Georges Simenon : Les pendules de Saint-Pholien (L'Article n°28)

RÉSUMÉ

Préface de Guy Delhasse :

Quand il évoquait ses lectures de jeunesse, mon père admirait le génie de Dumas, la classe de Hugo, les astuces trouvées dans les romans policiers   de Steeman….  Il était lecteur collection double M : « Masque » et « Marabout », pas triple M car un « Maigret » lui paraissait gâteau pâteux, mal cuit… 

Avec pareil héritage littéraire, son fiston fit son possible pour mettre les bouchées doubles en avalant d’abord   Les 3 mousquetaires, Vingt ans après, le vicomte de Bragelonne digérés   eMarabout et les Steeman avalés en Livre de Poche. Les Maigret me furent servis en dessert, longtemps plus tard.   Mon premier fut La tête d’un homme, en Livre de Poche, mon deuxième fut Le pendu de Saint-Pholien, en Livre de Poche sous couverture cloches orange de 1972.  Il m’intriguait, ce Maigret, par son titre de proximité, par les lieux utilisés dans ma ville. A l’été 78, je pris la route en stop pour aller voir Dylan à Paris, passai par Reims et tâchai de boire un demi au « café de Paris », comme Maigret dans son Pendu. Il me fut impossible de trouver ce lieu.

N’en déplaise à mon paternel, Maigret était plus consistant qu’attendu et pouvait même se déguster. Je le fis entrer dans mes lectures sur la traces de La danseuse du Gai Moulin pensant retrouver Maigret souvent « en ribotte » à Liège. Que nenni ! Plus un seul passage, Maigre ne revint plus jamais dans la ville natale de son créateur…Je me résolus à avaler à petites doses Pedigree et tous les autres romans où Simenon déposait en zones cachées ou en décors vrais les éléments de sa ville natale. De belles heures de découverte, je dus en convenir… 

Hélas ! Je ne parvins jamais à transformer mon intérêt pour quelques romans en passion pour l’œuvre qui était gigantesque. Je restais distant, préférant le Noir de la Série, le Noir du Fleuve, le jaune du Masque, le bleu des Rivage. Je devins tellement marginal dans la mouvance simenonienne que je me fis basculer dans les rangs des simenoneux, ces bouseux grognons en phase critique devant l’œuvre du grand Georges alors que les simenoniens locaux comme Henoumont, Libens, Camus, Jour, Boussart et les étrangers plutôt « simenonlogues » voire même « maigretistes » Bertrand, Carly, Lemoine, Baronian étaient fiers de m’éloigner de leurs passions.

Cet état d’âme – mal considéré à Liège quand on se réclame d’une certaine culture polar- ne m’empêcha pas d’aller tracer un petit mot dans le livre de condoléance déposé dans le hall du magnifique château de Colonster, au moment du décès de Simenon. Cet état brumeux de simenoneux ne m’empêcha pas de publier un article élogieux à propos de l’épais ouvrage bio signé Francis Lacassin, à la « une » de mon quotidien de l’époque, « La Wallonie » : « une brique pour un monument ».   Je revenais de loin.

Je fis de Maigret un bon sujet de balade littéraire dans les rues de Liège en l’associant à ses confrères, je fis du Bourgmestre de Furnes, numéro un de la collection Espace Nord, un terrain de recherche : Simenon y avait inventé une « rue de Liège ».

Je ruminais mon propre espace sur une question à trois sous : pourquoi est-ce que Simenon a envoyé Maigret au casse-pipe dans sa ville natale dès sa troisième enquête ? Je formulai une idée révolutionnaire : Simenon aurait instrumentalisé son Maigret pour dévoiler un secret d’ado… Il y avait là, sous mes yeux de « simenoneux » un formidable mystère inconnu des clans simenoniens.

Ce mystère, je le révèle ici dans cet Article, avec humour et dérision. J’ai créé un bonhomme qui raconte le 15 décembre 2022 ce qu’il a vécu cent ans plus tôt. Assis à la terrasse d’un café, ce type sans nom chuchote son point de vue sur ce séjour très court de Maigret dans la ville natale de son concepteur. Au fil de ses pensées, il colle tellement à la silhouette de Maigret qu’il finit par prendre ses manies et même se soumettre non plus à moi, son créateur, mais à un référent qu’il nomme « Maitre Georges ». Il ne peut être Maigret puisque ce dernier est littérairement mort en 1972 après sa dernière enquête en compagnie d’un certain monsieur Charles. Il n’est donc qu’une silhouette éthérée, vieux liégeois bougon qui invite lecteurs et lectrices à suivre son raisonnement pour remettre les pendules à l’heure de Saint-Pholien…

Et mon père ? Il aurait préféré que je révèle une nouvelle astuce de son idole Steeman en me confiant qu’il avait eu bien tort de négliger Maigret. Au fond, le vieux bonhomme, c’est peut-être lui, mon père qui, de sa tombe, veille encore sur les lectures « M » de son fiston…

À ta santé, papa !


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