Editorial


« J’entendais me donner et je le fis. »
Charles Plisnier, Faux passeports

Charles Plisnier, dans Faux passeports , le roman qui lui a valu en 1937 le premier Prix Goncourt attribué de manière remarquable à un écrivain non Français, faisait le point sur la griserie d’une mystique de l’action politique et le désenchantement qui peut s’ensuivre.

«Peut-être n’étais-je pas un vrai communiste ? Peut-être suis-je seulement à la poursuite de l’homme ?» écrit le narrateur des Souvenirs d’un agitateur sur lesquels s’ouvre le volume.

* La question de l’engagement peut en effet se poser en termes de politikè (la politique, c’est-à- dire l’institution et l’idéologie) ou de politeia (le politique, c’est-à-dire l’engagement citoyen, le souci du vivre-ensemble dans une perspective large, humaniste), l’un ne recoupant pas nécessairement l’autre. Cette dichotomie s’affirme avec force lorsque l’actualité témoigne de l’effondrement de certains…

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FIRST:littérature - "Editorial"
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Le parti de l’étranger. L’Image du «réfugié» dans la littérature néerlandophone d’aujourd’hui

[Traduit du néerlandais par Christian Marcipont.] Le sort du réfugié est devenu un thème de la littérature contemporaine, y compris des lettres de langue néerlandaise. quels sont les auteurs qui, dans les plats pays, ont eu le courage d’aborder le thème du réfugié, montrant chacun à leur manière que la littérature peut apporter une plus-value parce qu’elle sait observer ce sujet sensible sous une multitude d’angles différents? * De nos jours , il est un thème – avec le climat et le terrorisme – qui domine et détermine l’actualité: celui de la migration. C’est surtout depuis les années 1990, qui voient le déclenchement de la guerre civile en ex-Yougoslavie, que la question des « réfugiés » en Europe est devenue un sujet aux nombreuses implications éthiques, politiques et sociales, et que les brasiers en Syrie et au Moyen-Orient ont rendu plus prégnant encore. Il est devenu l’enjeu de campagnes électorales virulentes et est aujourd’hui instrumentalisé comme jamais auparavant par les politiques, et cela sur le dos de groupes de population qui ne se doutent pourtant de rien. C’est aussi une question qui attise la rhétorique belliqueuse des populistes européens. Que cette problématique ne soit pas sans influencer la culture et la littérature contemporaines, c’est là une quasi-évidence. La question s’est toutefois déjà posée à maintes reprises: le réfugié est-il devenu le cache-misère idéal pour l’artiste qui cherche à s’avancer armé de son engagement? Et, mutatis mutandis, cela vaut-il également pour le monde des lettres? S’agit-il d’un passage obligé, d’une thématique « prémâchée »? Toujours est-il qu’à l’heure actuelle les romans et récits dont les protagonistes sont des réfugiés s’accumulent. Nombre d’écrivains traitent dans leurs livres des motivations des migrants et plus particulièrement des réfugiés, des demandeurs d’asile et des sans-papiers. Ils racontent les obstacles à surmonter dans la quête d’une vie meilleure. Chose on ne peut plus logique si l’on considère que ce n’est pas d’hier que les écrivains observent les soubresauts du monde. Le sujet est au cœur de l’actualité et, de surcroît, ces dernières années les catastrophes se sont succédé sans relâche. Cependant, les écrivains ont parfaitement compris qu’il ne leur était pas permis de se jeter tête baissée dans la littérature pamphlétaire. Mieux vaut se tenir à quelque distance des versatilités de l’opinion. On ne peut sortir de son chapeau un « récit de réfugiés », sauf à espérer marquer un point par le biais du journalisme ou de l’essai. Il y a peu, par exemple, Valeria Luiselli a braqué les projecteurs sur les enfants mexicains qui traversent la frontière entre le Mexique et les États-Unis dans son livre de non-fiction Raconte-moi la fin, récit des expériences qu’elle a vécues comme interprète. Mais, récemment aussi, la même Valeria Luiselli leur a consacré un roman, Archives des enfants perdus, où elle raconte les vicissitudes d’une famille à la dérive, dans le contexte de la crise des réfugiés à la frontière du Mexique et des États-Unis. Or, les choses se présentent différemment dans un roman, qui est régi par d’autres règles: « Les récits qui trouvent leur origine dans la réalité nécessitent une plus longue période