, le plus simplement du monde, les raisons pour lesquelles j’ai réalisé ce modeste travail. En quelque sorte un « mea culpa ».
Certes, je n’éprouve aucune crainte. J’ai toujours tiré parti d’une liberté qui ne m’a jamais déçu. De plus, lorsque les circonstances me mettaient dans l’obligation d’exprimer des vérités, j’ai interrogé ma conscience et ma raison. Ce sont des conseillères sûres. Elles ne suscitent aucune équivoque et ne laissent pas de place au regret.
Ce recueil de souvenirs et de notes ne prétend pas révéler un aspect de la guerre, dans le sens qu’on attribue généralement à celle-ci. Son thème est plus simple. Il n’est qu’un épisode du destin collectif, durant l’occupation, dans le cadre d’une cité éloignée du front et pas du tout plus atteinte qu’une autre. Si j’avais voulu donner, aux individualités et aux aspects que j’évoque, un caractère représentatif, en fonction de l’universalité du drame, auquel nous avons été mêlés, je. l’aurais fait avec des préoccupations plus concentrées et en raison de la fonction nouvelle que la guerre a imposée aux hommes.
Aussi bien, comme l’exprimait André Malraux dans la préface de son livre de virilité, Au Temps du Mépris, l’individu s’oppose à la collectivité, mais il s’en nourrit. Et l’important est bien moins de savoir à quoi il s’oppose que ce dont il se nourrit.
Je me réserve, au surplus, de développer dans un autre livre des idées plus imprégnées du drame social que la guerre a constitué, plus représentatives aussi du dynamisme qui a exalté le destin des hommes.
Je le répète, ces pages sont infiniment plus simples. Elles n’évoquent qu’un aspect localisé de la guerre. Elles situent leurs épisodes et les images qui les illustrent, dans un cadre restreint, celui d’une cité — la mienne — mon faubourg ouvrier.
Il ne s’agit donc point d’universalité…
Lorsqu'un vagabond s'arrête dans un petit village isolé, seul Sam, un étrange vieillard bourru, lui ouvre sa porte.…