Godefroid de Bouillon

PRIX
  •   Prix triennal de théâtre de la Communauté française, 1935-1938
À PROPOS DE L'AUTEUR
Herman Closson

Auteur de Godefroid de Bouillon

Herman Closson naît à Saint-Gilles le 11 janvier 1901. Il est le fils du musicologue Ernest Closson, qui enseigne au Conservatoire de Bruxelles (où son fils sera professeur d'histoire du théâtre plus tard) et qui est un champion de la cause wagnérienne en Belgique. Il fait ses études à l'École allemande, où il a comme condisciples Géo Norge, Paul-Aloïse De Bock et Henri Michaux qui exerce sur lui, dans ses jeunes années, une forte imprégnation. Jeune érudit avide de tout lire et de tout voir, il exerce très tôt une verve critique, souvent féroce, qui ne l'abandonnera jamais, et qui fera jusqu'à la fin de l'homme Closson un parleur vif, drôle et souvent redoutable. Ses débuts en littérature sont précoces et fulgurants : il publie, à vingt ans, dans La Nouvelle Revue française, un bref roman, Le Cavalier seul, qui est avant tout une prouesse d'analyse psychologique et s'apparente aux recherches contemporaines de Proust ou de Virginia Woolf. Il y décrit avec une minutie extrême les états d'âme d'un jeune homme qui reconduit à l'arrêt du tramway une jeune fille qui n'est pas son genre, et s'immerge dans cette introspection jusqu'au vertige. C'est, au fond, le contraire d'une démarche dramatique puisqu'elle et lui n'échangent pas la moindre parole, mais la radicalité du procédé étant indépassable, il fera de l'auteur, par légitime défense pour ainsi dire, ne fût-ce que par souci d'échapper à un véritable délire interprétatif, un auteur dramatique. Le théâtre, à partir de là, sera toute la vie de Closson. Il en écrira, mais il fera aussi de la mise en scène, il commentera la vie théâtrale dans la presse, il enseignera son histoire ainsi que la scénographie (à l'école de la Cambre) et participera même, durant quelques mois, à la direction collégiale du Théâtre du Parc. Ses débuts dans l'écriture scénique, en 1923, sont pittoresques : il fait monter dans un commissariat désaffecté de Saint-Gilles, Sous-sol ou le Lavatory, où Fernand Piette, le futur animateur du Théâtre de l'Équipe, joue en travesti le soliloque d'une dame des lavabos. Cette tragédie vespasienne sera créée la même année par les Autant-Lara à Paris. Très tôt, la France s'intéresse au jeune dramaturge : son Godefroid de Bouillon, qui avait été monté par la compagnie du Rideau Gris à Marseille y paraît dans les Cahiers du Sud (1933). Ce premier abord d'un thème historique inaugure ce qui demeurera la veine dramatique principale de Closson. Non qu'il affiche un grand respect de la véracité dans l'évocation des hauts faits du passé; il ne cessera de professer son mépris pour le scrupule documentaire, se contentant, pour rafraîchir sa mémoire, de compulser le petit Larousse. Ce qui l'intéresse dans les grandes figures du patrimoine, c'est la prise qu'elles offrent à l'imaginaire, à la fantaisie. C'est ainsi