d’incubation s’ils veulent se transformer en fiction, beaucoup d’eau doit couler sous le pont avant que l’on atteigne la juste mesure », déclarait à ce propos l’auteur néerlandais Tommy Wieringa dans une interview accordée au quotidien flamand De Standaard. Si l’on considère la situation d’un point de vue international, on constate que les ouvrages dont les réfugiés occupent la première place suffiraient à remplir une bibliothèque entière. Dans le genre, Le Grand Quoi de Dave Eggers représente incontestablement un jalon: l’auteur, à travers un roman, raconte l’histoire de Valentino Achak Deng, un enfant réfugié soudanais qui émigre aux États-Unis sous les auspices du Lost Boys of Sudan Program. Citons ensuite le très populaire Khaled Hosseini. Ce dernier a acquis une réputation planétaire grâce à son livre consacré aux atrocités vécues en Afghanistan sous le régime des talibans. En définitive, le protagoniste des Cerfs-volants de Kaboul, après un passage par le Pakistan, finira par débarquer aux États-Unis. Dans le roman qui lui fait suite, Mille soleils splendides, Hosseini évoque également les camps de réfugiés en Afghanistan. « Voilà plusieurs siècles que la littérature prend fait et cause pour l’étranger, l’« autre », le réfugié », observait Margot Dijkgraaf dans le quotidien néerlandais NRC, renvoyant explicitement à l’œuvre du Français Philippe Claudel, qui n’a jamais fait mystère de son indignation quant au sort réservé aux réfugiés. Amer, humain, allégorique, factuel, pamphlétaire ou moralisateur: les angles d’attaque ne manquent pas dès lors que des auteurs se penchent sur le sujet. À quoi il faut ajouter que la question ne divise pas seulement la société, mais les écrivains eux-mêmes. Tommy Wieringa, par exemple, s’est depuis peu rangé à l’idée qu’« une frontière extérieure européenne sûre est nécessaire », ce qui est un point de vue d’adoption récente. Pour ne rien dire ici de Thierry Baudet, chef de file du parti de droite populiste Forum voor Democratie, qui ne répugne pas à se présenter comme écrivain. Parmi les représentants de la littérature d’expression néerlandaise, Kader Abdolah, originaire d’Iran, fut l’un des premiers à coucher par écrit son vécu de réfugié, entre autres dans De adelaars (Les Aigles) et Le Voyage des bouteilles vides XX . Depuis lors, les textes en prose consacrés à l’immigration sont quasiment devenus un genre en soi. Pourtant, des années-lumière séparent Hôtel Problemski XX, Dimitri Verhulst s’immerge dans un centre pour demandeurs d’asile, et l’effrayant L’oiseau est malade XX d’Arnon Grunberg. Souvent, le réfugié offre matière à opter pour des thèmes plus vastes. C’est ce qu’a réussi à faire, par exemple, Joke van Leeuwen avec Hier (Ici), une parabole sur les frontières et sur les contours de la liberté. « Les frontières maintiennent une pensée de type nous / eux, ce qui ne ressortit pas exclusivement au passé. Au contraire, j’ai l’impression que ce type de pensée binaire s’est renforcé ces dernières années », déclare-t-elle à ce sujet. Jeroen Theunissen, de son côté, a introduit subrepticement le thème des réfugiés dans son roman Onschuld (Innoncence) XX , où l’on voit le photographe de guerre Manuel Horst se faire enlever et torturer par des djihadistes dans le guêpier syrien avant, la chance aidant, de parvenir à s’échapper. Il est très peu disert à propos de sa nouvelle liberté, assure qu’il n’a nul besoin d’un soutien posttraumatique et tombe amoureux de Nada, une réfugiée syrienne. Il rentre avec elle en Belgique, où il leur faut batailler pour se construire une nouvelle existence avec le jeune fils de Nada, Basil. Mentionnons également Rosita Steenbeek, auteure de Wie is mijn naaste? (Qui est mon prochain?), un ouvrage engagé non fictionnel s’apparentant au reportage et consacré à l’accueil des réfugiés à Lampedusa, en Sicile et au Liban. Présenter un miroir au lecteur Venons-en à trois œuvres néerlandaises en prose qui traitent du thème des réfugiés d’une manière beaucoup plus directe et qui, pour se baser sur un récit nettement personnel, n’en parviennent pas moins à donner à cette problématique une portée universelle. Elvis Peeters (° 1957) – qui écrit ses romans en collaboration avec son épouse Nicole Van Bael – est un de ces auteurs flamands qui abordent régulièrement ce thème avec maestria, quoique sans menacer quiconque d’un doigt moralisateur. Plus d’une fois on trouve chez lui un penchant…

