(Réponse du Récipiendaire : Eloge de Jean Brumioul) Monsieur le Président, chères consœurs, chers confrères,
Comme vous le soulignez, voici cinq ans maintenant que j’ai la chance de gérer la Bibliothèque des dialectes de Wallonie et donc de côtoyer quotidiennement les archives et la bibliothèque de la Société de langue et de littérature wallonnes qui y sont conservées.
J’ai pleinement conscience de l’influence positive que la Société a eue sur l’essor et l’épanouissement des langues régionales de Wallonie, depuis sa création et jusqu’à aujourd’hui.
J’ai également pleinement conscience de la valeur des membres de l’assemblée à qui je m’adresse aujourd’hui. C’est pour moi un grand honneur que vous me faites en m’accueillant au sein de cette société ! J’espère pouvoir m’en montrer digne et apporter ma propre pierre à l’édifice.
Cet honneur est double, puisque vous m’offrez le siège que Jean BRUMIOUL occupait…
Auteur de Baptiste Frankinet nouveau membre titulaire de la SLLW
Nouvelle histoire de Bruxelles. Des origines à aujourd’hui
Comment naît une ville ? Comment croît-elle, évolue-t-elle au fil des siècles ? Comment se bâtit-elle sociologiquement, politiquement, économiquement, culturellement ? Dans son essai Nouvelle histoire de Bruxelles , le philosophe et historien Arnaud de la Croix retrace l’épopée de Bruxelles. Si les physiciens ne peuvent remonter en deçà du Big Bang, franchir le mur de Planck, les historiens, les archéologues sont soumis à semblable contrainte : seules des hypothèses relatives aux traces pré-urbaines des cités peuvent être avancées. L’approche innovante et la méthode qu’adopte Arnaud de la Croix donnent tout leur prix à cet ouvrage qui, étayé par une documentation solide, s’appuyant sur les travaux des historiens, se singularise par deux traits : primo, la convocation de l’histoire sociale, intellectuelle, culturelle, ésotérique de Bruxelles de ses origines à nos jours, secundo, par la mise en récit d’événements négligés, d’épisodes passés sous silence dans les livres d’histoire. On aura compris que, dressant la biographie d’une cité, Arnaud de la Croix ne se range pas sous la bannière de l’histoire officielle. C’est ainsi qu’il exhume et interroge des faits embarrassants, entachant la mémoire collective, forclos de l’histoire dominante (les poussées antisémites au 14e siècle notamment, la « dictature protestante » instaurée à la fin du 16e siècle). Le mouvement de pensée est tout à la fois rétrospectif, comme l’exige la discipline historique, mais aussi prospectif. Quel(s) avenir(s), le passé et le présent de Bruxelles lui dessinent-ils ? Aux affirmations tranchées qui ferment les questionnements et donnent lieu à des vulgates, Arnaud de la Croix préfère la réouverture de controverses. Des controverses qui ont trait à la date de la naissance de Bruxelles, aux circonstances qui ont présidé à son avènement, à l’étymologie de Bruxelles. De la construction, au Moyen Âge, de la première et de la deuxième enceinte fortifiée au développement des artisans, des corporations, de l’évocation de personnalités marginales, controversées (la mystique la Bloemardinne) à celle d’Erasme résidant à Anderlecht en 1521 ou de Bernard van Orley, Breugel, de l’histoire des occupations étrangères à la Révolution belge, de la bataille de Waterloo à Bruxelles capitale de l’Europe, Arnaud de la Croix varie son zoom, entretissant l’histoire des rois et celle du peuple qu’il ressuscite, campant Charles Quint, les Habsbourg, les monarques belges, la décapitation des comtes d’Egmont et de Hornes, la colonisation du Congo d’un côté, les récits autour de Manneken-Pis (leur possible interprétation alchimique), les séjours à Bruxelles de Baudelaire, de Hugo, Verlaine, Rimbaud, le creusement de la Jonction Nord-Midi, la naissance de l’Art nouveau de l’autre. Montrant qu’il n’est pas de « grande » Histoire sans des micro-histoires, Nouvelle histoire de Bruxelles rouvre des pans de ce que Walter Benjamin appelle l’histoire des vaincus. Éclairant la genèse de Bruxelles, ses mutations, les métamorphoses de ses visages architecturaux, urbanistiques, politiques, religieux, linguistiques, l’essai d’Arnaud de la Croix révèle les strates, les mille et une formes d’une ville perçue comme un organisme vivant, soumis à la croissance, au déclin, à la renaissance. De nous faire découvrir la richesse de Bruxelles, ses affluents linguistiques, ses guerres, ses invasions, de dévoiler des sédiments invisibles sous le visible, nous percevons autrement la ville actuelle dans laquelle certains d’entre nous…