qu'il aborde la Renaissance italienne dans Borgia (1944), qui sera créé par Françoise Christophe à la Comédie des Champs-Élysées. Et la même liberté présidera au traitement des légendes moyenâgeuses qui sont à la source de ses plus grands succès, Le jeu des quatre fils Aymon et Yolande de Beersel. Ces deux pièces sont typiques de sa méthode, très proche de la pratique, puisqu'elles sont écrites à la commande, pour rencontrer les besoins de troupes aux objectifs précis. Il compose ses Quatre fils Aymon (1943) pour les Comédiens routiers, qui, avant de constituer le premier noyau du Théâtre national, parcourent le pays en acteurs itinérants. Dans ces années de guerre, cette évocation de héros libertaires stimule tellement l'esprit de fronde contre l'occupant que celui-ci s'en émeut : la pièce continuera clandestinement sa carrière sous le titre Le Cheval Bayard... Maurice Béjart tirera du même texte, dans les années soixante, l'argument d'un ballet qui, présenté sur la Grand-Place de Bruxelles, remportera un véritable triomphe. Yolande de Beersel, il l'écrira spécialement pour les comédiens qui occupent, durant l'été, au début des années cinquante, le château du même nom, et qui formeront d'ailleurs le premier noyau de la Compagnie des Galeries. Closson, on le voit, aura été l'un des premiers pourvoyeurs de textes dans le cadre du grand essor que connaît le théâtre belge durant l'occupation et aussitôt après la Libération. Raymond Gérôme avait monté son Épreuve du feu dans le cadre des Spectacles du Palais qu'il animait au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles durant la guerre. Le même comédien fut aussi, avec Claude Étienne et Werner Degan, de la distribution du Jeu de Han, que Closson écrivit spécialement pour un spectacle destiné à la salle du Dôme des célèbres grottes. Passionné de Shakespeare, dont il fera l'un de ses personnages dans William ou la Comédie de l'aventure, il préconisera toute sa vie un théâtre généreux, aux personnages puissants, dotés d'une forme d'aura mythique. Pas des héros pour autant, ils sont trop déchirés pour cela, trop sujets aux pulsions contradictoires de l'ambition, de l'action, de l'interrogation et de la chair. L'intensité physique de ses intrigues a pu faire comparer Closson au théâtre panique que revendiquait Arrabal. Voilà certes une œuvre qui mériterait que l'on y revienne, parce que si elle connut de grands succès, elle pâtit aussi de rendez-vous manqués. L'un d'eux fut le projet de création de sa pièce Faux jour à Paris avec Edwige Feuillère qui fut compromis par la déclaration de guerre et la mort du grand homme de théâtre qui caressait le projet de la mettre en scène, Jacques Copeau. Auteur de nombreuses adaptations, notamment de La Chasse aux sorcières d'Arthur Miller, président du comité belge de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), Herman Closson est mort le 10 septembre 1982. Il avait été élu à l'Académie le 8 juin 1974, succédant à Adrien Jans.