La multitude des voix : représentation sonore de la foule au théâtre (Dossier J. Pommerat)

Entretien avec François Leymarie, musicien multi-instrumentiste, compositeur, arrangeur, ingénieur du son. François Leymarie signe depuis 1993 les créations sonores des pièces de Joël Pommerat. Pour le théâtre et la danse, il a travaillé aux côtés d’artistes tels qu’Ariane Mnouchkine et Jean-Jacques Lemêtre, Alwin Nicholaïs, Dominique Bagouet, le Théâtre du Mouvement, Karine Saporta ou encore Anne-Laure Liégois, Sylvain Maurice et Greg Germain. Il réalise également de nombreux décors sonores dans le champ événementiel et muséographique.                                                            Alisonne Sinard .  Après un parcours d’études théâtrales, de littérature française (Paris III Sorbonne Nouvelle) et de management de la culture (HEC Paris), elle a travaillé au Théâtre National de Chaillot avant de rejoindre les équipes de France Culture en tant que collaboratrice pour diverses émissions : Sur Les Docks, L’Heure du documentaire, Théâtre & Cie, La Grande Table d’été.                                                                    * Déflagrations de canons, débordements de l’Assemblée et virulences de la foule : Ça ira (1) Fin de Louis plonge le spectateur dans une expérience immersive du son. Joël Pommerat donne à voir autant qu’à entendre le processus révolutionnaire en marche. Dans une esthétique où la musique cède la place à la voix, la parole s’impose à l’aide des micros, et si les motifs sonores chers à l’esthétique de Pommerat sont présents, ils n’en sont pas moins revisités. François Leymarie, créateur son de la Compagnie Louis Brouillard depuis 1993, nous raconte, à la lumière des pièces précédentes, le processus de création sonore. Démultiplier les voix A. S. : Comment a débuté pour vous le processus de création de Ça ira (1) Fin de Louis ? F. L. : Joël m’a téléphoné environ deux ans avant le début de la création. Il s’interrogeait à divers sujets : comment penser le son dans la perspective de représenter la foule au théâtre ? Comment donner à entendre et trouver le réalisme de la multitude, même avec peu de comédiens, ou plutôt, était-il possible de tricher avec le son pour atteindre une multitude de voix ? Ces questions faisaient écho à une recherche sur la voix que nous avions déjà entamée à l’IRCAM XX avec Olivier Warusfel et Manuel Poletti. Nous avons donc tenté de résoudre une demande très précise de Joël, comment faire entendre une voix à un endroit précis du gradin sans pour autant que ça soit une personne physique. Il voulait que ces voix puissent être perçues comme très localisées par le spectateur, pour qu’il tourne la tête vers quelqu’un qui serait en train de parler. A. S. : Dans quelle(s) direction(s) avez-vous cheminé pour résoudre cette question ? F. L. : Nous avons fait plusieurs tentatives : la première avec un système développé par l’IRCAM qui s’appelle le WFS. Pour vous donner une image concrète, c’est comme un objet sonore, une source reconstruite à un endroit localisé de la salle, une sorte d’holophonie XX . Mais ce système, très utilisé pour la diffusion de la musique classique ou contemporaine, est complexe et difficilement transposable au théâtre, sans cesse en mouvement. Nous avons ensuite pensé à mettre des enceintes à la place d’un spectateur, c’est-à-dire qu’en vous asseyant dans la salle, vous pouviez avoir un voisin avec un chapeau étrange, et ce serait en réalité un haut-parleur déguisé. Cette solution fonctionnait mais était loin de donner l’idée de la multitude sonore. Joël a ensuite eu une idée aussi géniale qu’évidente : faire appel à des forces vives. Ce sont des gens volontaires, qui viennent en plus des comédiens, ont accepté de jouer le jeu et de venir à des répétitions. Tout était donc basé sur la réalité sonore de la présence multiple dans l’assemblée, ce qui revient à exploiter le réalisme de l’humain, la présence humaine. A. S. : Le rôle du collectif est puissant