Èl dûre voye

RÉSUMÉ

Le Chœur parlé est une forme dramatique que l’on rapproche du théâtre antique où le chœur était un élément majeur.

Il est constitué d’un nombre plus ou moins important d’acteurs/récitants, qui interprètent, sur un certain rythme, un texte, qui peut être accompagné d’intermèdes musicaux; la participation de ces acteurs/récitants qui s’expriment ensemble pouvant être ponctuée par les interventions individuelles d’un ou plusieurs récitants. Les chœurs parlés et le théâtre radiophonique furent deux des préoccupations de George Fay durant des années, et cela, à la fois comme auteur et comme théoricien. Il faut convenir qu’au moment où George Fay a fait connaître « El dûre voye », si le théâtre radiophonique en langue wallonne faisait encore florès, le chœur parlé était un genre qui était progressivement passé de mode. La perte d’intérêt pour le genre, après la seconde guerre mondiale, peut s’expliquer, selon certains, par la crainte que l’on peut éprouver pour les mouvements de masse organisés par des pouvoirs totalitaires, de quelque bord qu’ils soient, et par un regain de l’individualisme dans bon nombre de milieux culturels qui craignent avant tout l’endoctrinement.

Quoiqu’il en soit, « El dûre voye » peut être considéré comme un dernier et bel exemple – du moins en littérature en wallon carolorégien – de ce type de théâtre qui connut tant de succès autrefois; un genre que George Fay pratiquait remarquablement et cela dans une langue parfaitement maîtrisée. Ceci méritait donc un coup de projecteur à un moment où le théâtre en langue wallonne se complaît trop souvent dans le recours rassurant à des adaptations qui ne sont guère en adéquation avec la culture locale et avec la vie de notre temps.

À PROPOS DE L'AUTEUR
George Fay

Auteur de Èl dûre voye

George Fay est né à Gilly en 1899. Après de brillantes études, il y mène une carrière d’enseignant, occupant le rôle d’instituteur, puis celui de délégué syndical, avant de devenir directeur de l’école, qui porte aujourd’hui son nom.  Aux côtés de cette activité professionnelle riche, il écrit et publie de nombreux textes en français et en wallon.  Ses premiers écrits publiés sont des essais poétiques en français, réunis sous le titre Le Visage des soirs, en 1924. Mais, dès 1932, il crée sa première pièce de théâtre en wallon : une comédie dramatique intitulée L’ania et qui connait un succès retentissant. Cette pièce le place comme une des références du genre pour ses contemporains. Encouragé par ces retours positifs, il entreprend l’écriture de plusieurs pièces, parmi lesquelles on retiendra la comédie en 4 actes intitulée Jacques Bertrand, et qui met en scène la vie du chansonnier carolorégien.  Outre son talent de dramaturge, George Fay écrit dans d’autres genres, avec un même succès. Ce sont les enfants qui l’inspirent, notamment dans Trwès p’tits-èfants (1941) ou Fonse et Cie (1942), tous deux rehaussés d’illustrations de Ben Genaux.   Avec Trêze à l’ douzène (1938), il marche dans les pas d’un autre fabuliste wallon de Gilly, Horace Piérard, qu’il édite et qu’il contribue à faire connaître.  Son activité en français, principalement concentrée sur la poésie, ne s’estompe pas et il publie encore Entre silences, en 1941, Retrospective 23 en 1942, puis A trois voix, en 1959.  En 1958, il se lance dans l’écriture d’un récit fantastique en wallon : Victor l’ange déchu.  Le théâtre demeure son meilleur terrain de jeu. Sa pièce Zabèle, créée en 1956, est aussi la toute première pièce dialectale adaptée pour et captée par la télévision belge en 1959. Il se lance dans l’adaptation de grands classiques tels Le Médecin malgré lui de Molière en 1963 et Les plaideurs de Jean Racine.  Enfin, George Fay est un critique dramatique fort influent, par ses chroniques dans l’Indépendance, qui permettaient de mettre en lumière les nombreuses productions de la région carolorégienne. Il participe également à de nombreuses émissions pour Radio-Châtelineau, Radio-Binche ou encore l’INR, ancêtre de la RTBF, radios pour lesquelles il écrit également plusieurs jeux radiophoniques.  Il s’est montré homme de terrain : président de l’Association littéraire wallonne de Charleroi de 1940 à 1945, administrateur-délégué à la SABAM de 1962 à 1975, membre de nombreux jurys de tournois dramatiques et un des premiers carolorégiens à être élu membre titulaire de la Société de langue et de littérature wallonnes.  Il décède en 1986, après avoir écrit plus de 25 pièces de théâtre reconnues, et encouragé la pratique et l’écriture du wallon durant toute sa vie.

