C’est ainsi : Vérène, Toinon, Ulrich et Cécile voient sans cesse la misogynie ordinaire se rejouer dans leur vie ; constamment, il et elles en subissent la logique. La haine des femmes s’y double de l’horreur du féminin – le féminin en chacune et en chacun. Le féminin comme marque d’un certain penchant, d’un goût plus ou moins prononcé pour ce qui reste ouvert, ce qui fuit, ce qui ne se suffit pas. Autant dire que Vérène, Toinon, Ulrich ou Cécile ne sont plus à l’abri de rien, quand celles et ceux qui préfèrent les formes closes et les ensembles pleins croisent leur chemin. Tôt ou tard – c’est certain -, on leur décochera un énoncé mortifiant. Alors, la flèche fusera et, se fichant dans leur chair, les projettera au bord de l’abîme où on les verra vaciller. Avec une encoche dans l’âme – encore une -, quelque part entre le coeur et l’abdomen.
Karoline Buchner signe aux éditions La Lettre Volée un premier récit piquant et perspicace ancré dans un quotidien tissé d’affronts misogynes, de mortifications infimes qui sont autant de petites flèches trouant une peau trop fine, trop douce, celle d’un féminin décloisonné auquel l’autrice rend toute sa puissance d’expression – qui est, en vérité, puissance d’action.
J’ai un trou, un grand trou dans le savoir – c’est dévoilé : l’être qu’on me suppose est une supercherie. Une blague. Une vaste couillonnade.
Incarnée par des personnages vifs aux contours palpables, une réflexion brillante et caustique se coule dans les plis d’un récit aux allures documentaires, tant…