dans Ça ira (1) Fin de Louis. Le spectateur est placé en immersion, les voix viennent de tous les côtés de la salle. F. L. : Joël imaginait mal présenter l’action de manière frontale sur le plateau, cela ne correspondait pas à l’idée de foule autour de l’assemblée et de menace du peuple. Il a très vite pensé à cet aspect d’immersion du public, pour l’associer le plus possible à l’action et qu’il se sente englobé dans ce processus révolutionnaire. Des voix, des micros A. S. : Pendant les répétitions, en quoi a consisté le travail sur la voix ? F. L. : Les comédiens étaient obligés de parler fort pour être dans l’effervescence de la Révolution, ce qui implique une manière particulière de porter la voix, très différente des autres spectacles. Dans les pièces précédentes, le contenu était plus intime, il n’y avait pas la même problématique de jeu entre comédiens et de puissance vocale. A. S. : On est très habitué dans l’esthétique de Joël Pommerat à la sonorisation des voix, par l’intermédiaire des micros HF que les acteurs portent sur la joue, des micros à mains que l’on retrouve entre autres avec les rôles de narrateur dans Je tremble 1 et 2 (2007), Cendrillon (2011). Dans ce spectacle, le micro est toujours très présent, mais son utilisation semble renouvelée avec la place dominante du micro sur pied. F. L. : Il y a toujours des micros, partout ! (Rires) Utiliser le micro sur pied, c’est une manière contemporaine d’imposer la parole. A l’époque, les assemblées avaient souvent lieu dans des salles très bruyantes qui résonnent. On pouvait entendre des cris persans, des phrases inaudibles. Il y avait même une agressivité qui venait simplement exprimer des rapports de force, des enjeux de groupe. La voix était alors une manière d’exprimer la présence dans un contexte où il restait difficile de se faire entendre. D’autre part, pour les scènes plus cadrées, plus resserrées, nous avons fait le choix de garder le petit micro HF, très utile pour gagner en précision dans l’intelligibilité des voix. A. S. : Comment les comédiens se sont-ils appropriés ce micro sur pied ? F. L. : Les comédiens qui travaillent avec Joël depuis longtemps ont une bonne connaissance du micro HF, et ont déjà rencontré le micro à main. Les deux micros n’ont pas le même son, mais tout l’intérêt était de jouer avec ces différences : contrairement au micro HF que les acteurs portent sur le visage, le long de la joue, qui nous sert aussi pour les interactions en salle, le micro sur pied permet de jouer sur la distance, en le rapprochant ou en l’éloignant de la bouche. Pendant les répétitions, le travail avec le micro sur pied était un axiome de départ, ils en ont pris possession. Le micro doit aussi être pour eux un médium d’expression de leur voix et de leur jeu. Chaque voix ensuite s’approprie le micro avec une dextérité différente. L’espace sonore A. S. : Ça ira (1) Fin de Louis est beaucoup moins musical que n’ont pu l’être les précédents spectacles comme Ma Chambre Froide (2011), Pinocchio (2007). Il y a néanmoins un choix musical qui interpelle - The Final Countdown XX – qui rappelle un certain goût pour l’art du décalage et de la surprise. Pourquoi cette musique ? F. L. : Nous avons fait une recherche pour regrouper des musiques de meeting, lorsque les hommes politiques entrent fièrement en musique dans l’arène, comme au temps des romains. Cette musique est celle qui accompagnait les meetings de Jacques Chirac en 1981. C’est plutôt de l’ordre du pastiche ici. Nous avions par ailleurs envisagé la commande d’une musique originale pour ce spectacle, mais cette possibilité s’est vite éloignée, pour des raisons budgétaires notamment. Le nombre de comédiens étant bien plus important que sur les créations précédentes, cela laissait moins d’espace…

Ne penser qu’à ça (1993)

J’écris depuis huit années. Des romans toujours des romans. Hygiène de l’assassin est mon onzième roman. Je l’ai écrit il y a longtemps déjà, il y a un an et demi. Depuis, j’écris…