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Bokèts po l’ dêrène chîje : Poèmes pour l’ultime veillée

Peu de temps avant son décès, le grand écrivain wallonophone Émile Gilliard avait transmis à son éditeur les épreuves corrigées de Bokèts po l’ dêrène chîje . La première édition de cette œuvre — une édition artisanale en 50 exemplaires, aujourd’hui introuvable — lui avait valu le prix triennal de Poésie en langue régionale de la Fédération Wallonie-Bruxelles 2005 et était vue comme un incontournable de sa bibliographie. Sa réédition dans une collection de plus large diffusion et avec des adaptations françaises est donc une initiative bienvenue.  Si cette réédition fait œuvre de justice en permettant à la poésie d’Émile Gilliard d’atteindre des lecteurs qu’elle n’a jamais pu toucher auparavant, soulignons qu’elle fait aussi œuvre utile. En effet, elle fournit aux amateurs une réalisation exemplaire, témoin de la richesse du wallon sous la plume d’un auteur qui le possède pleinement, mais aussi des voies audacieuses empruntées par la poésie d’expression régionale depuis le milieu du 20e siècle.Émile Gilliard est en effet un héritier de la « génération 48 », qui a renouvelé cette poésie par la recherche de formes nouvelles et l’exploration de thèmes actuels. Ces jeunes poètes et leurs continuateurs visaient l’universalité, à travers des œuvres qui ne reniaient en rien leur attachement à leur région ni leurs origines souvent modestes.Dans Bokèts po l’ dêrène chîje , Émile Gilliard applique fidèlement ces principes, suivant une route d’abord tracée par Jean Guillaume, son maitre en poésie. Écrites dans les années qui ont suivi son départ à la retraite, les trois séries qui composent ce recueil explorent le regret lié au temps perdu, l’amertume d’avoir dû travailler pour d’autres, la fatigue physique et mentale… Au fil des poèmes, le lecteur découvre une langue particulièrement souple, riche d’adjectifs aptes à traduire, par exemple, les nuances de ce dernier sentiment : nauji [ « lassé » ], scrandi [ « fatigué » ], nanti [ « exténué » ], odé [ « lassé » ], skèté mwârt [ « éreinté » ]…Par endroits, le poète renoue avec la colère qui s’exprimait à plein dans certaines œuvres précédentes ( Vias d’mârs´ en 1961 , Come dès gayes su on baston en 1979) : ’L âront scroté nos tëresèt nos cinses èt nos bwès,à p’tits côps, à p’tits brûts,[…] come dès fougnantsk’on wèt todis trop taurdcand leû jèsse a stî fêteèt k’ tot-à-fêt a stî cauvelé. Dès-ans èt dès razansk’on a cauzu ovré d’zos mêsse,[…] dissus nos prôpès tëres. [Ils auront dérobé nos terres, / fermes et forêts, / peu à peu, sans fracas, / (…) comme des taupes / qu’on détecte toujours trop tard, / quand elles ont accompli leurs méfaits / et qu’elles ont tout creusé. // Une éternité / qu’on a quasi œuvré / sous tutelle, / (…) sur nos propres terres.] Ailleurs, il reprend les questionnements d’ordre métaphysique qui traversaient À ipe , cette autre œuvre importante, rééditée dans la collection micRomania en 2021. Èt si nosse bole âréve bukéconte one sitwale ? […] Èt nos-ôtes bèrôderèt r’nachî à non-syinceaprès l’ dêrène ruwale ? [Et si notre globe / avait cogné une étoile ? (…) // Nous aurions erré, / cherché inutilement / une ultime issue ?] Ces deux veines majeures de l’œuvre gilliardienne — le questionnement sur l’homme et son environnement, la défiance envers l’exploiteur, en communion avec tous les exploités — trouvent un point de rencontre dans les pages les plus fortes du recueil. C’est alors la métaphore de la maison qui exprime la détresse du « je » (non, du « dji » ) face aux communs massacrés au bénéfice de quelques-uns. ’L ont rauyî djustotes lès pîres dissotéyesèt lès tchèssî au lon,à gros moncias.