L’ennui est le principal agent d’érosion des paysages pauvres
Maurice Pialat, L’amour existe, 1961
C’est un hasard , une coïncidence.
Mais, pendant plusieurs jours, je ne suis pas parvenu à penser à autre chose. Il y a quelques semaines, après la représentation du spectacle Dehors, que j’ai mis en scène il y a quatre ans, créé au sein de ma compagnie, en complicité étroite avec six acteurs, un auteur, un régisseur, et quelques autres fidèles qui se dépensent sans compter, j’ai écouté un spectateur parler de ce que nous venions de montrer. C’était dans une rencontre publique d’après spectacle comme nous en vivons souvent, plusieurs personnes avaient pris la parole, posé des questions à l’équipe, formulé des impressions. J’étais assis sur scène, entouré par les six acteurs, et Hedi a pris la parole. Les projecteurs m’éblouissaient un peu et ma mémoire des visages n’est jamais très bonne mais, tel que je me le représente quelques semaines plus…
Auteur de Editorial
Metteur en scène, Antoine Laubin anime la compagnie De Facto. Il s’est fait connaître par son spectacle Les Langues Paternelles (« Meilleure découverte » aux Prix de la Critique 2009 et succès public et critique du Festival Off d'Avignon en 2010). Suivront Dehors (sélection aux festivals Impatience, Premières, Fast Forward, ...), L.E.A.R., Le Réserviste, Démons me turlupinant, Szénarios (création trilingue co-produite avec le Staatstheater de Braunschweig), Heimaten et Il ne dansera qu'avec elle.
Combinant écriture de plateau et travail du texte (théâtral ou non, littéraire ou non), Antoine Laubin développe un théâtre-récit à la fois ludique et noir.
Par ailleurs, il co-dirige la revue Alternatives théâtrales, dont il anime aussi le blog et intervient comme conférencier en dramaturgie et en art dramatique à Arts² (École supérieure des arts à Mons).
Rarement un oisillon a été aussi beau. Plumage duveteux bleu turquoise pâle, aigrette et longues rectrices d’une teinte identique plus soutenue, bouille ronde avec d’énormes yeux marron myopes derrière des lunettes cerclées, bec tout sourire. Dans sa salopette jaune pompier, Jacques a tout pour faire craquer. Son doux regard, ses mines attendrissantes, la gentillesse qui émane de lui aussi soyeuse que ses plumes… Quel magnifique héros ! Quentin Gréban l’a créé avec les mêmes traits précis qui rendent une texture particulière à tout ce qu’il représente : tissus, pelages, matières, etc. Mais dans ces illustrations pleines de couleurs vives, incroyables de perspectives et de jeux de lumière, riches de courbes et de détails, c’est avant tout l’expressivité des personnages qui éblouit : on fond pour chacun d’eux, du hamster à la lapine, en passant par la cygnesse et l’ourson en peluche. Joie des yeux et émotion à chaque tableau. Nous sommes à la veille d’un grand moment, celui du spectacle préparé depuis des semaines par les élèves de madame Élodie : « Du décor aux costumes, ils font tout avec leurs petites pattes. Ça coupe, ça colle et ça bricole. C’est sûr, les parents se croiront dans la mer des Caraïbes. » Cette année, à l’abordage, moussaillon ! , les pirates sont à l’honneur. Sur scène, pieuvre, requin, crabe, corsaires partent à l’aventure pour sauver une princesse en détresse retenue sur une île par un méchant dragon. Et Jacques aurait tellement aimé incarner le Capitaine Barbe Noire et délivrer Lulu, l’élue de son cœur… À la place, le rôle de la vague lui a été attribué, ce qui le peine à vrai dire un peu. Heureusement, sa maman sait trouver les mots pour le réconforter : « […] le rôle de la vague est aussi très important ! C’est elle qui fait avancer le bateau des pirates. Et toi, tu es la plus belle vague qu’on ait jamais vue ! »Elle n’a pas tort… Lors de la représentation, Jacques, en plus d’incarner la vaguelette, montrera une camaraderie généreuse envers le pauvre Guillaume qui, pris par le stress, se verra englouti par le trou noir tant redouté des acteurs. Le public s’en rendra-t-il compte ? Peut-être pas… Maude De Bel , dans Le pestacle , propose une histoire d’humilité et de solidarité, de chaleur et de bienveillance. Le texte ravira et inspirera les enfants qui se rappelleront, avant de monter sur les planches de leur prochaine fancy-fair, les encouragements de la maîtresse Élodie : « N’oubliez pas de sourire […] Je suis fière de vous, vous allez être super, mes chéris ! Et le plus important : ON S’A-MU-SE ! » Et, plus essentiel encore, que tout le monde a sa place dans la vie, son rôle à jouer dans le monde… Samia Hammami Plus d’information Dans la classe‚ c’est l’effervescence: c’est bientôt le jour du grand spectacle! Dans sa chambre‚ Jacques répète tous les soirs. Il est prêt! Mais la veille du grand jour‚ il n’arrive pas à dormir‚ il a le trac. Et s’il se trompe? S’il tombe? Et puis‚ il faut bien dire que lui‚ il aurait quand même préféré jouer le rôle du capitaine Barbe Noire‚ pas celui de la vague! Heureusement‚ même une vague peut se révéler importante!…