AVIS D'UTILISATEURS

FIRST:xfirstword - "Godefroid de Bouillon"
stdClass Object ( [audiences] => [domains] => Array ( [0] => 9212 ) )

Ceci pourrait également vous intéresser...

Capiche prend le maquis

Pièce en deux parties. Distribution : trois comédiens et des soldats romainricains .Théâtre de revendication…

Le chant du signe : Dramaturgies expérimentales de l’entre-deux-guerres

Pierre PIRET , Le chant du signe. Dramaturgies expérimentales de l’entre-deux-guerres , Circé, coll. « Penser le théâtre », 2024, 210 p., 24 €, ISBN : 978-2-84242-510-4 Nonobstant le fait qu’ils ont produit leur œuvre pour l’essentiel dans l’entre-deux guerres, que peuvent avoir en commun des dramaturges aussi différents que Fernand Crommelynck, Paul Claudel, Michel De Ghelderode, Jean Cocteau, Roger Vitrac, Henry Soumagne, Guillaume Apollinaire ? Si l’on se réfère aux études existantes, seules quelques analogies très partielles sinon superficielles ont été mises en lumière. Or, malgré sa brièveté, cette période fut marquée dans les domaines tant musical que plasticien et littéraire par une forte volonté des créateurs de mettre en question les codes établis – notamment ceux du théâtre de boulevard – et d’innover sans craindre de provoquer. Cette volonté s’étant exprimée dans un grand désordre apparent, sans qu’on puisse la ranger dans le tiroir « avant-gardes », c’était une gageure d’y reconnaitre une logique commune et, à fortiori, de détailler les rouages d’une telle logique. Voilà le défi que vient de relever brillamment Pierre Piret, professeur au Centre d’Études théâtrales de l’UCLouvain, en s’appuyant sur la panoplie conceptuelle de la psychanalyse lacanienne – on voit mal, tout compte fait, quelle autre grille d’analyse aurait pu convenir à la tâche. Déjà naissante avant la guerre de 14-18, une prise de conscience s’est progressivement répandue et amplifiée chez les dramaturges concernant le système et les fonctions du langage verbal. Loin de se réduire à un outil docile d’expression et de communication, celui-ci impose sa loi différenciatrice et structurante à l’ensemble de l’activité psychique et, par là, permet rien de moins que la genèse de la pensée. De cette primauté fondamentale résultent trois grands effets aliénants. D’abord, la langue est léguée à l’enfant par ses prédécesseurs : les seuls mots disponibles pour s’identifier et s’exprimer sont venus de l’Autre. Chacun à leur manière, Crommelynck, Ghelderode et Vitrac ont illustré cette altérité dans Le cocu magnifique, Pantagleize, Victor ou les enfants au pouvoir et plusieurs autres pièces. Une deuxième contrainte résulte de ceci que les mots forment un système clos sur lui-même et radicalement incomplet ; ainsi le sujet est-il entrainé dans une chaine infinie de renvois sans origine ni aboutissement. Les pièces de Claudel et de Soumagne sont particulièrement déterminées par cette organisation langagière, qu’il s’agisse du Soulier de satin ou de L’autre Messie. Enfin, la parole étant structurellement équivoque, elle fait de l’allocutaire non pas un simple « décodeur » comme on le croyait, mais le véritable faiseur de la signification, amené à se frayer un chemin parmi l’entrelacs de signifiants auquel il est confronté. Préoccupés par ce renversement, Cocteau et Apollinaire ont accordé une place stratégique au mécanisme allocutif dans leurs pièces Les mariés de la Tour Eiffel, La voix humaine, Les mamelles de Tirésias. Au-delà de leur grande diversité, et grâce à un examen extrêmement minutieux, Pierre Piret montre que toutes ces pièces présentent plusieurs points communs. Dans chacune le héros (l’héroïne) suspend son existence à la question de la vérité et joue par là sa propre vie. Partagé entre le rôle qu’il tient et le rôle qu’il désire, il n’entre pas vraiment en conflit avec ses semblables mais s’efforce de les discréditer : devenant incompréhensible à leurs yeux, il s’écarte irrémédiablement du cercle familial ou social. Il s’agit en bref d’une « dramaturgie métonymique », soutenue par une fuite en avant continuelle où chaque solution successivement espérée se révèle illusoire, et où dès lors nul dénouement n’est possible. Rompant avec la tradition théâtrale, les pièces analysées mettent en cause de manière insistante la fonction du mode interpellatif inhérent au théâtre, soulignent l’aliénation qui en est inséparable, en ce compris le rôle du public, et précisent dans ce but les conditions de mise en scène. L’entre-deux-guerres théâtral en langue française n’est donc pas aussi disparate qu’on le croyait. Les pièces étudiées dans Le chant du signe – jeu de mots lacanien ? – reflètent la mutation épistémique majeure amorcée par le linguiste Ferdinand de Saussure et y réagissent par des innovations dramaturgiques très imaginatives. Ceci dit, et c’est regrettable, le livre de Pierre Piret n’est accessible qu’à des lecteurs avertis, de préférence familiers des théories de Jacques Lacan. Mais, après tout, celui-ci ne parlait ni n’écrivait pour le grand public… Daniel Laroche Les stratégies d’expérimentation théâtrale mises en œuvre par Apollinaire, Claudel, Cocteau, Crommelynck, Ghelderode, Soumagne ou Vitrac radiographient, selon l’auteur, une mutation civilisationnelle majeure. Ces innovations dramaturgiques qui paraissent gratuites ou absurdes témoignent en réalité d’une interrogation fondamentale…