Èt c’èst cauzucome s’il ârén´ ieû v’luchwarchî è vike,chwarchî è m’ pia.Come si l’ maujoneâréve ieû stîon niër, on burton d’ mès-oûchas. [Ils ont arraché / toutes les pierres descellées / et les entasser au loin, / et c’est quasi comme / s’ils avaient voulu / m’écorcher vif, / charcuter ma peau, / comme si la maison eût été un nerf, / un moignon de mes os.] De manière plus explicite, Émile Gilliard fait le lien avec le désastre écologique dans le poème d’épilogue, écrit spécialement en vue de cette deuxième édition. Vêrè ként’fîye on djoûki l’eûwe ni gotinerè pus wêre foû dès sourdants.On s’ capougnerè po sayî d’ ramouyî sès lèpes.Vêrè ki l’ têre toûnerè à trîs et tot flani,ki nos maujones si staureront su nos djoûs,èt nosse lingadje ni pus rén volu dîre. [Peut-être viendra-t-il un jour / où l’eau filtrera à peine de la source. / On s’empoignera pour se rafraîchir les lèvres. / Une terre stérile fera flétrir les plantes. / Notre maison s’écrasera sur nos jours, / et notre langue n’aura plus de sens.] Au possible effondrement des équilibres naturels fait écho ici celui d’une langue. Bokèts po l’ dêrène chîje est aussi traversé des préoccupations d’un homme qui a donné tous ses loisirs à la langue wallonne et laisse parfois libre cours à son pessimisme : « po ç’ k’il è d’meûre : / on batch di cindes èt dès spiyûres, / sacants scrabîyes / k’on îrè cheûre èt staurer sul pî-sinte » [ « pour ce qu’il en reste : / un bac de cendres, des déchets, / des escarbilles / à secouer et à répandre sur le sentier » ]Et c’est en cela que cette réédition prend une valeur supplémentaire : en redonnant à lire des poèmes qui ne taisent pas son sentiment de lassitude et d’isolement, elle nous rappelle que leur auteur a toujours su le dépasser. Émile Gilliard, en effet, n’a jamais cessé d’écrire dans sa langue première et a consacré ses dernières années à d’importants travaux philologiques. Ce livre prend donc, en creux, la valeur d’une ode à sa résilience et à son formidable engagement. Julien Noël Les traductions offertes ici sont les adaptations littéraires de l’auteur. Plus d’information Ce tryptique a été publié artisanalement, en wallon, à compte d'auteur, en tirage restreint, en 2004. Le dernier volet Crèchinces a également fait l'objet d'un numéro des Cahiers wallons . La présente édition est assortie d'une adaptation en langue française. L'ordre des textes comporte des modifications et un poème d'épilogue résume l'esprit du recueil. L'actuelle situation du monde donne à ces poèmes un reflet d'authenticité. Y pointent heureusement des germes d'espérance et de lumière. Le dilemme reste présent : d'un côté, l'appât du gain, du plaisir, du soi-disant progrès, le manque d'amour d'autrui, de l'autre, le respect de l'humanité, de la nature, du climat. L'humanisme triomphera-t-il d'un matérialisme borné dans lequel notre civilisation peine…

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